mardi 3 décembre 2013

Comme la lune


Bon, c'est vrai que Joël Séria est le réalisateur de Mais ne nous délivrez pas du mal et Les galettes de Pont-Aven. J'ai vu le premier, un samedi soir, dans une petite salle surchauffée et bourrée de militaires (ou de militaires surchauffés et bourrés, je ne me rappelle plus très bien.) La seule chose dont je me souviens, c'est que nous n'étions que trois soldats à soutenir mordicus le film, à la sortie. Le même trio que les distingués troufions avaient traité de tapettes à cheveux longs, dans la longue file d'attente qui menait au génocide capillaire. Ensuite, j'ai fait comme tout le monde en fréquentant assidûment les salles d'arts et d'essais, histoire de me documenter sur les moeurs des amerloques, japonais ou autres suédois et il  faut bien admettre qu'à cette époque, il y avait beaucoup plus d'essais que d'art véritable.
Je n'ai donc vu les galettes que beaucoup plus tard, à la télévision. De ces deux films, nous ne parlerons pas ensemble. Attardons nous plutôt sur ...Comme la lune , un véritable concentré du style Séria.
La politique de la maison, c'est d'abord les acteurs. Marielle, bien entendu, mais aussi et surtout la gente féminine ; ici, la magnifique Sophie Daumier ne parle pas, elle minaude, elle ronronne, elle miaule. Et puis, la palette des acteurs de complément, ces magnifiques éternels second ou troisième rôle qui, dans les films de Séria se contentent de jouer juste en balançant leur dialogue comme de vrais uppercuts  à la mâchoires des spectateurs hilares. Evidemment, c'est ce dialogue qui nous transporte dans la fiction. Même si le monde de Comme la lune est caricaturé à l'extrême, si les détails aussi bien décoratifs que vestimentaires (ah! la moquette rose autour du rétroviseur!) sont soigneusement mis en valeur, tout est rigoureusement et cinématographiquement Juste. La grande différence entre un vrai dialogue et une suite de bons mots, c'est bien entendu sa crédibilité. De cette façon, le personnage de Marielle ne cesse de débiter des atrocités ou de monstrueuses conneries dans une  joie et une allégresse communicatives.
On peut, par exemple, entendre ces deux répliques :
-Tu vois, si tu me doublais un jour, je te désosserai comme un gigot.
-J'adore quand tu me dis des trucs comme çà, ça me donne la chair de poule.
Ce cinéma-là est  méchant, roublard, populaire, vil, lâche, grivois, jubilatoire et donc: indispensable.
Vive la France!
Vive Joël Séria!
Rompez les rangs!
Julius Marx