jeudi 24 janvier 2013

Ecriture de passage


"Un script n'est que le blue-print (bleu d'architecte)  du film à venir. Ce n'est que la fondation pour le film futur et pour ceux qui le font. Qu'est-ce qu'un scénario? Il raconte une histoire mais il est encore très loin de pouvoir être tourné. Il faut un  dur travail pour en arriver au script définitif".
Fritz Lang in Fritz Lang by Lotte Eisner (Champ-Contre-champs / Flammarion 1988)
Si vous aimez un peu, beaucoup ou même passionnément le cinéma, il faut absolument vous procurer ce bouquin. C'est un tel classique maintenant que les snobinards l'appellent même le Eisner..pensez-donc! Dans ce livre, rien n'est anecdotique et vain. Lang donne sa vision du cinéma et permet aux néophytes de comprendre un peu mieux  les rouages d'un film. Aucune chance d'y trouver le genre de banalités comme: " On s'est tellement amusé sur le tournage... il y avait vraiment une ambiance merveilleuse !"
Mais, revenons au script, puisque c'est de ce document dont je veux vous entretenir aujourd'hui.
Si le scénario est souvent nommé écriture de passage c'est bien parce qu'il n'est que le déclencheur du travail à venir. On dit souvent qu'un bon scénario oblige le réalisateur à avoir de l'imagination. En fait, c'est un roman plutôt terne sans adjectif surprenant où l'on bannit toutes formes littéraires. Il doit avant tout être clair, précis et fédérateur. Vous l'avez compris, il est plus structurel que poétique.
Vous avez également pigé (petits malins que vous êtes) qu'une impressionnante proportion de réalisateurs se contente simplement de filmer ce document après un découpage soigneux du chef-opérateur et de ses sbires. Pendant ce temps-là, les vrais auteurs magnifient leur script en inventant d'autres mots, en créant des situations supplémentaires, en cherchant inlassablement la meilleure forme technique et  artistique de dire les choses.
Revenons à Lang qui disait à peu près ceci : "ce n'est pas l'histoire qui compte, mais la manière dont elle est racontée."
Nous sommes donc agacés de lire sous la plume de nombreux critiques que l'intrigue d'un film comme Un printemps à Paris  du talentueux Jacques Bral, par exemple, est une intrigue simpliste.
Dans ce vrai film noir très nettement supérieur par son contenu, ses scènes, son montage, son jeu d'acteur, à beaucoup de plats cuisinés en barquette à réchauffer deux minutes au micro-ondes, le script est véritablement magnifié. La grande différence entre ce film et Ne le dis à personne, par exemple,
 c 'est la puissance passionnelle des personnages, la teinte si particulière de l'ensemble, le montage intelligent etc.. Bref, l'un ressemble au gros roman best-seller en tête de gondole, l'autre au roman noir que l'on va dénicher chez un bouquiniste.
L'un joue uniquement sur l'intrigue, l'autre sur la force des personnages.
Laissons le dernier mot à Hitchcock  qui ne se lassait pas de répéter : " il vaut mieux partir d'un cliché que d'y arriver."
Je vous laisse réfléchir là-dessus.
Julius Marx



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