samedi 30 mars 2013

Saint John



Jours fériés ou pas, urbi or not orbi, faisons-nous plaisir encore une fois, mes frères. Cette scène de Point Blank réalisé en 1967 par  Saint John Boorman est une des scènes que l'on aurait bien aimé avoir écrite, tournée et  aussi bien réussie.
Remarquons le  fil conducteur musical de la structure et les cris primitifs venant admirablement ponctuer les éléments constitutifs.
Grâce au choix d'une narration éclatée et d'un point of view omniscient  pour l'ensemble des séquences, la caméra du prophète garde la grande liberté de se positionner aussi bien IN que OUT.
Et puis, mes bien chers frères, saluons ensemble l'excellente chute référentielle (Hitch).


Dans ce second extrait, Saint Boorman nous rappelle que  pendant que nous avons le privilège de  partager l'agneau pascal, confortablement installés autour de la table familiale,d'autres souffrent et  se déchirent. Prions pour eux.

Une petite minute mes frères. Ne partez pas si vite. Il est de mon devoir de vous apprendre également que ce film est une adaptation du roman de Donald Westlake (que nous vénérons ici-bas, paix a son âme) intitulé The Hunter (Comme une fleur en français).
Seigneur, prend pitié de nous.
Allez en paix, mes frères.
Julius Marx

vendredi 22 mars 2013

Pour le plaisir


Bon. Je n'ai pas aimé Dans la maison de François Ozon. Après tout, qu'est-ce que ça peut bien faire?
Lui, s'en contrefiche et vous, si vous lisez ce blog, vous n'avez probablement pas sauté de joie non plus. Alors?
Je pourrais vous dire que l'intrigue est bien faible, qu'aucun des personnages n'a la mission d'être le personnage principal et que, du même coup, aucune quête n'est clairement énoncée. Je pourrais aussi vous raconter à propos de la quête du personnage, justement, que la scène du film où  le professeur explique à son élève qu'un personnage de fiction doit absolument avoir un but et rencontrer des obstacles (tout ceci à l'aide d'un croquis sur tableau noir) est vraiment significative du foutage de gueule  voulu et organisé par l'auteur.
J'aimerai vous raconter les circonstances où j'ai, moi aussi,  tant de fois dessiné ce même schéma devant des assemblées différentes, allant de jeunes boutonneux ignares à des adultes incarcérés. Et puis aussi, pourquoi ces élèves studieux avaient pris l'habitude de m'appeler" l'antiquaire" en référence à mon goût prononcé pour les films en noir et blanc.
Nous aurions pu également échanger nos impressions concernant les quelques scènes où le professeur apparaît dans le champ en étant vu  uniquement par l'élève et jamais par les autres personnages présents. Vous dire, pourquoi pas, que ce procédé reste efficace s'il est convenablement utilisé et certainement pas comme un gadget qui ne fait que dérouter le spectateur en étayant ma démonstration de quelques extraits choisis de l'Aventure de Me Muir, mais... enfin, voyons... évoquer dans un même article Mankiewicz et Ozon, n'est-ce pas...
Enfin, pour illustrer ce joli article, j'aurai peut-être choisi une photo de Luchini. Mais, voyez-vous chers amis, je ne suis pas encore tout à fait gâteux.
Alors, juste pour le plaisir.
Gene!
Julius Marx

























mardi 19 mars 2013

Les courses du samedi


On le sait , les téléfilms formatés, étudiés et sélectionnés par tranche horaire ( tranche familiale de début de soirée, tranche de fin de soirée etc) sont tous fabriqués pour être diffusés ,à un moment ou à un autre, sur l'écran plat de nos vies blanches.
Parmi les téléfilms" chics", nous avons vu avec intérêt le dernier opus de la franchise James Bond. Il est évidemment manifeste que les fabricants du produit "tête de gondole" sont en plein chantier de rénovation. Dans cette intrigue, 007 ne flingue pas seulement les méchants. Avec un zèle et un professionnalisme  dignes d'un chef de rayon, le grand Bond fait aussi dégringoler l'ensemble des clichés et images liés au produit. On se croirait à la foire du Trône, roulez petits bolides !
Comme les paquets de lessive, les sodas ou autres boites de corn-flakes, le produit doit absolument changer d'image pour ne pas lasser le consommateur. Le travail des designers est performant et l'entreprise de démolition très habile,et même quelquefois drôle ( James reprenant l'ancienne voiture de Sean, M se retrouvant sur le terrain etc). Si le méchant reste un psychotique-paranoïaque-sanguinaire, il  a lui aussi, et c'est la grande  nouveauté, un présent et un passé, comme celui qu'il combat.
Au passage, il faut noter la grande et belle composition de Javier Bardem évoluant dans les impossibles décors d'une île abandonnée. Mais où vont-il chercher tout çà, bon sang?
Bref, pour résumer, dans les lasagnes Findus, on sait qu'il y a de la viande de cheval, mais, on en mange quand même.
Vu aussi un téléfilm moins chic mais fabriqué avec conviction et soin qui s'appelle Populaire.
De ce produit, placé entre les conserves et le rayon bio, on peut parler de deux façons.
Les abonnés à un hebdomadaire catholique de gauche critiquant  même quelques films iraniens (si, si...) remarquerons une intrigue simpliste mais qui a le courage d'évoquer la place de la femme ( et du même coup celle de l'homme) dans la société française du début des trente glorieuses par l'intermédiaire d'une secrétaire qui rêve de taper à machine à écrire plus vite que toutes ses copines.
D'autres spectateurs, abonnés à un hebdomadaire à grand tirage, y verrons plutôt une comédie bien rafraîchissante, dédiée au gentil Frank Capra , avec des couleurs vives, des musiques entraînantes et des acteurs forts sympathiques et très capables.
Oui, mais alors, dans les conditions du marché actuel, pouvait-on faire mieux?
Certainement pas. Welles avait  déjà exposé  et disposé de la grande majorité des codes de narration dans son Mister Kane.
Peut-être, trouver une autre forme?
Oui, un défi pour le moins singulier comme celui, par exemple, d'un scénariste voulant adapter le "Voyage " de Céline et qui se demanderait comment exprimer à l'écran tous ces points d'exclamations!
Quelle misère.
Julius Marx

mercredi 13 mars 2013

Pièce de musée (fin)



Allons bon, il pleut de nouveau. Il parait même que là-haut, dans le nord, la neige provoque une drôle de pagaille. Profitons-en pour achever cette visite au musée.
Voici la toute première scène de While the city sleeps. Restés groupés, s'il vous plaît, messieurs dames.
Cette scène d'anthologie peut être considéré comme une sorte de master du film Noir parce que Lang y passe en revue la plupart des clichés et contraintes de la discipline formelle du genre.
Après un premier plan de situation très carton pâte, nous sommes dans une rue, la nuit, avec les traditionnels pavés mouillés. Ensuite, nous découvrons le personnage qui grimpe les escaliers d'un immeuble. Remarquons au passage qu'il s'arrête et pose sa main gantée sur la boule de la rampe d'escalier. La plupart des spectateurs ont déjà pigé que ce jeune garçon manifestement perturbé cherche une proie. Ainsi, lorsqu'il sonne à la porte d'un appartement, les petits malins s'attendent à voir apparaître une jolie blonde. Que nenni ! Lang prend son temps et nous propose plutôt un vieil homme.
Ce palier, placé pour faire monter la tension dramatique de quelques degrés, fonctionne à merveille.
Puis, le vieux s'en va et le jeune homme (caché) fait une nouvelle tentative. La porte s'ouvre, la jeune femme apparaît, la peur s'installe, la musique devient dramatique et ponctue maintenant les gestes de l'intrus.
Deux merveilleux plans brefs nous montre alors les yeux du tueur et la serrure qui va jouer un rôle primordial dans le dénouement de la scène  ( oui, on peut appeler cela un Deus-ex machina. c'est rassurant de voir qu'au moins une personne suit, merci, chère madame.)
Enfin, voici maintenant le plan de fin, remarquons que le point de vue change deux fois au cours de ce final. Nous sommes tour à tour, du côté  victime et puis, du côté tueur. Quant au meurtre, il n'est pas filmé et reste suggéré, ce qui , bien entendu, renforce encore l'intensité dramatique.
Le cri de la jeune femme sacrifiée nous transperce le coeur.
Et tout ceci en 2 minutes et 47 secondes !
Lang, qui vient de montrer au staff d'Hollywood et avec maestria qu'il est un vrai metteur en scène, peut maintenant passer à ce qui l'intéresse : l 'ordre et la morale, bref : la conscience.
Je vous laisse, je viens d'apercevoir un arc-en-ciel. Les oiseaux gazouillent de nouveau.
Le monde est beau.
Julius Marx



lundi 11 mars 2013

Pièce de musée (2)


Le printemps me donne une pêche incroyable. Ce matin, j'ai réglé la note de téléphone, suspendu les couvertures d'hiver, là-haut, sur la terrasse et rangé les pots de confiture d'orange dans le placard de la cuisine.
Après une si belle matinée, rassasié d'U.V et d'un demi-kilo de crevettes, je retrouvai mon ordinateur le coeur  joyeux et l'esprit libre. J'étais prêt à vous entretenir d'un soucis à la mode, d'un biopic d'humain, de canasson, ou même de La coccinelle à Monte-Carlo.
Mais, subitement, de fourbes nuages sont venus voiler mon soleil, transformant ma fougue créatrice en prose d'attaché de presse.
Alors, quand la lumière disparaît, que l'orage gronde et que la pluie transforme vos couvertures en serpillère, le seul réconfort , c'est la visite au musée.
Arrêtons-nous un moment sur l'oeuvre  du dessus, voulez-vous.
While the City sleeps est un film de Fritz Lang tourné en 1956. C'est l'histoire d'un lipstick-killer obsédé par les blondes pulpeuses (comment lui en vouloir). Mais, si l'intrigue principale est métronomiquement posée sur une ligne dramatique parfaite, le spectateur avisé peut aussi remarquer  que Lang traite également des affaires de conscience. Placés au coeur d'une lutte sans merci au sein d'un journal populaire, les personnages s'interrogent et font des choix qui finissent par mettre à nu la perversion d'un système, d'une société.
Dans cette scène de résolution (en gros la scène du duel dans un western) le principal protagoniste déballe absolument tout. Côté construction, admirons l'intrusion du boss, le placement des personnages, les cadrages et re-cadrages. Bref, un duel de toute beauté.
Et voilà, le soleil est de retour.
Julius Marx

vendredi 8 mars 2013

Les manine !

Les manine arrivent en mars. On ne sait d'où elles viennent. Ce sont de petites plumes, de la ouate légère qui vague dans l'air. Où encore des sphères transparentes qui montent et descendent, un ballet incessant, comme animées d'une vie personnelle, d'un petit moteur à elles. Elles gagnent le Bourg, passent au-dessus des baraques de la périphérie, ralentissent sur les vergers, dansent dans les cours où les femmes ont déjà suspendu aux arbres les vêtements  plus légers pour les faire respirer un bon coup.
Puis les manine reprennent leur voyage et arrivent à la gare. Elles évoluent dans l'air immobile qui pèse sur les voies de garage. Finalement les voici sur les toits de la petite ville. Elles s'abaissent sur les espaces vides dans les rues, le Corso principal et se balancent devant les rectangles des fenêtres.
Des gamins, sur le chemin de l'école, bondissent pour s'emparer des mystérieuses petites boules. Ils poussent des cris de joie : " Las maninas, les manine du printemps."
Un vieillard veut les emprisonner dans son chapeau qu'il brandit comme un filet à papillons.
L'essaim des manine est maintenant parvenu au bord de la mer. Il s'enroule autour des mille fenêtres du Grand Hôtel, encore endormi dans ses stucs. Sur la plage, il survole, à deux pas d'un side-car noir, le premier bivouac de touristes allemands qui vont de temps en temps se jeter à l'eau comme des phoques, en poussant des exclamations gutturales et excitées. Il gagne ensuite le môle où l'attend un homme d'une soixantaine d'années, d'aspect distingué: longue chevelure neigeuse dépassant du vaste chapeau à large bord et pinces à linge aux chevilles, pour resserrer les pantalons. Les gens d'ici l'appellent "l'Avocat".
Il tient à la main une bicyclette neuve, équipée de tout l'attirail nécessaire. L'autre main est tendue en avant , dans l'espoir qu'une manina viendra s'y poser. Et voici en effet l'une des innombrables petites boules blanches doucement, tout doucement, descend sur la paume de l'Avocat, qui la referme, tout satisfait.
Scénario Amarcord  (Federico Fellini et Tonino Guerra)



Les Manine, ce n'est pas seulement un instant de poésie, c'est aussi l'occasion d'une présentation de l'arène, des lieux où va se dérouler la majeure partie de l'intrigue du film. C'est encore la découverte des différents protagonistes animateurs ou observateurs de chaque séquence. On peut aussi s'apercevoir que l'auteur, à partir de la version poétique du script initial a choisi de faire parler un des observateurs pour cette présentation (un autre va venir dans la séquence suivante donner lui aussi sa version.)
En choisissant de  donner ce point de vue extérieur, Fellini opte pour un récit éclaté, une sorte de mosaïque avec une myriade d'instantanés scintillants, en vrac, tout comme la vie et les souvenirs...
Quelle beauté, quel talent!
Vous ne pouvez pas me voir, mais j'en chiale de plaisir.
Julius Marx
(L'imbécile qui donne son avis)