vendredi 28 février 2014

Script-doctor



En qualité de script-doctor (j'aime beaucoup ce titre. J'imagine le toubib, stéthoscope  accroché aux oreilles, au chevet d'un auteur au bout du rouleau, prêt à se jeter par la fenêtre parce qu'il n'arrive pas à trouver la moindre motivation à son personnage principal) j'ai été amené à revoir quelques scripts ces derniers temps. J'officiai dans le cadre d'un concours organisé par deux centres culturels et réservé exclusivement à des étudiants en audiovisuel. Les petits malins des sévices culturels (non, il n'y a pas de faute) avaient choisi le thème du "couple" pour faire  un peu cogiter les jeunes. Le résultat s'est montré à la mesure du sujet. Considérant l'état actuel du pays, et en tenant compte des nombreuses promesses d'un avenir radieux assénées par les politiques, les gamins sociologues ont balancés sans la moindre retenue. Largement en tête, grand vainqueur aux points en quelque sorte : la  prostitution. L'explication est malheureusement assez simple. A ce jour, il y a tant d'hommes derrière les barreaux que le petit jeu des chanceux qui vivent sur l'autre rive est de se demander si l'épouse reste fidèle. Oui, je sais que la parité vient d'entrer dans la constitution, mais l'image de la femme demeure encore ce qu'elle était avant ce jour béni, n'en déplaise à Serge Moati (pas mal comme rime, non?)
En deuxième position arrivait la maladie. Sida, cancer et overdose, une manière somme toute assez  radicale d'abdiquer pour des jeunes entrant dans la vie active, selon la formule consacrée .
Et puis, pour clore ce chapitre douloureux n'oublions pas les deux ou trois petits malins qui ont mixé le tout en imaginant des intrigues où, par exemple, le rejeton, sur son lit de souffrance, réclamait une prostitué pour finir en beauté !
A la liste des nominés, ajoutons quelques maris trompés (toujours pas de femme) et un petit commando adepte du copié-collé vu sur le net. C'est inévitable, mon bon monsieur, l'Europe et son exception culturelle nous inspire tellement.
Bref, une sorte d'émission de télé-réalité bien pire que Tf1 et M6 réunis.
Je vous laisse libres d'imaginer les heures de labeur du script-doctor, le stéthoscope planqué dans sa poche, maudissant ces fonctionnaires zélés (en les traitant souvent de colonialistes, c'est vrai, je l'avoue) et leur foutu sujet imposé, se demandant même s'il n'allait pas se jeter par la fenêtre ouverte.
Sachez bien que si je ne suis pas passé à l'acte c'est uniquement  parce qu'il me plaisait d'imaginer les visages effarés de ces mêmes fonctionnaires de l'état en recevant ces projets.
D'ici là, imaginez que je sourie.
Julius Marx

lundi 17 février 2014

Musique classique




Ce qu'il y a de bien avec les classiques c'est que ,à force de visionnage, on connait maintenant l'intrigue sur le bout des doigts et qu'il nous arrive  même de réciter les dialogues avant les acteurs.
C'est le cas pour  La grande Illusion de Jean Renoir, une pièce maîtresse du cinéma français.
On peut donc s'attarder sur un point précis du contenu pour tenter de comprendre le travail du scénariste et du réalisateur.
Vous connaissez tous le sujet de ce film (un autre avantage des classiques, pas besoin de recopier un résumé de l'intrigue) tourné juste après le front populaire et ne précédant la deuxième  guerre mondiale (je n'ai pas écris seconde, on ne sait jamais) que de quelques années.
Nous allons donc étudier plus précisément les personnages. Si tous sont en uniforme, on ne peut pas parler d'uniformisation. Chaque groupe de ce collectif  est admirablement caractérisé. Ainsi, les ouvriers, les intellectuels ou les nobles, ont une manière bien particulière de porter l'uniforme, de se coiffer, de fumer, et surtout, bien entendu, de s'exprimer. Nous remarquons, par exemple, le képi sur le côté pour Maréchal-Gabin ( tête de liste du groupe des travailleurs) le  mégot au bord des lèvres et la gouaille des faubourgs pour Carette, le comédien, alors que les hommes de la haute  ( De Boëldieu et Von Rauffenstein) sont sanglés dans leurs uniformes, portent des gants blancs, fument des cigarettes anglaises et s'expriment même, lorsqu'ils abordent des sujets "délicats", dans la langue de Shakespeare. Ces dialogues de Spaak et Renoir sont une pure merveille d'efficacité car ils apportent un nombre considérable d'informations et une poésie rare, même si leur côté improbable peut faire hurler un de ces forcenés du réalisme.
A coup sûr, ce travail sur le personnage permet aux spectateurs de partager, de communiquer, avec les différents protagonistes. Bref, si ce processus d'identification n'existe plus aujourd'hui que dans un nombre très restreint de film c'est peut-être, tout simplement, par un manque évident de travail.C'est sûrement  aussi pour cette raison que nous nous demandons si souvent en visionnant les productions actuelles: quelle peut bien être la motivation de celui-ci ou de celle-là?
Ensuite, pour finir la soirée en beauté, j'ai regardé un télé-film policier...
Ah ! Ah! Ah!...
Julius Marx