lundi 8 avril 2013

LOVE



Le nouveau Woody Allen est comme tous les nouveaux Woody Allen :  référentiel, sympathique, avec un goût prononcé de fruits rouges et de banane. Cette fois-ci, l'appellation d'origine contrôlée est italienne et se nomme To Rome with Love. De love, il en est évidemment beaucoup question. L'intrigue s'articule autour de quatre couples vraiment très chic qui vivent ou sont simplement de passage  dans la ville éternelle. Après une introduction toute fellinienne (un flic maladroit  s'adressant directement à la caméra pour nous présenter les couples en question) nous suivons un étudiant qui hésite entre une brune et une blonde, des retraités américains (Woody et sa compagne) et deux couples d'autochtones. Nous suivons, nous sourions, mais nous n'avons pas vraiment de réelles surprises. Nous rions tout de même au gag du chanteur d'opéra qui ne peut s'exprimer pleinement  qu'en chantant sous la douche.
Côté références, on remarque l'emprunt du prétexte du Sceicco Bianco, premier film de Fellini  (dont nous avons déjà parlé dans ce blog; cherchez, cherchez.) et sa modernisation.
Bon, c'est à peu près tout. Woody poursuit son tour d'Europe des villes. Après Barcelone, Paris et Rome, nous attendons avec une impatience légitime Grozny et Chisinau.

American Gangster de Ridley Scott ne parle pas d'amour et a été tourné à New-York.
Sur le schéma classique des deux trajectoires qui se rencontrent à la fin, nous suivons les aventures mouvementées d'un inspecteur des stups et d'un trafiquant. Ce film brille beaucoup plus par son habillage extrêmement soigné, ses cadres et sa lumière précis et son montage d'une justesse étonnante,  que par son intrigue. Nous sommes à la fin des années soixante et l'Amérique s'enflamme. Le Vietnam, bien entendu, toujours présent dans le cadre sous toutes les formes, monopolise les écrans et les esprits. Mais, impossible de ne pas y voir également une critique révolutionnaire de la société capitaliste en général qui, particulièrement dans ces années là, s'effondre pour renaître plus tard sous une forme encore plus sauvage et destructrice. Ainsi, le personnage symbolisant l'ordre du droit ( le flic qui n'accepte pas la corruption) va dans un premier temps lutter contre le Mal (le gangster) et finira par s'en faire un bon copain, une fois sa peine purgée et le pardon accordé.

Puisque nous parlons du Bien et du Mal, en ce 8 avril,  impossible de ne pas se souvenir du jour anniversaire de la mort de Jim Thompson, un maître du roman noir. Je reproduis donc ici un des nombreux articles que j'ai pu écrire sur le magnifique Série Noire d'Alain Corneau adapté par le facétieux poète Georges Perec. Rarement une adaptation aura été aussi réussie et intelligente.

En 1979 le cinéaste Alain Corneau décide d'adapter sous le titre de "Série Noire", "A Hell of a Woman" de Jim Thompson, paru dans la Série Noire sous le titre "Des cliques et des cloaques". Le roman contient tous les ingrédients de l'univers Thompson : le manque d' identité, de réussite sociale, d'amour. C'est un roman  sur le destin contrarié d'un homme trop tendre pour s'imposer dans le monde implacable qui l'entoure. A peu près tous les romans de Thompson ont la même ligne dramatique.
La première bonne pioche d'Alain Corneau c'est d'avoir confié l'adaptation  et les dialogues du film au talentueux poète Georges Perec.
Bien loin des faiseurs qui tentent sans succès de singer les productions américaines, Perec transforme l'oeuvre tout en gardant les éléments constitutifs qui font sa noirceur originelle.
Dans un premier temps, il transpose l'action dans une banlieue incertaine peuplée par des exploités et des marginaux. Dans ce décor sinistre sans aucune couleur ni relief, les personnages ne luttent plus, la lutte des classes étant remplacée par l'action individuelle forcément désespérée. Pour exemple, voyons la scène d'introduction du film. Franck, le personnage principal, apparaît au centre d'un terrain vague ou flottent les divers résidus de la société. Autour de cette arène, on peut voir l'autre société (celle qui avance en broyant tout sur son passage) : les grues de construction et l'enseigne du centre commercial voisin.Puis,  Perec  met en place le personnage du méchant  (le patron, et son adjuvant l'inspecteur de police ) qui exploite sans scrupules les minorités :immigrés, chômeurs, vagabonds et personnels serviles dont  Franck est l'archétype.
Ensuite, il adapte le langage en donnant au personnage et à ceux qui l'entourent un parlé stéréotypé, sans aucune âme, composé d'expressions populaires, de locutions et de paroles de chansons populaires elles-aussi. Ces chansons forment l'insupportable  bande-son du film. Il faut noter aussi que le patron (exploiteur) ne parle pas comme les exploités. Son langage est soutenu et il emploie même des expressions comme "c'est vraiment coquet chez vous".
Enfin, il ne se substitue pas à la tradition de la femme fatale dont le rôle consiste à sauver le héros mais, vous l'avez deviné,  contribue plus à  sa chute.
Le travail d'adaptation est brillant. Nous ne sommes pas en Amérique pourtant  les  points forts du roman noir sont bien présents, bien loin des poncifs rebattus  des séries sensées nous faire frissonner.
La seconde bonne pioche du réalisateur c'est bien entendu d'avoir choisi Patrick Dewaere pour incarner le personnage principal. Nous l'aimons d'un indicible amour;
Peace and Love
Julius Marx

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