samedi 21 novembre 2015

Introduction



L’une des toutes premières règles de la narration cinématographique c’est de présenter son personnage principal le plus rapidement possible, dans sa fonction, son caractère et son environnement. L’exercice est plutôt logique si l’on sait que ce personnage a pour mission de nous accompagner (via les éléments constitutifs de l’intrigue) de la naissance du conflit jusqu’à sa résolution.
La plupart des ouvriers spécialisés du ciné d’aujourd’hui nous collent un type dans son lit dès la première scène. Et puis voilà que le réveil sonne et notre  homme, après avoir appuyé sur le bouton pour faire cesser ce lancinant et diabolique rappel à la réalité (la façon d’appuyer variant, bien entendu, suivant son humeur du jour) (1) se lève et plonge illico tête baissée dans l’histoire comme un consommateur moyen à qui l’on a promis une portion de lasagnes surgelées. Ce travail syndical ayant donné jusqu’ici toute satisfaction, nos ouvriers ne voient pourquoi ils remettraient en cause ce choix. C’est évidemment la grande différence qui existe entre la portion de lasagnes surgelées et celle que l’on peut déguster chez un de mes amis, après que le bougre soit resté trois jours complets dans sa cuisine, ne sortant que pour  choisir le vin et satisfaire à des besoins bien naturels. Vous me suivez ?
Voyons ensemble quelques exemples plus inspirés, vous mangerez plus tard. La présentation qui me vient tout de suite à l’esprit est celle de La prisonnière du désert ou tout, ou presque est  clairement annoncé dès l’apparition d’Ethan et de quelle façon ! Visionnez ! (2) Et puis, un autre western 
Le train sifflera trois fois ou des habitants du village  nous présentent celui qui va arriver en nous parlant de son passé, de son caractère etc... Astuce utilisée également dans le subtil et parfait People will talk  revu hier soir grâce à Youtoube.  Plus proche de notre époque mouvementée, citons aussi la fameuse voix off de No country for old men des Coen Bros sur de magnifiques plans de désert.
Le but, vous l’aurez compris, reste de nous faire plonger nous aussi tête la première dans l’intrigue pour s’occuper au plus vite des « choses sérieuses ». Pendant ce temps-là, les O.S. qui n’ont pas sélectionné « le coup du réveil », pensant posséder des prétentions artistiques sans en avoir les moyens, s’emmêle les pinceaux. Dans combien de chefs-d’œuvre nous demandons-nous, en suçant frénétiquement le bâtonnet de notre esquimau, (3) qui est ce type et qu’est-ce qu’il peut bien faire dans cet endroit non identifié qui pourrait à la fois ressembler à l’atelier d’un bricoleur forcené ou à un amateur de plongée sous-marine ? Tenez, en attendant que le type sorte de son atelier, reparlons un peu de  People will talk (On murmure dans la ville-Joseph L. Mankiewicz-1951) qui n’a pas comme unique qualité qu’une introduction efficace et astucieuse. Découvrez aussi ce montage « musical », ces recadrages subtils sur les personnages au moment même où il leur appartient de nous livrer la raison de leur trouble, de leur bonheur. Remarquons, sans aucune retenue l' humour parfois grinçant qui pointe sous cette forme-comédie.
Bon, le type n’est toujours pas sorti de son atelier. Et puis, de toute façon, comment pourrait-on l’apercevoir, tout est si sombre sur l’écran. On s’en moque, il reste encore tellement de films sur Youtoube ! A l’assaut !
Je vous embrasse, surtout les femmes voluptueuses et philosophes.

Julius Marx

(   (1)   La sonnerie ou le message du réveil variant eux aussi, bien entendu, selon le pays, l’époque, et la sensibilité musicale du type allongé. Sont-ils futés tout de même !
(    (2)   Il existe un post sur cette intro dans ce blog, cherchez !
(    (3) Je suce toujours un esquimau en visionnant. Je préfère nettement les esquimaux aux caramels mous qui collent aux dents.
Image: un plan de la scène d'introduction de People will talk.

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