lundi 13 septembre 2021

Un homme disparaît

 



Et hop ! Encore un monstre sacré du cinéma français qui disparaît. A ce train-là, notre Jurassic Parc hexagonal ne tardera pas à ressembler à un petit zoo régional ou à la fosse aux ours de Berne. Pour mettre à jour cette Monstrueuse Parade, je me devais de publier ici l'article qui suit, histoire de remettre un peu de bon sens dans le cerveau perturbé de nos critiques. Mais, ces histrions  ont-ils un cerveau?

"Quel point commun y-a-il entre ces films pour le moins dissemblables, Spartacus, La Chaîne, Papillon, Ashanti, La légion saute sur Kolwezi? Ils ont tous servi à l'élaboration des vingt premières minutes du Professionnel, nouveau film interprété par Jean-Paul Belmondo.

Car dans ces quelques instants, Belmondo-le-dur est drogué par les cruels Africains dont la perfidie n'a d'égal que la bêtise, jeté en prison, enfin, au bagne, obligé de charrier des pierres, sauvagement battu, mis au cachot, humilié, rossé d'importance, et finit par s'évader en compagnie du "bon nègre"  de service (mais oui, ce film au racisme de bon aloi en contient tout de même un, si bien qu'on croirait Mission Impossible !) La maladresse et l'irréflexion de son compagnon mettent Belmondo en mauvaise posture, mais ilo s'en sort quand même.

Palpitant, non? Et après ça, le film commence, puisque de telles vilenies, commises par des nègres de surcroît, demandent réparation. Donc une bonne vieille histoire de vengeance dans la jungle de bitume de Paris va suivre. Au terme de laquelle, nous sommes heureux de vous l'annoncer, brisant ainsi un suspens insoutenable, ce pauvre Belmondo trouvera une mort totalement injuste et inutile. Le spectateur, la gorge serrée par l'amertume, rentrera chez lui les poings crispés, dans sanglots dans la voix, maugréant ""Ah les salauds!" tout bas, pour que ses voisins de métro ne puissent détecter le profond désarroi qui l'étreint. Enfin, c'est sans doute le résultat espéré par les auteurs de ce film.

Dommage pour eux, car tout y est si mal monté, découpé (que d'erreurs!) , écrit et filmé que même l'incroyable démagogie du scénario ne peut empêcher l'oeuvre de sombrer. Rassurez-vous cependant, Belmondo s'est ménagé une scène où il fait le pitre en imitant Michel Simon. on s'amuse comme on peut."

Jean-Patrick Manchette

Les yeux de la Momie

(Octobre 1981)

J'ajouterai simplement à cette mise au point nécessaire que le copiste-télévisuel ayant cru bon de se moquer le jour de la mort de Belmondo d'un chroniqueur sportif avouant qu'il croyait jusqu'à ce jour que la fameuse musique du film était celle de la pub Royal-Canin est un âne. Un chroniqueur sportif est  généralement capable de reconnaître une oeuvre lorsqu'il en voit une. Pas lui, manifestement. Triste époque. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire