vendredi 12 avril 2013

J'ai peur !



Après avoir inventé  l'adjectif hitchcockien la critique l'a employé, et l'emploie toujours, à tort et à travers.
Aujourd'hui, la moindre petite production de soupe en sachet, ou de pâté pour chats difficiles, sensé faire frissonner le consommateur reçoit illico  l'estampille du maître du suspens. Et puis, juste en dessous de la date limite de consommation, les mentions thriller, polar, shocker, ou que sais-je encore!
Bien entendu, tout ceci est ridicule. Il y a bien longtemps que la plupart des produits exposés en rayons  n'ont plus aucun goût, plus aucune saveur.
D'un film lyophilisé comme Double-jeu de Bruce Beresford, par exemple, nous ne pouvons retenir que quelques scènes d'action rondement menées ou deux ou trois paysages. Des scènes "chocs" écrites pour  faire passer le spectateur de vie à trépas, nous rions de bon coeur en nous frappant les cuisses.
Je pense particulièrement à cet admirable moment de cinéma ou l'héroïne, se retrouvant enfermée dans un cercueil parvient à en sortir grâce au  briquet et surtout au pistolet que son agresseur a laissé, dans un geste chevaleresque,  dans la poche de son pantalon!
Oui mais, alors, qu'est-ce qui fait la différence entre la camelote de luxe et celle d'un magasin low-cost?
C'est une grande question à laquelle nous tentons inlassablement de répondre dans ce blog.
Puisque nous avons évoqué Sir Alfred, parlons de son film Psycho. Dans un premier temps, rappelons-nous de la séquence d'exposition. La première scène nous fait découvrir une jeune femme assez séduisante dans une chambre d'hôtel de seconde zone, accompagnée d'un homme assez jeune lui aussi de type "représentant de commerce". Le couple vient de se livrer à l'acte charnel. Malheureusement, nous arrivons trop tard, et c'est bien dommage. Dans la conversation qui suit, nous comprenons tout de suite la situation; l'homme est divorcé et criblé de dettes. On devine aussi en l'entendant se justifier  qu'il se satisfait  bien de son petit commerce et de ces  cinq à sept coquins (mesdames, méfiez-vous des représentants de commerce et laissez-vous plutôt séduire par des hommes, certes un  peu rêveurs et idéalistes, qui tentent d'expliquer les séquences des grands classiques.)
Notre héroïne a bien évidemment elle aussi compris que son Roméo ne pourra jamais lui apporter le bonheur, c'est triste, mais c'est ainsi.
Ensuite, elle quitte l'hôtel et se rend à son travail. Sa collègue est une sotte qui, si elle vivait aujourd'hui, serait probablement une grande fan de chanteuses canadiennes et de lasagnes surgelées.
Et puis, il y a son boss, un homme pas méchant pour deux sous, se montrant même prévenant, mais qui lui verse un salaire minimum pour un maximum de responsabilités.
Vous croyez que la coupe est pleine, et bien non, notre charmante demoiselle s'occupe également avec une dévotion rare de sa pauvre mère!
Alors, lorsque le patron demande à son employée d'aller déposer une grosse somme d'argent en liquide à la banque à sa place, nous savons qu'elle va profiter de cette situation pour changer radicalement d'existence.
Nous entendons ricaner les ouvriers du film qui se bornent  à enregistrer du vécu  et nous rions d'eux.
Ici, le personnage de fiction fait exactement ce qu'on attend de lui, et si nous participons à sa quête, c'est bien pour le soutenir.
Vous connaissez évidemment la suite. Pour satisfaire les rats de cinémathèque, les critiques, les bénévoles de ciné-clubs et autres rédacteurs de thèses, notre héroïne désespérée va ressentir le besoin de prendre une douche.
Pendant ce temps-là, les personnages des films low-cost cassent des voitures, enfilent les poncifs en attendant avec impatience l'ambulance avec ses jolis phares de toutes les couleurs qui viendra clore leur   palpitante aventure.Mais,de toute façon, on se fiche pas mal de ce qui peut leur arriver.
Je vous embrasse tous, surtout les demoiselles.
Julius Marx

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