dimanche 28 février 2021

Cinéma d'hier

 


« Bavardons sur des détails culturels récents », comme dirait l’autre. Même si, dans le passé, notre bon ciné-club ne s’est pas beaucoup intéressé aux films fraîchement éjectés des ordinateurs-friends ; aujourd’hui, faisons une exception avec ce très jubilatoire Parasites du coréen Bong Joon Ho (2019). Signalons tout de même pour clore définitivement ce chapitre passé/présent que ce film appartient bel et bien à l’école « référence d’un cinéma passé ». Vérifions tout cela ipso-facto.

Une fois n’est pas coutume débutons notre réflexion par la lumière et les cadrages avant de nous intéresser à la ligne dramatique. Une lumière magnifiquement adaptée à chaque séquence, comme par exemple dans toutes les scènes tournées dans la maison des riches avec autant de détails cachés que révélés. Une géométrie parfaite permettant d’accentuer la différence considérable entre le logement des misérables (sorte de Bassi napolitains, comparables à des entresols) et les fenêtres grandes ouvertes laissant entrer des flots de lumière de la maison des possédants. Quant aux cadrages, ils sont encore conçus pour visualiser l’écart entre les riches et les pauvres (ne cherchez pas à obtenir de ma part des renseignements précis au sujet des focales ou de certains objectifs qui permettent ce jeu, achetez une revue spécialisée) et ils laissent très souvent le loisir de laisser deviner aux spectateurs qui peut se cacher dans les nombreuses zones d’ombre.

Côté intrigue, il ne vous a pas échappé que notre histoire est encore une amère confrontation entre le monde d’en haut et celui d’en bas avec la même morale de fin que, disons High and Low de Akira Kurosawa (allons bon, voilà que l’on reparle du passé!)

Voyons maintenant le script où l’on peut retrouver à peu près toutes les « astuces » d’un script hollywoodien. Quelques exemples ? Volontiers. Constatons que le tout premier plan du film (une paire de chaussettes qui sèchent, si ma mémoire ne me fait pas défaut) est aussi le tout dernier après l’apothéose finale. Une astuce qui permet d’ouvrir de nouer et de dénouer très habilement le récit et qui nous apprend que, hélas, rien ne saurait changer vraiment dans ce monde. Et puis, il y a les liaisons dites de logique dramatique dont nous avons déjà discuté ensemble ; objet sur objet ou son sur son qui lient les scènes entre elles et donnent une rapidité surprenante à l’intrigue. Quant aux personnages, nous savons tout (ou presque, rappelez-vous de la fameuse zone d’ombre) sur leur vies, leurs attentes et leur motivations. Soyons aussi agréablement surpris par les comédiens « vrais », les dialogues brefs et concis qui font toujours progresser l’intrigue. Enfin, amusons-nous de ces nombreux rebondissements (celui de l’homme caché dans la cave est hilarant) saupoudrés de façon toute Hitcthcockienne dans le récit.

Bref, Concluons que ce Parasites porte bien toutes les valeurs du film noir sans être étiqueté comme tel, semble-t-il. Noir, parce que la critique sociale y est évidente et que son traitement s’articule autour de combines plus ou moins malsaines et de meurtres.

S’il nous arrive de sourire (voir même de laisser éclater notre joie) pendant la projection, il faut bien se résoudre à penser, tout de même, en sortant du complexe de seize salles planté au milieu du centre commercial, que nous avons ri jaune (ha ha… Une blague raciste de ce passé dont je vous parlai plus haut !)

Julius Marx

Au pays des pangolins

 





Avertissement : Cette présente chronique a exceptionnellement été écrite à deux.

Le Lac aux Oies Sauvages (Fiction-2019) de Diao Yinan est un documentaire très édifiant et fort instructif sur la Chine, ses hommes, ses femmes, leurs vêtements et leurs motocyclettes. Le spectateur attentif pourra y découvrir :

-Des gangs de voleurs de motocyclettes vêtus de tee-shirt rayés luttant avec d’autres gangs de voleurs de motocyclettes vêtus de tee-shirts bariolés.

-Des policiers casqués sur leurs motocyclettes vêtus de tee-shirts de contrefaçon, tentant d’appréhender ces mêmes gangs de voleurs de motocyclettes.

-Des prostituées joliment appelées « baigneuses » coiffées de grands chapeaux blancs.

-De la pluie...Beaucoup de pluie.

-Des travailleurs et des travailleuses vêtus de blouses réglementaires, solidement encadrés par des bandes mafieuses.

-Des « souteneurs » vêtus de pantalons blancs.

-Des clients de prostituées vêtus de chemises aux couleurs criardes.

-Des immeubles pourrissants flottant dans les immondices, à côté desquels ceux du Caire ou de Kinshasa font figure de Palaces.

Et enfin ( pour ma part, le clou du spectacle!) des groupes mixtes aux gestes mécaniques portant des chaussures aux semelles clignotantes, dansant sur le morceau Raspoutine du groupe BoneyM.

Le spectateur pourra aussi découvrir des comédiens réussissant l’exploit de demeurer une heure et cinquante minutes avec la même expression sur le visage.

Côté technique, l’habitant du monde libre pourra conclure de lui-même que le chef opérateur du documentaire était probablement daltonien et que le responsable du montage a été très vraisemblablement arrêté par la police avant de se mettre au travail. Misère. Mais, ne possédant aucune information supplémentaire sur ce triste épisode il ne lui restera que des hypothèses.

Scénariste ou pas, le spectateur constatera que l’intrigue est aussi fine qu’un vermicelle chinois.

Il affirmera également (le spectateur du monde libre) que le réalisateur capable de mettre en scène l’unique scène d’amour du film (1) en l’achevant par la femme qui crache la semence de l’homme dans le fleuve n’est qu’un épais porc.

Non ! Père, tu n’as pas compris. Le réalisateur se sert de la forme-polar (maladroitement, c’est vrai) pour un inventaire époustouflant et si tu n’y vois que de l’abject et du sordide, c’est peut-être que la vie dans ce pays là, aujourd’hui, n’est qu’abjecte et sordide ? Si tu ne décèle aucune expression sur les visages des personnages, a tel point que l’on dirait bien qu’ils sont sans-vie, c’est peut-être parce qu’ils sont si soumis, si vaincus, qu’ils ne tentent même plus de lutter ? Toi qui clames si souvent qu’un réalisateur doit avoir une idée (ou un un contenu, comme tu préfères l’appeler) à partager avec ses spectateurs s’il se dit créateur, eh, bien, réfléchis un peu sur ces questions.

Tu parles d’intrigue, mais qui se soucie aujourd’hui de l’intrigue (aussi peu crédible sois-elle) ? Les copié-collé d’un cinéma du quart-monde ne me choque absolument pas, je veux simplement apprendre, et tenter de comprendre.(2)

Ceci étant dit, si je suis totalement d’accord avec toi sur cette fameuse scène d’amour, il n’en reste pas moins qu’à mon sens, elle ne devait en aucun cas se différencier des autres. Je crois que nous pouvons sans hésiter la qualifier de sordide et abjecte.

Bref, je crois bien que nous trouvons tous les deux ce film révoltant, mais, certainement pas pour les mêmes raisons.

Ps : J’adore le groupe Boney M !


Julius et Laura Marx

(1 ) Scène d’amour, c’est beaucoup dire, mais, enfin…