dimanche 6 janvier 2013

Un grand mensonge


C'était une façon différente de faire du cinéma, c'était vraiment le cinéma: quand on dit: "Quel chantier! Quel  bordel! On dirait du cinéma!" Et Fellini disait : "Pendant qu'ils font tous du bordel autour de moi, je peux penser. S'ils sont tous là à attendre que je dise le mot...Ca me complique la journée."
Il voyait tout en paradoxes. Fellini a été accusé d'être un menteur:et comment, qu'il l'était !
(Mensonge est aussi synonyme d'imagination.) Mais ce n'étaient jamais des mensonges graves; c'était des mensonges pour arranger, pour que tout le monde  aille mieux, soit plus content.
Quand il dirigeait, Fellini réussissait à rassembler un grand nombre de personnages, des plus grands aux plus petits, en établissant entre nous, acteurs, et aussi entre les figurants, une relation comme celle qui s'établit entre des amis qui sont en train de faire une grande fête.
Quelle habileté, par exemple, pour se rappeler tous les prénoms, jusqu'à celui de la dernière figurante, là-bas, au fond : "Maria? Mets-toi un peu  plus à droite." Vous comprenez, une figurante qui s'entend appelée par son nom est prête à se jeter par la fenêtre pour son réalisateur. Et c'était une de ses magies.
Mais c'est un détail mineur. Pour parler de Fellini de façon plus complète, plus pleine, il faudrait des livres et des livres, il y en a eu beaucoup.
Son amour pour les acteurs, pour ses acteurs, il l'exprimait aussi par certains détails que je n'ai retrouvé
chez aucun autre réalisateur, peut-être aussi parce que ses histoires à lui étaient très particulières.
Son attention! Chaque matin, il disait au maquilleur ou à la maquilleuse : " Regarde, ici tu as mis un peu plus de noir qu'hier":  mais comment faisait-il pour le voir, je ne sais pas. Il faisait toujours tout pour magnifier ses acteurs. Il disait à Giuseppe  Rotunno, son cameraman préféré :"Rends-le beau ! Tu dois le rendre beau." Alors Peppino mettait une petite baguette devant le réflecteur pour m'affiner un peu les mâchoires parce que, me disait Fellini, "tu as un visage de paysan, de provincial". Ou quand il a essayé  d'allonger mes doigts :
"Mais comment ça s'allonge, des doigts?
-Eh bien, avec des capuchons en plastique."
Dans 8 1/2, comme il n'arrivait pas à me donner un air d'intellectuel (il disait que j'avais des mains de paysan) , et qu'il ne pouvait pas allonger mes doigts,  il a inventé de m'enlever tous les poils de la poitrine."La poitrine velue donne trop de virilité. Je veux que mon intellectuel soit plus fragile, plus délicat, au moins dans son aspect extérieur." Alors on m'a épilé avec de la cire, d'un coup sec ! Parce que dans une scène, dans la fameuse ferme, on me voyait comme ça, presque torse nu.
(A suivre)
Marcello Mastroianni
Mi ricordo, si, io mi ricordo
1997

Le cinéma n'est qu'un mensonge, rien de plus rien de moins. On peut même affirmer comme Fassbinder qu'il se compose de 24 mensonges par secondes. Le challenge : c'est tenter de recréer l'illusion du vrai en fabriquant du faux. Ainsi, le personnage  apparaît comme un être réel, bien vivant, alors qu'il n'est qu'une image, une pensée furtive devenue réalité.
La spontanéité naît donc grâce à cette "accumulation de détails" dont parle Fritz Lang, citant aussi dans sa réflexion la phrase de Stendhal "le détail produit l'authenticité."
Et puis, vient ensuite le décor plus vrai que nature (comment ne pas se rappeler celui de Trauner dans "Le jour se lève" ) qui participe lui aussi à l'illusion générale.
On en reparle...
Julius Marx


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