(Article publié dans l'excellente revue "L'indic")
Quelqu’un
a écrit (je crois que c’est Fritz Lang dans le bouquin de Lotte
Eisner ) qu’un créateur devait absolument brûler quelque chose
pour faire correctement son boulot. Et Lang sait de quoi il parle
puisque à peine débarqué de l’Allemagne nazie pour son premier
film américain (Fury-1936) il égratigne méchamment
les bons citoyens croyant pouvoir se passer de démocratie.
Ce
préambule pour vous parler de Murder
by Contract (Meurtre
sous contrat-1958)
de Irving Lerner. Ce
film, très agréable à visionner au demeurant, c’est un peu
l’exemple antinomique de la réflexion de Lang. Il
nous raconte la brève carrière d’un hitman
(tueur à gages). Dès
la première scène du film où l’
homme se prépare
à sortir nous
comprenons, principalement grâce son comportement,
(gestes
méthodiques, pas
la plus petite trace d’émotion sur son visage
un peu comme le Parker de Westlake ) que
nous avons à faire à
type
très déterminé. Oui, mais, déterminé à quoi ? Cette
question se résout dès la deuxième scène où il se rend à un
rendez-vous d’embauche.
Finalement
recruté
par le milieu, Il
va remplir plusieurs contrats en donnant entière satisfaction à ses
employeurs jusqu’à celui qui le mènera à Los Angeles et à sa
perte, par la même occasion.
Bref,
nous avons là une assez bonne description de ce genre de spécimen
qui fleurit aujourd’hui dans notre littérature et
notre cinéma.
Mais,
c’est un peu mince tout de même.
De
ce personnage principal, nous n’apprenons rien, ou presque, de sa
vie ou de ses motivations. La
seule info disponible reste que l’homme veut se payer une belle
maison au soleil. Caractérisation très incomplète du héros
si l’on pense au
While
the city
sleeps
de Fritz Lang , sorti
deux
ans auparavant.
De
ce tueur appelé le
Lipstick-Killer
on apprend
tout ,ou à peu près, (
car vous savez maintenant, amis lecteurs, qu’un personnage doit
toujours conserver une part d’ombre, même si elle reste
infime).
Lang
prend
surtout grand soin de nous présenter ce personnage dans son
environnement et aussi de nous parler de sa psychologie (très
complexe, bien évidemment). Ensuite, il
est beaucoup plus facile d’accompagner l’homme dans sa quête et
du même coup,
tenter de comprendre pourquoi une société dite « idéale et
démocratique » peut engendrer de tels monstres ?
Voici
donc les limites d’un film dit de série B ; un script le plus
souvent habilement ficelé, et c’est tout. Aucune recherche
particulière, pas de combat, pas de prise de position.
Beaucoup
de spectateurs vont de suite me siffler en me hurlant dans les
oreilles que le public a besoin de série B.
Que
voulez-vous ? Leur répondrais-je, un bon divertissement ou bien
quelque chose d’un peu plus relevé qui nous pousse, nous,
spectateurs, à réfléchir ? Pour ma part, je voudrais les
deux. Peut-être suis-je trop gourmand, après tout.
Julius
Marx
(1)
Je me dois de vous signaler que (d’après celui qui a mis en ligne
ce film ) c’est un des films préférés de Martin Scorcese. Je ne
suis pas allé lire ce qu’il en pense. Si je me suis trompé, et
bien tant pis ! L’amateur que je suis trouverai si délicieux
de ne pas être du même avis qu’un maître .
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