mercredi 21 mars 2018

Copié-collé




Article paru dans l'excellente revue (l'Indic)
Amis cinéphiles bonsoir. Autant vous le dire tout de suite, pour cette séance nous allons dire beaucoup de mal d’un film. Ce film récent (décidemment cette séance sera totalement inédite) c’est Le Caire Confidentiel (The Nile Hilton incident) de Tarik Saleh . Si vous me demandez pourquoi, en me rappelant qu’il est beaucoup plus productif de s’intéresser aux bons films qu’aux autres je vous répondrai soit, soit, vous avez sûrement raison. Mais, tout de même, tout de même, il me semble important de tenter de comprendre ce qui cloche dans ce polar germano-danois-suédois. J’entends déjà des voix qui s’élèvent me demandant de capituler vite fait devant le nombre impressionnant de critiques illustres qualifiant ce film de véritable chef d’oeuvre, de me montrer pour une fois magnanime ! Ces voix sont bien gentilles mais il est important qu’elles sachent que je ne suis pas critique de cinéma et que cette rubrique est avant tout un échange entre amateurs.
Mon avis, je vais donc donner et voici mes arguments.
Commençons par le personnage principal de cette fiction : la ville du Caire. Cette mégapole concentre à elle-seule une dose mortelle de bruit, de fureur et de pollution, sans oublier la violence et la dérision comme l’a écrit Albert Cossery(1) Hélas, le spectateur que je suis ne sens à aucun moment cette fureur contenue qui transforme la ville en monstre. Pour entrer dans cet univers, le spectateur a besoin, dans un premier temps, d’une bande-son omniprésente, quasiment obsédante. Il a besoin d’entendre tous ces cris, ces pétarades, ces sifflets, ces chants, ces vrombissements !(2)
Dans un second temps, le spectateur (eh oui, encore lui...) a besoin d’images. Il ouvrira de grands yeux étonnés devant le formidable spectacle qu’offre la rue. Une monstrueuse parade qui jamais ne prend fin. Il découvrira la formidable circulation de cette ville, ces ruisseaux bouillonnants qui dévalent tous vers le Nil impassible.
Côté intrigue, c’est encore plus désolant. Nous avons droit à un empilage assez curieux de ces fameux clichés du polar totalement périmés. Il y a tout d’abord le flic corrompu (rions tous bien fort en pensant aux défenseurs de ce film qui ont découvert à cette occasion la corruption complète de la société égyptienne). Ce flic va apprendre que les hommes proches du pouvoir de Moubarak sont des méchants et ne pensent qu’à préserver leur impunité, même s’ils sont mêlés à l’assassinat d’une danseuse/call-girl ! En menant sa propre enquête, il va aussi succomber aux charmes d’une autre danseuse/chanteuse /call-girl et finira par découvrir que son oncle (chef de la police) est aussi un pourri. Mais bon, passons, tout ceci n’a pas, ou plus, d’importance car la révolution gronde et le fin de l'ère Moubarak est proche.
En résumé, ce film manque cruellement d’identité, et ressemble plus à un « copié-collé » de ces navrantes séries télévisées policières européennes sans fond ni forme.
La question que l’on peut se poser c’est : pourquoi se servir encore de ces clichés à la date limite de consommation largement dépassée ? Et surtout, pourquoi les utiliser pour mettre en scène un monde, une culture, totalement différents ?(3) Probablement pour faire plaisir aux spectateurs germano-dano-suédois, et aux Français qui ont l’impression de dénoncer la misère du monde en donnant onze euros au guichetier du cinéma.
Bref, absence criante de contenant pour un contenu médiocre. Pour la prochaine séance, nous reviendrons positifs et d’humeur guillerette. Inch’Allah.


JuliusMarx


(1) Immense écrivain égyptien qui vous en apprendra mille fois plus sur cette ville et ses habitants qu’une dizaine de films comme celui-ci.
(2) J’ai même entendu le sifflement d’une tronçonneuse à trois heures du matin, si...si…
(3) Si l’Egypte vous intéresse, je vous conseille vivement de lire « L’Immeuble Yacoubian » de Alaa al-Aswany (2002) adapté au ciné en 2006 par Marwan Hamed. Et puis, bien sur, de voir ou revoir tous les films de Youssef Chahine.

1 commentaire:

  1. Pas faux, tout ça.
    Ne connaissant pas personnellement Le Caire, j'ai quand même été très moyennement surpris au générique final de constater que le film avait été tourné à... Casablanca.

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