lundi 10 juin 2013

Tommy


The three Burials of Malquiades Estrada de  Tommy Lee Jones est un western classique et moderne tout à la fois.
Classique, parce qu'il respecte les codes du genre en privilégiant la morale. Moderne, parce qu'il a pour ambition  de briser d'autres codes.  Tentons d'analyser un peu tout ça en gardant en tête cette intéressante dualité.(1)
Mais, avant toute chose, je vous colle ici le résumé du film pour ceux d'entre nous qui n'ont pas encore eu la chance de voir le film.
Texas, près de la frontière mexicaine, de nos jours. Un jeune garde-frontière tue par erreur Melquiades Estrada (Julio Cedillo), un vaquero. Après une rapide enquête, son ami, Pete Perkins (Tommy Lee Jones) décide de rapporter son corps dans son village, au Mexique, en obligeant son meurtrier à l'accompagner.

 Dans le western classique, le personnage principal se sert du Mexique ou de ses habitants  comme d'une base de repli, un abri salutaire où des braves paysans le soigne sans poser de questions, pendant que de très belles filles à la longue chevelure brune et bouclée confectionnent des petits pains à la farine de maïs. Mais, les belles filles savent que l'hombre repartira un jour vers ses pâturages, et qu'il  les abandonnera, les deux mains dans le pétrin, après le traditionnel  et chaste baiser  sur leurs fronts brûlants.
Dans Three Burials, c'est du Mexique et de ses habitants que viendra la rédemption. Le jeune garde- frontière va devoir, dans un premier temps, faire lui aussi le voyage dans les mêmes conditions que ceux qu'il avait  le devoir de poursuivre et qu'il brutalisait. Puis, à la fin de son parcours initiatique, son aîné lui accordera le pardon avant de disparaître.
Dans la plupart des westerns le gardien de la morale est un personnage fort, puissant et expérimenté. Son expérience vient du fait qu'il a du traverser un bon nombre d'épreuves. Il se présente comme un des derniers hommes intègres.Sa marginalisation est inévitable puisqu'il survit dans une société qui avance inexorablement vers ce satané progrès qui, on le sait, va rendre les hommes libres et égaux.
Dans le film, si le personnage n'échappe pas à cette règle, il  se présente pourtant comme un homme en fin de parcours (voir le très beau personnage de William Munny de l'allégorique Impitoyable de Clint Eastwood).  C'est un fait ; Pete Perkins n'est pas aussi fort que John Wayne, aussi intelligent que Jimmy Stewart, aussi roublard que Burt Lancaster et aussi bon que Gary Cooper. Bref, il fait partie de la famille de Rooster Cogburn , le Marshall de True Grit des frères Coen (2), et ne sera jamais invité dans celle d' Ethan Edwards  à partager le gâteau à la citrouille, un bel après-midi ensoleillé de printemps.
Voyons aussi le rôle important des femmes dans ce film. Dans une structure classique, ces dames sont bien souvent cantonnées au rôle ingrat de  destinataire ou destinatrice. C'est à dire qu'elles provoquent ou recueillent la réaction du héros. Dans Three Burials, elles agissent et leur parole compte. Nous remarquons également qu'elles sont émancipées (l'une d'elle va même jusqu'à vivre trois aventures avec trois hommes de la même ville).
Achevons ce brillant exposé avec un simple constat : le monde  où vit  Pete Perkins est  un monde d'obèses,vulgaire et affreusement individualiste. Dans celui d'Estrada, de l'autre côté de la frontière, il subsiste encore quelques valeurs comme la solidarité, la compassion  ou le partage.
 Bref, l'un rêve encore, l'autre plus du tout. C'est peut-être pour cette unique raison  que l'image "Texas" est volontairement laide et  la partie "Mexique" beaucoup plus léchée?  Nous ne pouvons l'affirmer.
Bien, je vous avais promis de m'occuper de films intéressants, c'est fait.
Julius Marx
(1) Nous devrions tous nous exercer quotidiennement à garder en tête d'intéressantes dualités, ceci éviterait, à n'en pas douter, de nombreux fiascos comme les campagnes électorales, par exemple.
(2) Voir article sur ce blog. Je pense aussi au film Lone Star de l'excellent et fort méconnu John Sayles.

mercredi 5 juin 2013

Noir



38 témoins est un film noir intéressant, même si on peut relever çà et là quelques touches psychologiques post-nouvelle vague irritantes.
Oui, intéressant et noir tout d'abord grâce à l'image de Monsieur Pierric Gantelmi d'Ille dont à ma grande honte je ne sais rien.
L'un des éléments important d'un film noir c'est d'abord son atmosphère particulière, ses décors, son ambiance générale (mais, si, vous le savez bien, la nuit, les pavés mouillés, les réverbères cassés etc.)
Dans ce film, le réalisateur Lucas Belvaux ( sur lui,  je sais pas mal de choses, notamment qu'il est l'auteur de la très originale trilogie composée d'Un couple épatant , Cavale et Après la vie ; trois films au départ indépendants et de genre dramatique différent  mais dont les actions s'entrecoupent pourtant. On peut même assister à la rencontre de plusieurs personnages, un peu à la manière du grand USA de Dos Passos, côté roman) a donc choisi de situer son histoire dans une rue du Havre, ville cinématographique s'il en est (voir article sur Le Havre de Kaurismäki dans ce blog) et le moins que l'on puisse dire c'est que ça fonctionne magnifiquement bien.
Dans ce décor ouvert sur la rue principale où un crime vient d'être commis , chacun observe chacun dans l'ombre ou dans la lumière. Mais, personne ne parle. On se contente seulement de déposer quelques bouquets sur les lieux même du crime en regrettant ce monde si injuste et cruel.
Tout ceci est magnifiquement noir.  Les deux protagonistes du drame ( un homme qui finit par témoigner, rongé par la culpabilité, et sa compagne) tentent désespérément d'échapper à leur destin. Mais, on le sait ( mais si, vous le savez) dans un film noir personne n'échappe à son destin.
C'est triste. Très triste.
Julius Marx