Article paru dans l'excellente revue (l'Indic)
Amis
cinéphiles bonsoir. Autant vous le dire tout de suite, pour cette
séance nous allons dire beaucoup de mal d’un film. Ce film récent (décidemment cette séance sera totalement inédite) c’est Le Caire
Confidentiel
(The
Nile Hilton incident)
de Tarik Saleh . Si vous me demandez pourquoi,
en me rappelant
qu’il est beaucoup plus productif de s’intéresser aux bons films
qu’aux autres je vous répondrai soit, soit, vous avez sûrement
raison. Mais, tout de même, tout de même, il me semble important de
tenter de comprendre ce qui cloche dans ce polar
germano-danois-suédois. J’entends déjà des voix qui s’élèvent
me demandant de capituler vite fait devant le nombre impressionnant
de critiques illustres qualifiant ce film de véritable chef
d’oeuvre, de me montrer pour une fois magnanime ! Ces voix
sont bien gentilles mais il est important qu’elles sachent que je ne suis pas critique de cinéma et que cette rubrique est
avant tout un échange entre amateurs.
Mon avis,
je vais donc donner et voici mes arguments.
Commençons
par le personnage principal de cette fiction : la ville du
Caire.
Cette mégapole
concentre à elle-seule une dose mortelle de bruit, de fureur et de
pollution, sans oublier la
violence et
la dérision comme
l’a écrit Albert Cossery(1)
Hélas, le spectateur que je suis ne sens à aucun moment cette fureur contenue qui transforme la ville en
monstre. Pour entrer dans cet
univers, le spectateur
a besoin, dans un premier temps, d’une bande-son omniprésente,
quasiment obsédante. Il a besoin d’entendre tous ces cris, ces
pétarades, ces sifflets, ces chants, ces vrombissements !(2)
Dans
un second temps, le spectateur (eh oui, encore lui...) a besoin
d’images. Il ouvrira de grands yeux étonnés devant le formidable
spectacle qu’offre la rue. Une monstrueuse
parade qui
jamais ne prend fin. Il découvrira la formidable circulation de
cette ville, ces ruisseaux bouillonnants qui dévalent tous vers le
Nil impassible.
Côté
intrigue, c’est encore plus désolant. Nous avons droit à un
empilage assez curieux de ces fameux clichés du polar totalement
périmés. Il y a tout d’abord le flic corrompu
(rions tous bien fort en pensant aux défenseurs de ce film qui ont découvert à
cette occasion la corruption complète de la société égyptienne).
Ce flic va apprendre que les hommes proches du pouvoir de Moubarak
sont des méchants et ne pensent qu’à préserver leur impunité,
même s’ils sont mêlés à l’assassinat d’une
danseuse/call-girl ! En menant sa propre enquête, il va aussi
succomber aux charmes d’une autre danseuse/chanteuse /call-girl
et finira par découvrir que son oncle (chef de la police) est aussi
un pourri. Mais bon, passons, tout ceci n’a pas, ou plus,
d’importance car la révolution gronde et le fin de l'ère Moubarak est proche.
En résumé, ce
film manque cruellement d’identité, et ressemble plus à un
« copié-collé »
de ces navrantes séries télévisées policières européennes sans
fond ni forme.
La
question que l’on peut se poser c’est : pourquoi se servir
encore de ces clichés à la date limite de consommation largement
dépassée ? Et surtout, pourquoi les utiliser pour mettre en
scène un monde, une culture, totalement différents ?(3)
Probablement pour faire
plaisir aux
spectateurs germano-dano-suédois, et aux Français qui ont
l’impression de dénoncer la misère du monde en donnant onze euros
au guichetier du cinéma.
Bref,
absence criante de contenant pour un contenu médiocre. Pour la
prochaine séance, nous reviendrons positifs et d’humeur
guillerette. Inch’Allah.
JuliusMarx
(1) Immense écrivain
égyptien qui vous en apprendra mille fois plus sur cette ville et
ses habitants qu’une dizaine de films comme celui-ci.
(2) J’ai même
entendu le sifflement d’une tronçonneuse à trois heures du matin,
si...si…
(3) Si l’Egypte
vous intéresse, je vous conseille vivement de lire « L’Immeuble
Yacoubian » de Alaa al-Aswany (2002) adapté au
ciné en 2006 par Marwan Hamed. Et puis, bien sur, de voir ou revoir
tous les films de Youssef Chahine.
Pas faux, tout ça.
RépondreSupprimerNe connaissant pas personnellement Le Caire, j'ai quand même été très moyennement surpris au générique final de constater que le film avait été tourné à... Casablanca.