vendredi 5 juin 2015

SEUL



La définition que l’on donne généralement du néo-réalisme italien (de simples amateurs remplaçant les acteurs confirmés, des lieux de tournage libres etc..) est, je pense, pour le moins exagérée, comme bien d’autres définitions.
Le néo-réalisme visait surtout à intégrer une part de vérité sociale dans le script. Cette réaction saine, ce besoin d’authenticité, faisant  face, bien évidemment à une grande partie des films de cette époque qui ne sont que bouffonneries ou farces.
Plus tard, des maîtres (comme Fellini, par exemple) profiteront de ce moment unique du cinéma pour réaliser des films poétiques à partir de la vie et de sa banalité magique en mettant en scène des personnages "du peuple" qui deviennent  bien plus grands que la vie comme sa  Juliette  des esprits. On peut aussi citer Mario Monicelli avec son  magnifique Pigeon et sa bande de cambrioleurs pittoresques.
Umberto D de Vittorio De Sica, qui passe pour un classique incontournable de cette période clé, raconte  l’histoire  touchante d’un vieil homme seul, face à la mort, qui n’a  plus pour unique compagnon qu’un petit chien. Alors que le monde autour de lui s’écroule, il tente pourtant de conserver ce souvenir précieux des choses simples comme l’amitié, l’honneur et la dignité. Ce qui pourrait se traduire à l’image comme un affreux mélo larmoyant se transforme, justement grâce en partie à cette touche de vérité sociale, en une magnifique histoire  juste et sensible. Grâce encore à son côté néo-réalisme, le film, beaucoup moins « théâtral et cinématographique » que, par exemple, les Fraises sauvages d’Ingmar Bergman sur un sujet sensiblement identique, accompagne progressivement le vieil homme dans son  inévitable chute vers le néant. Dans cette chute d’un représentant de l’ancien monde, il n’y a plus aucune place pour le rêve, la poésie ou la nostalgie des temps passés. Les évènements s’enchaînent de manière implacable jusqu’à la scène du  « suicide », enseignée dans les écoles de cinéma, et à propos de laquelle vous avez probablement tous lu ou visionné quelque chose un jour.
Il faut bien se résoudre à l’évidence : nous finirons tous seuls.
Quevedo a écrit que «  la vie commence dans les larmes et le caca », je ne suis pas loin de penser qu’elle s’achève de la même façon.
Maintenant, laissez-moi seul.

Julius Marx

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