jeudi 22 novembre 2012

Point of view



Un plan séquence d'anthologie pour une destruction annoncée
Le plan-séquence qui ouvre le film est l'un des plus virtuoses qui soient. Jacques Lourcelles en fait un élément à charge contre le film : "Welles utilise le plan-séquence dans une optique opposée à celle de Preminger qui voulait par là faire oublier le découpage et le montage, dans ce rêve idéalement classique d'un film qui serait composé d'un seul plan. Le plan-séquence de Welles se revendique comme tel dans chacune de ses secondes. Le plan-séquence (le premier notamment) est une prouesse destinée à couper le souffle et à engendrer un suspens interne qui concerne moins l'action proprement dite que la virtuosité du metteur en scène."

Bon, nous parlons de  Touch of Evil (La soif du mal) du grand Orson Welles et de son très fameux  plan-séquence  d'une bonne dizaine de minutes ouvrant le film. Un virtuose, l'ami Orson, sans aucun doute possible, mais ; doit-on pour autant parler d'acte gratuit?
Non, pas du tout, car à mon sens ce plan est sensé nous donner le Point of view c'est à dire, en quelque sorte la place du narrateur dans le récit qui  débute.
Dans le cas présent, nous sommes en présence d'un narrateur omniscient placé volontairement au-dessus des évènements, de l'action et des personnages.
Ainsi positionné, cet observateur privilégié a le pouvoir magique de se déplacer avec les personnages mais aussi de précéder l'action, de la devancer (voir la très fameuse scène du motel).
Il y a aussi cette autre scène dont on parle un peu moins où l'on voit l'agression d'un personnage dans une rue sombre. L'homme  reçoit de l'acide en pleine figure et la scène est merveilleusement filmée avec deux visions  différentes : côté agresseur et côté agressé. C'est bien le point of view choisi par l'auteur qui permet une telle liberté. 
Sans cet avertissement judicieux  au tout début du film, le spectateur serait évidemment  en droit de se demander : qui regarde la scène? 
Ce point of view est régulièrement utilisé ( et avec brio) aujourd'hui par le duo Coen, par exemple. 
Vous avez remarqué mon sérieux lorsque je parle de classiques?
Julius Marx


La première partie du texte est extraite d'un article du site du très fameux ciné-club de Caen 


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