mardi 22 novembre 2011

Le Maître des personnages


Je sais que l'on qualifie souvent Alfred Hitchcock de Maître du suspens ou Maître de l'angoisse. Pourtant,  si un autre titre lui colle à la peau c'est celui de Maître des personnages.
Dans ses films, je le soutiens, l'intrigue n'est pas l'élément déterminant. Le Maître et sa bande de scénaristes
 ( Stéphano pour Psycho, Irish pour Rear Window , Lehman pour  Rope etc .. on ne cite jamais assez les auteurs de scripts)  privilégie toujours le personnage.Grâce à une scène de présentation brève, ( dite scène d'exposition) concise et efficace, nous sommes présentés au personnage principal, celui qui va prendre en charge le récit.
Ainsi, pour North by Northwest, dès les premiers plans, nous rencontrons un publicitaire  un peu trop sûr de lui qui nous tape déjà sur les nerfs dès la première scène où il apparaît, un record ! Dans Birds , une jeune et riche héritière incomprise à qui on donnerait  bien volontiers une bonne paire de baffes. Autres têtes à claques, les deux beaux jeunes hommes si distingués de Rope, si clairement définis dans leur fonction et leur caractère au moment même où ils sont très occupés à étrangler leur camarade de classe. La chambre d'hôtel de Psycho,  qui abrite la relation coupable d'une employée de bureau et d'un représentant de commerce est bien sordide, pas de doute là-dessus. L'homme est un salaud et la fille le sait, nous aussi par la même occasion... Visionnez la scène et vous verrez. Mais Psycho est une présentation ou exposition différée (nous reviendrons plus tard sur ce détail important, c'est promis.)
Ensuite, le Maître s'amuse à faire tomber ses personnages dans un piège (Plot-point ou point du complot). Les spectateurs que nous sommes ne se posent qu'une seule et unique question: comment vont-ils s'en sortir?
Nous savons qu'un flic qui a le vertige (Vertigo) va  finir par se retrouver en haut de quelque chose tôt ou tard. Nous savons aussi que l'employée de bureau (Psycho) va saisir la chance qui s'offre à elle de changer enfin de vie. Que dire d'un type qui passe son temps libre à regarder par la fenêtre avec sa paire de jumelle. (Rear Window)?
L'art du Maître et de ses scénaristes:  savoir placer les rebondissement structurels là où il faut et comme il faut. Le moteur tourne rond, la mécanique est bien huilée.Mais, elle doit  s'appuyer sur un personnage fort (dans le sens de consistant, de positif).Un personnage capable de réagir, puis d'agir. Ce personnage c'est évidemment nous, les spectateurs. Après tout, ce n'est que justice, nous avons bien le droit d'avoir nos deux heures de gloire, comme le disait ce bon vieux Andy.
Alors, la jeune et riche héritière va révéler  son vrai visage en pulvérisant des mouettes et une centaine
 d'affreux corbeaux croaaaassants . Le flic va se montrer à la hauteur (jeu de mots, j'ai honte.) Le publicitaire va lutter contre un avion qui pulvérise des récoltes là où il n'y en a pas et rencontrer l'amour ! Tout ceci est très positif et très encourageant. Mais, ça se complique lorsque le héros devient négatif. Lorsque le Maître nous fait rencontrer l'autre face du personnage, son complément essentiel : le mal. Revenons à Psycho et à son exposition différée. L'employée de bureau se sauve donc avec l'argent. La question est : comment va-t-elle s'en sortir?
Oui, mais, elle s'arrête dans un motel un peu particulier et se fait trucider par un psychopathe qui ne s'occupe absolument pas du paquet de billets. L'intrigue change alors radicalement de cap et devient : qui a tué la fille et  surtout, pourquoi?
Tiens, on tambourine à ma porte et je n'attends personne, bizarre...
Julius Marx 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire