mardi 18 décembre 2012

Notre Père Noël à nous s'appelle John Ford


En cette période trouble où l'on se sert de la dénomination chef-d'oeuvre  pour tout ou presque, il nous faut absolument revenir aux saines écritures. Mains jointes et têtes hautes,  agenouillons-nous ensemble pour revoir le grand classique de Monsieur Ford : Three Godfathers.
Dans la paix et la sérénité retrouvées, recueillons-nous devant ce western qui nous conte l'histoire émouvante de ces trois compagnons : John Wayne, Pedro Armandariz et Harry Carey Jr.
Trois voleurs touchés par la grâce Divine qui finiront par devenir les  trois Rois mages.
Suivons nous aussi l'étoile mes frères. Débarrassons-nous des mécréants de la pellicule triste et blême.
Ne pardonnons pas aux imbéciles, aux imposteurs, aux tripoteurs d'ordinateurs  et autres baudruches.
Chantons bien haut les louanges d'un cinéma onirique !
Chassons de notre royaume les marchands du temple télévisuel !
Rasons les multi-complexes,ces hypermarchés dealers de nourriture pour chats !
Jouissons !
Oui ! Jouissons!
AMEN
Julius Marx

dimanche 9 décembre 2012

Vin de messe, pur malt et Soupline



Sortez vos missels 
La première demie-heure de Habémus Papam de Nanni Moretti  tient bien toute ses promesses.
Pensez-donc, un souverain pontife nouvellement élu qui tombe dans une regrettable déprime et refuse même de se rendre au balcon pour le traditionnel salut aux fidèles réunis sur la Place Saint-Pierre !
Face à un  problème de terriens les cardinaux  choisissent d'appeler un éminent psy à la rescousse.
L'inconscient qui vient se frotter au spirituel, voila  une situation initiale qui nous émoustille.
Le trio de scénaristes a donc choisi d'incarner le chef et  les dignes représentants de cette monarchie constitutionnelle enclavée. Soit. Nous nous inclinons solennellement devant ce choix. Cependant , permettez-nous de faire  remarquer simplement  et humblement  à vos seigneuries que le script manque cruellement de mordant.
Mise à part le tournoi de volley-ball organisé pour les cardinaux et l'emploi d'un garde suisse intérimaire dans le rôle du Pape pour sauver la face, le reste piétine un tout petit peu. La quête du souverain Pontife dans les rues de Rome reste prévisible. Toutes les pistes explorées par les auteurs deviennent vite des impasses. Bref, nous nous retrouvons dans le jardin aux sentiers qui bifurquent.

Du rififi chez les bourgeois 
Côté théâtre filmé, Carnage du Grand  Roman Polanski  porte bien son nom. Nous nous délectons devant l'affrontement de ces deux couples upper-class New-yorkais à propos (non pas de bottes d'oignons) mais d'une simple bagarre entre deux adolescents.
L'intrigue débute dans une ambiance feutrée,avec juste un doigt de pur malt, et s'achève par un véritable pugilat digne d'une cour de récré. Rafraîchissant, jouissif  et tellement tendance.
C'est encore un couple Alexandre de La Patellière et Mathieu Delaporte (le dénommé de La Patellière a-t-il un lien de parenté avec le réalisateur des années 50?) qui a écrit et réalisé Le Prénom. L'intrigue débute avec une très belle leçon de philosophie pour tous (si tranchante et juste qu'elle me rappelle quelques passages mémorables du formidable et jusqu'ici inégalé spectacle Big-Bang du talentueux Philippe Avron, c'est dire!) Après cette entrée en matière, probablement déstabilisés, les membres de cette  respectable famille décident de faire leur lessive, un samedi soir et à 20h30!
Le texte est juste, tout comme les comédiens, et les rebondissements arrivent tous au bon moment.
Croyez-moi, nous devrions tous faire notre lessive le samedi soir.
See you in hell
Julius Marx

samedi 8 décembre 2012

Full sentimental



Dans la petite  liste des authentiques auteurs-rêveurs in celluloïd , celui qu'on oublie le plus souvent  de citer c'est le grand  Chaplin .
Recueillons-nous. Baissons légèrement la tête et laissons doucement  nos rêves flotter jusqu'à  l'écran. Générique.
Tout ce qui va suivre n'est en aucun cas parole d'universitaire zélé, ni extrait de savants manuels blancs et noirs . Non, tout ceci n'est que mémoire ; instantanés scintillants en vrac, car tout comme la vie, l'oeuvre de Chaplin n'est pas un continuum.


Dans la grandeur de Chaplin , le personnage du vagabond occupe à l'évidence une place prépondérante. Ce personnage crée de manière tout à fait fortuite (Flash / vision : un livre de Mack Sennett . Un passage cocasse où l'homme explique que  Chaplin , jusque la coiffé d'un haut de forme , est devenu Charlot, juste avant un de ses tournages, en enfilant simplement un pantalon  beaucoup trop grand pour lui, un gilet trop petit et en se coiffant d'un chapeau melon. ) Bien entendu ce personnage de vagabond est un éclair de génie. Mais, plus qu'un attrait vestimentaire, même symbolique, c'est bien la fonction du vagabond qui est importante. Le vagabond va visiter le monde d'en bas . Il a le pouvoir de jouer les médiateurs entre les différentes classes sociales.Il est  l'adjuvant  (quelquefois même contre son gré) des petits, des sans grade. Il est l'opposant de toutes formes de pouvoir : les flics bien sûr, mais aussi les riches sans scrupules et les bandes de malfrats. Dans la première partie de la vie du vagabond, celle des films muets à une bobine, le personnage  ne donne jamais l'impression de prendre en charge le récit et encore moins de véhiculer le moindre message.Il est simplement un ange tombé du ciel , un Deus ex-machina  spécialement chargé par le tout puissant de venir dénouer les fils du récitC'est à mon sens ce qui fait sa force et sa gloire. Il est vierge, sans passé et sans avenir précis, sans d'autre nom que celui du vagabond. 
Dans la deuxième époque du personnage, celle des longs métrages plus personnels, il est toujours le vagabond. On le découvre le plus souvent dans un endroit insolite (  Flash / vision : Le vagabond  dormant dans les bras d'une statue ,  scène d'introduction de City lights). Et puis, une fois sa "mission" achevée , il reprend la route ou disparaît. Evidemment, on ne peut nier que Chaplin fût un mime extraordinaire avec une invraisemblable force comique, des mimiques et une gestuelle inimaginable. Je défie quiconque de visionner par exemple (The Circus) sans rire une seule fois. De n'esquisser le moindre sourire en visionnant le combat du Charlot policeman avec la terreur du quartier. Ce serait impensable et pour tout dire, cette expérience serait d'une stupidité rare.
Si le personnage  et sa fonction  font l'unanimité , le message ou "contenu " du Chaplin-auteur divise. Certains esprits chagrin reprochent au grand homme  son côté trop moralisateur, d'autres son penchant évident pour le trop  sentimental. Le trop, justement est l'allié de la fiction, du rêve, de la poésie.Il faut savoir filmer les choses en grand : la GRANDE violence, le GRAND amour, le personnage PLUS GRAND que la vie. Chaplin a certainement le pouvoir de se situer au-dessus de nous, de  jouer avec les sentiments sans devenir bêtement sentimental, il savait probablement  que sans les sentiments , comme l'écrit  Jim Harrison : " nous ne serions que des morceaux de barbaques sur le plancher."
Amen .
Musique /
NOIR
Julius Marx

mercredi 5 décembre 2012

Une partie de plaisir




vous propose un petit test.

Regardons ensemble ce soir le télé-film sur France 2 La maison Tellier . Ensuite, prenons un peu de bon temps et visionnons l'adaptation d'Ophuls dans son film "Le Plaisir" réalisée en 1952



Il y a trois parties dans cette oeuvre (trois adaptations de nouvelles de Maupassant) et celle qui nous intéresse donc plus particulièrement s’appelle " La Maison Tellier" . Pour les petits veinards (oui, car ils ont la chance de ne pas avoir encore vu un chef-d’oeuvre, ce qui n’est pas si fréquent par les temps qui courent ) résumons donc la ligne dramatique. L’action débute dans une ville de province un soir. Mais, cette soirée n’est pas une soirée comme les autres,elle est entièrement dédiée aux plaisirs interdits. Ainsi les bourgeois de la ville se retrouvent pour goûter à ces fameux plaisirs. Mais, ce soir là, la maison est close ( quel sens de l’ humour, non? ) Mais Pourquoi cette fermeture? Nous apprendrons plus tard que ces dames se sont rendues à la communion de la nièce de leur patronne! 


Entrons donc dans la première séquence : découverte de la maison. L’auteur a décidé de placer la maison en personnage principal de son récit. Il nous présente donc les lieux comme il le ferait avec un personnage. Fi de bavardages ! Nous apprenons tout (ou presque) sur cette maison grâce à une voix off et à des plans composés avec brio. L’auteur a choisi d’être à l’extérieur. La caméra s’arrête toujours sur le seuil (porte ou fenêtre). Les spectateurs sont en quelque sorte placés dans la position de voyeurs, en retrait. De cette façon, et grâce à l’appui de la voix off, l’auteur a la possibilité de se déplacer beaucoup plus facilement dans le récit. Le narrateur omniscient dirige. Le récit prend d’ailleurs son véritable départ avec l’extinction de la lanterne rouge au-dessus de la porte (commandée par le narrateur) qui nous expédie illico dans la séquence 2: / Flash-back / le voyage en chemin de fer des demoiselles vers la campagne où va avoir lieu la communion. Il faut noter que l’auteur va se servir de la même lanterne pour revenir vers la maison dans l’ultime séquence (ces dames sont de retour, les bourgeois également et la vie reprend son cours « normal ».) Nous avons un autre exemple de ce parti-pris « en retrait » avec ( toujours dans la première séquence) une scène cocasse où les bourgeois sont tous assis sur un banc, face au port. Nous les découvrons de dos , comme si la caméra, après les avoir cherché dans la ville, les trouvait enfin.

Le séquences ont donc toutes leur propre identité. Pour la première et la dernière (maison) le choix d’être en retrait est visible. Pour la séquence de la communion, nous suivons (de très près) une des dames (Me Rosa-Danielle Darrieux) qui est , en quelque sorte, « touchée » par la grâce. Si pour les séquences ville et maison, le cadre est serré et la lumière plutôt sombre, à la campagne, au contraire, tout explose ! Nous suivons, nous précédons même parfois les personnages, c’est une envolée permanente. La scène de la grande messe avec toutes ces dames est simplement magnifique. A ce propos, il faut aussi lire le texte originel de Maupassant et sa savoureuse description des petits communiants (certains passages sont repris par la voix off.)


On vérifie donc une fois de plus qu’un véritable auteur (Ophüls) avec l’aide d’un véritable chef-opérateur (Matras, opérateur aussi des films de Clouzot dont nous causerons bientôt) compose totalement son film (je devrais dire décompose) Il en donne sa propre vision sans se contenter d'enfiler les scènes une à une comme des perles en toc . Pour finir, parlons de ce script . Il y a déjà pas mal d’années, j’ai eu la grande chance de l’admirer. Admiration, oui, je dis bien, car l’épaisseur en était étonnante (le plus du double d’un script classique) et puis surtout, un déroutant sens des détails. Par exemple, pour ceux qui on vu le film, dans la scène où Madame Rosa pénètre dans la chambre de la jeune communiante pour la consoler, remarquez l’étagère de la petite fille avec quelques jouets et des livres. Tout ceci est inscrit dans le script !

Ah ! Quelle époque ! J'en frémis encore...

Julius Marx

lundi 3 décembre 2012

Cause toujours... tu m'interresses


Il fait froid.
Le petit lopin de nature à côté de chez vous ressemble au Sud-Vietnam après que l'oncle Sam a balançé son  agent Orange. Votre femme n'est pas encore rentrée de son séminaire bouddhiste  " Avancer sur la voie de la délivrance". Vous avez pris la précaution de sortir le chien pendant le 2O heures et le fils révise sagement ses devoirs.
Rien d'autre à faire que de se taper le film du dimanche soir sur France 2.
Pour cette soirée la chaîne de la culture a choisi de ressortir  un vieux truc en noir et blanc, histoire de faire un peu d'Audimat. On pourrait d'ailleurs se demander pourquoi ces distingués serviteurs de l'Etat et de l'exception culturelle française n'ont pas opté pour l'une de ces productions  subventionnées avec vôtre redevance. Mais, ne cherchons pas le mal partout et asseyons-nous plutôt dans vôtre canapé Ikéa.
Vous regardez donc Les tontons flingueurs du gentil organisateur Lautner.
Mal foutu, mal cadré (quelquefois même tremblotant, si... si) mais, tellement pittoresque.
Le coup de génie du film, ce n'est pas son scénario hésitant et brouillon, ni son unique thème musical développé à l'extrême, mais bien ses personnages.
Ces gentils gangsters, arrières grands-parents de Tony Montana, qui , foulant des deux pieds le code de déontologie  de leur profession , n'hésitent pas à  déblatérer, vitupérer, fulminer ou invectiver.
Et les porte-flingues, les demi-sel ou les caïds de balancer  thèses , synthèses anti-thèses et conclusions comme des immortels du Quai  Conti ou des sommités de la Sorbonne.
C'est bien cet évident  décalage qui surprend dans un premier temps et qui finit par provoquer l'hilarité tant il est anachronique.
Personne ne venant jamais s'interposer pour leur demander de penser un peu plus à l'action et moins à la parlotte,  les bavards remettent même plusieurs couches d'un épais crépi sur l'édifice.
Qu'importe, on se poile, et c'est bien là l'essentiel. Et puis, le noir et blanc, c'est l'époque de l'unique chaîne, de Madame Mado, du carré blanc, des speakerines à fortes poitrines et choucroutes capillaires, un monde sans exception culturelle, sans ordinateurs, sans problèmes de couples, sans violoncelles !
Allons bon, voilà votre moitié qui revient de son séminaire !
Alors, qu'allez-vous lui répondre lorsqu'elle posera la sempiternelle question : "tu regardes encore ce film?"
Comment lui expliquer ?
Surtout, ne changez pas de chaîne. Ne faites pas semblant de regarder le débat sur les chances d'un compromis à l'UMP...Assumez !
Il vaut mieux passer pour un nostalgique que pour un con.
Julius Marx