lundi 14 novembre 2011

L'instinct du chasseur


Pourquoi ça marche ? Pourquoi un film des frères Coen apporte toujours la même dose d'émotion.?
Pourquoi est-il si souvent crédible, même dans la fiction?
Oui, je sais, c'est parce qu'ils ont les moyens de leur ambition. Mais, pas seulement. Alors, parlons un peu de No Country for old men et tentons de répondre à ces  lancinantes questions. Avant cela, le petit rituel (les habitués sont déjà au courant) du résumé.
Texas1980. Alors qu'il chasse près de la frontière du Mexique, Llewelyn Moss (Josh Brolin) découvre par hasard les cadavres d'une bande de trafiquants de drogue et une mallette contenant deux millions de dollars dont il s'empare. Il se retrouve poursuivi par Anton Chigurh (Javier Bardem), un tueur psychopathe engagé initialement pour récupérer l'argent, et le shérif Bell (Tommy Lee Jones), un homme vieillissant et désabusé...
C'est du copié-piqué sur Wiki-Machin. Si ce petit texte est fort utile, il  résume assez bien la ligne dramatique du film,on se  doit pourtant d'ajouter que l'intrigue principale du film est : un policier désabusé se pose un tas de questions sur mon métier, son avenir, l'avenir de sa région, de son pays, du monde entier et de ses habitants...
C'est évidemment l'intrigue secondaire (la poursuite impitoyable)  qui amène le policier à s'interroger. Même s'il ne prend pas subitement conscience de toutes ces belles choses, c'est le règlement de comptes entre les  trafiquants de drogue qui, en quelque sorte, fait déborder le crachoir.
Et notre flic philosophe de prendre en charge le récit (voix OFF) dès les premiers plans du film. Ces plans (fort beaux) sont des images de nature. Plaines, montagnes et vallons si chères aux grands anciens comme Mister Ford et  aussi indispensables au genre que la nuit, les pavés mouillés et les lampadaires pour le film noir. Passons maintenant à Moss le chasseur, celui dont la vie va radicalement changer. Les frères diaboliques ne font pas l'impasse sur l'installation de l'intrigue et la présentation du personnage. C'est là une des différences fondamentales avec un bon nombre de travailleurs du cinéma (la liste est tellement longue /soupirs.)
Les premiers plans sont composés autour du personnage de Moss et de sa partie de chasse. Nous apprenons que l'homme est un vrai chasseur. Il a l'instinct du chasseur et l'instinct de survie. Il montre sa capacité de déduction. Il connait la nature, les gestes et les attitudes à adopter lorsqu'on se retrouve en terrain hostile, face à un problème. Puis, nous le découvrons ensuite at home avec sa dulcinée . Voila pourquoi on ne s'étonne pas de le voir plonger ainsi dans l'histoire. Le chasseur devient chassé et réagit maintenant comme l'animal qu'il fixait dans son viseur le matin même.
Mais la chasse n'est plus ce qu'elle était mon bon monsieur!  Et oui, tout se perd, même les traditions ancestrales.Les sacro-saintes règles comme la chance laissée au gibier ou la lutte d'égal à égal c'est bien fini.
Aujourd'hui, les  chasseurs jouent la vie de leurs victimes à pile ou face ou se promènent avec une carte de crédit dans la poche intérieure de leur élégant costume trois-pièces. Ils vont même jusqu'à éliminer leurs proies grâce à de drôles d'armes qui ressemblent à des bouteilles de gaz, un comble ! 
Alors, victime de cette lutte inégale l'homme est implacablement éliminé au profit de celui qui ne respecte pas les règles. Au passage, signalons que la chasse (dans son contenu et sa morale) ressemble un peu à celle de Deer Hunter , mais ceci est une autre histoire, nous en reparlerons...
Observateur privilégié de cette chasse, le policier philosophe prend la seule décision qui s'impose : il démissionne. 
On peut choisir de suivre uniquement l'intrigue en votant pour le parti des chasseurs, ou préférer la nature  immuable en donnant sa voix aux écolos. Ou bien encore, pourquoi  pas, exprimer sa foi en l'être humain en manifestant dans la rue sous des banderoles colorées en criant des slogans. Mais, on peut aussi déposer un bulletin blanc dans l'urne. Un film ne répond jamais aux questions, il se contente de les poser, ce qui est déjà pas mal pour un divertissement populaire, non? 
Sur cette belle phrase, je vous quitte. Mon épagneul breton jappe, les grands espaces m'appellent...
Rompez les rangs! 
Julius Marx

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