mercredi 5 décembre 2012

Une partie de plaisir




vous propose un petit test.

Regardons ensemble ce soir le télé-film sur France 2 La maison Tellier . Ensuite, prenons un peu de bon temps et visionnons l'adaptation d'Ophuls dans son film "Le Plaisir" réalisée en 1952



Il y a trois parties dans cette oeuvre (trois adaptations de nouvelles de Maupassant) et celle qui nous intéresse donc plus particulièrement s’appelle " La Maison Tellier" . Pour les petits veinards (oui, car ils ont la chance de ne pas avoir encore vu un chef-d’oeuvre, ce qui n’est pas si fréquent par les temps qui courent ) résumons donc la ligne dramatique. L’action débute dans une ville de province un soir. Mais, cette soirée n’est pas une soirée comme les autres,elle est entièrement dédiée aux plaisirs interdits. Ainsi les bourgeois de la ville se retrouvent pour goûter à ces fameux plaisirs. Mais, ce soir là, la maison est close ( quel sens de l’ humour, non? ) Mais Pourquoi cette fermeture? Nous apprendrons plus tard que ces dames se sont rendues à la communion de la nièce de leur patronne! 


Entrons donc dans la première séquence : découverte de la maison. L’auteur a décidé de placer la maison en personnage principal de son récit. Il nous présente donc les lieux comme il le ferait avec un personnage. Fi de bavardages ! Nous apprenons tout (ou presque) sur cette maison grâce à une voix off et à des plans composés avec brio. L’auteur a choisi d’être à l’extérieur. La caméra s’arrête toujours sur le seuil (porte ou fenêtre). Les spectateurs sont en quelque sorte placés dans la position de voyeurs, en retrait. De cette façon, et grâce à l’appui de la voix off, l’auteur a la possibilité de se déplacer beaucoup plus facilement dans le récit. Le narrateur omniscient dirige. Le récit prend d’ailleurs son véritable départ avec l’extinction de la lanterne rouge au-dessus de la porte (commandée par le narrateur) qui nous expédie illico dans la séquence 2: / Flash-back / le voyage en chemin de fer des demoiselles vers la campagne où va avoir lieu la communion. Il faut noter que l’auteur va se servir de la même lanterne pour revenir vers la maison dans l’ultime séquence (ces dames sont de retour, les bourgeois également et la vie reprend son cours « normal ».) Nous avons un autre exemple de ce parti-pris « en retrait » avec ( toujours dans la première séquence) une scène cocasse où les bourgeois sont tous assis sur un banc, face au port. Nous les découvrons de dos , comme si la caméra, après les avoir cherché dans la ville, les trouvait enfin.

Le séquences ont donc toutes leur propre identité. Pour la première et la dernière (maison) le choix d’être en retrait est visible. Pour la séquence de la communion, nous suivons (de très près) une des dames (Me Rosa-Danielle Darrieux) qui est , en quelque sorte, « touchée » par la grâce. Si pour les séquences ville et maison, le cadre est serré et la lumière plutôt sombre, à la campagne, au contraire, tout explose ! Nous suivons, nous précédons même parfois les personnages, c’est une envolée permanente. La scène de la grande messe avec toutes ces dames est simplement magnifique. A ce propos, il faut aussi lire le texte originel de Maupassant et sa savoureuse description des petits communiants (certains passages sont repris par la voix off.)


On vérifie donc une fois de plus qu’un véritable auteur (Ophüls) avec l’aide d’un véritable chef-opérateur (Matras, opérateur aussi des films de Clouzot dont nous causerons bientôt) compose totalement son film (je devrais dire décompose) Il en donne sa propre vision sans se contenter d'enfiler les scènes une à une comme des perles en toc . Pour finir, parlons de ce script . Il y a déjà pas mal d’années, j’ai eu la grande chance de l’admirer. Admiration, oui, je dis bien, car l’épaisseur en était étonnante (le plus du double d’un script classique) et puis surtout, un déroutant sens des détails. Par exemple, pour ceux qui on vu le film, dans la scène où Madame Rosa pénètre dans la chambre de la jeune communiante pour la consoler, remarquez l’étagère de la petite fille avec quelques jouets et des livres. Tout ceci est inscrit dans le script !

Ah ! Quelle époque ! J'en frémis encore...

Julius Marx

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