lundi 22 juin 2015

Fast-food




Un grand nombre de personnes (qui ne sont pas des amis mais de simples relations de voisinage, je dois le préciser. Pardon mais, c’est important pour moi) me poussait à visionner au plus vite  Les Recettes du bonheur  de  Lasse Hallström. Les commentaires allaient de « Tu verras, toi qui aime le cinéma » à « c’est vraiment sympa ».Bon,  j’ai donc visionné. Autant le dire tout de suite, pour un film se déroulant dans le milieu de la gastronomie, le terme de navet est particulièrement bien adapté. Cette chose idiote, inélégante, a encore moins de goût, de saveur, qu’un hamburger. Voyons tout ceci ensemble. Il le faut bien, je n’ai pas le courage qu’il faudrait pour détruire le début de cette chronique et partir tout de suite dans une de ces zones d’inactivité qui me sont chères, et me prélasser, par exemple, sans aucune gêne, sur la terrasse du Café de la Mairie d’Aix-en-Provence.
Le prétexte est à lui seul un pot-pourri  si syncrétique qu’il pourrait provoquer, chez certains êtres plus faibles, un sentiment comme la haine ou le mépris. Mais, optons simplement pour l’ironie. Dans ce blog, je tiens avant tout à conserver les quelques règles de bienséance enseignées par ma grand-mère  bien avant qu’elle ne soit violée par un régiment de cosaques. (1) Jugez plutôt ;  ce film nous conte l’histoire palpitante et mouvementée  d’une famille d’hindous venue ouvrir un restaurant dans un petit village français, juste en face d’un autre restaurant, étoilé celui-là, dirigé par une maîtresse-femme respectueuse des éternelles traditions de nos campagnes. Heureusement, la guerre ne durera que très peu de temps et tout ce joli monde va finir par s’embrasser car, voyez-vous, amis lecteurs, notre monde  est totalement positif et il  n’est pas  confisqué par de fieffés saligauds  mais peuplé de mignons petits lapins, de gentilles fées clochette et de princes charmants qui se transforment en cuisses de grenouille (à moins que ce ne soit l’inverse… Qu’importe !)
Vous l’avez compris, le contenu proposé par nos amis américains responsables de la chose est à peu près aussi compact que disons… Donald et Dingo aux jeux Olympiques. L’histoire ne se déroule pas à la montagne, pourtant, nous avons droit dès l’entrée des mangeurs de curry dans le petit village french, so typique !, à une véritable avalanche de clichés tous aussi avariés les uns que les autres. La patronne du restaurant traditionnel fait ses courses en DS 19 et répond aux appels empressés de la clientèle avec un magnifique téléphone en bakélite. Puis, plus tard, en comprenant que l’humanité n’est que joie et bonheur, elle finit par falling in love, en courant sur un lit de fleurs sauvages (probablement prêtées par la firme Monsanto) du vieil hindou qui possède un appendice nasal aussi gros qu’une pomme de terre de consommation courante (bio, peut-être, je ne peux l’affirmer avec certitude.) Pendant ce temps-là, dans sa cuisine, les chefs préparent encore des plats à base de béchamel. N’oublions pas l’autre chef, l’hindou, (le fils de l’homme au nez de patate) qui pêche avec une paire de moufles pendant que sa copine (la gentille petite cuisinière française) cueille des ceps. Malheureusement, la scène où elle est kidnappée par les chasseurs et délivrée par Bambi a été coupée au montage, c’est bien dommage. Côté image, le chef opérateur (probablement natif  du plat pays) s’amuse à nous balancer des rayons de soleil dans  l’objectif. J’espère qu’il sera vite mangé par l’ogre du Petit Poucet.

Penser que l’on va probablement clore la saison sur ce film inutile et lamentable me plonge subitement dans une profonde tristesse. Oui. Je vous embrasse quand même.
Julius Marx
Et puis non, nous ne finirons pas sur une note pessimiste. Je viens de revoir The Tourist de  Florian Henckel von Donnersmarck. Le film reste toujours aussi savoureux et j’ai encore découvert d’autres petits trucs Hitchcockiens. Relisez ma critique (année 2011) sur ce blog avant de le revoir vous aussi  ou procédez dans le sens inverse, vous êtes libres, après tout. Il est grand temps pour moi de filer maintenant sur la terrasse du Café de la Mairie, histoire d’observer notre monde qui s’effondre. Si vous passez par- là, commandez une boisson anisée et faites appeler Monsieur Kaplan.
Je vous embrasse plus fort.


  (       (1) Il s’agit là d’une blague cinéphilique. Que ceux qui  en ont saisi le sens et la paternité l’expliquent aux autres.  

vendredi 5 juin 2015

SEUL



La définition que l’on donne généralement du néo-réalisme italien (de simples amateurs remplaçant les acteurs confirmés, des lieux de tournage libres etc..) est, je pense, pour le moins exagérée, comme bien d’autres définitions.
Le néo-réalisme visait surtout à intégrer une part de vérité sociale dans le script. Cette réaction saine, ce besoin d’authenticité, faisant  face, bien évidemment à une grande partie des films de cette époque qui ne sont que bouffonneries ou farces.
Plus tard, des maîtres (comme Fellini, par exemple) profiteront de ce moment unique du cinéma pour réaliser des films poétiques à partir de la vie et de sa banalité magique en mettant en scène des personnages "du peuple" qui deviennent  bien plus grands que la vie comme sa  Juliette  des esprits. On peut aussi citer Mario Monicelli avec son  magnifique Pigeon et sa bande de cambrioleurs pittoresques.
Umberto D de Vittorio De Sica, qui passe pour un classique incontournable de cette période clé, raconte  l’histoire  touchante d’un vieil homme seul, face à la mort, qui n’a  plus pour unique compagnon qu’un petit chien. Alors que le monde autour de lui s’écroule, il tente pourtant de conserver ce souvenir précieux des choses simples comme l’amitié, l’honneur et la dignité. Ce qui pourrait se traduire à l’image comme un affreux mélo larmoyant se transforme, justement grâce en partie à cette touche de vérité sociale, en une magnifique histoire  juste et sensible. Grâce encore à son côté néo-réalisme, le film, beaucoup moins « théâtral et cinématographique » que, par exemple, les Fraises sauvages d’Ingmar Bergman sur un sujet sensiblement identique, accompagne progressivement le vieil homme dans son  inévitable chute vers le néant. Dans cette chute d’un représentant de l’ancien monde, il n’y a plus aucune place pour le rêve, la poésie ou la nostalgie des temps passés. Les évènements s’enchaînent de manière implacable jusqu’à la scène du  « suicide », enseignée dans les écoles de cinéma, et à propos de laquelle vous avez probablement tous lu ou visionné quelque chose un jour.
Il faut bien se résoudre à l’évidence : nous finirons tous seuls.
Quevedo a écrit que «  la vie commence dans les larmes et le caca », je ne suis pas loin de penser qu’elle s’achève de la même façon.
Maintenant, laissez-moi seul.

Julius Marx