mardi 18 décembre 2012

Notre Père Noël à nous s'appelle John Ford


En cette période trouble où l'on se sert de la dénomination chef-d'oeuvre  pour tout ou presque, il nous faut absolument revenir aux saines écritures. Mains jointes et têtes hautes,  agenouillons-nous ensemble pour revoir le grand classique de Monsieur Ford : Three Godfathers.
Dans la paix et la sérénité retrouvées, recueillons-nous devant ce western qui nous conte l'histoire émouvante de ces trois compagnons : John Wayne, Pedro Armandariz et Harry Carey Jr.
Trois voleurs touchés par la grâce Divine qui finiront par devenir les  trois Rois mages.
Suivons nous aussi l'étoile mes frères. Débarrassons-nous des mécréants de la pellicule triste et blême.
Ne pardonnons pas aux imbéciles, aux imposteurs, aux tripoteurs d'ordinateurs  et autres baudruches.
Chantons bien haut les louanges d'un cinéma onirique !
Chassons de notre royaume les marchands du temple télévisuel !
Rasons les multi-complexes,ces hypermarchés dealers de nourriture pour chats !
Jouissons !
Oui ! Jouissons!
AMEN
Julius Marx

dimanche 9 décembre 2012

Vin de messe, pur malt et Soupline



Sortez vos missels 
La première demie-heure de Habémus Papam de Nanni Moretti  tient bien toute ses promesses.
Pensez-donc, un souverain pontife nouvellement élu qui tombe dans une regrettable déprime et refuse même de se rendre au balcon pour le traditionnel salut aux fidèles réunis sur la Place Saint-Pierre !
Face à un  problème de terriens les cardinaux  choisissent d'appeler un éminent psy à la rescousse.
L'inconscient qui vient se frotter au spirituel, voila  une situation initiale qui nous émoustille.
Le trio de scénaristes a donc choisi d'incarner le chef et  les dignes représentants de cette monarchie constitutionnelle enclavée. Soit. Nous nous inclinons solennellement devant ce choix. Cependant , permettez-nous de faire  remarquer simplement  et humblement  à vos seigneuries que le script manque cruellement de mordant.
Mise à part le tournoi de volley-ball organisé pour les cardinaux et l'emploi d'un garde suisse intérimaire dans le rôle du Pape pour sauver la face, le reste piétine un tout petit peu. La quête du souverain Pontife dans les rues de Rome reste prévisible. Toutes les pistes explorées par les auteurs deviennent vite des impasses. Bref, nous nous retrouvons dans le jardin aux sentiers qui bifurquent.

Du rififi chez les bourgeois 
Côté théâtre filmé, Carnage du Grand  Roman Polanski  porte bien son nom. Nous nous délectons devant l'affrontement de ces deux couples upper-class New-yorkais à propos (non pas de bottes d'oignons) mais d'une simple bagarre entre deux adolescents.
L'intrigue débute dans une ambiance feutrée,avec juste un doigt de pur malt, et s'achève par un véritable pugilat digne d'une cour de récré. Rafraîchissant, jouissif  et tellement tendance.
C'est encore un couple Alexandre de La Patellière et Mathieu Delaporte (le dénommé de La Patellière a-t-il un lien de parenté avec le réalisateur des années 50?) qui a écrit et réalisé Le Prénom. L'intrigue débute avec une très belle leçon de philosophie pour tous (si tranchante et juste qu'elle me rappelle quelques passages mémorables du formidable et jusqu'ici inégalé spectacle Big-Bang du talentueux Philippe Avron, c'est dire!) Après cette entrée en matière, probablement déstabilisés, les membres de cette  respectable famille décident de faire leur lessive, un samedi soir et à 20h30!
Le texte est juste, tout comme les comédiens, et les rebondissements arrivent tous au bon moment.
Croyez-moi, nous devrions tous faire notre lessive le samedi soir.
See you in hell
Julius Marx

samedi 8 décembre 2012

Full sentimental



Dans la petite  liste des authentiques auteurs-rêveurs in celluloïd , celui qu'on oublie le plus souvent  de citer c'est le grand  Chaplin .
Recueillons-nous. Baissons légèrement la tête et laissons doucement  nos rêves flotter jusqu'à  l'écran. Générique.
Tout ce qui va suivre n'est en aucun cas parole d'universitaire zélé, ni extrait de savants manuels blancs et noirs . Non, tout ceci n'est que mémoire ; instantanés scintillants en vrac, car tout comme la vie, l'oeuvre de Chaplin n'est pas un continuum.


Dans la grandeur de Chaplin , le personnage du vagabond occupe à l'évidence une place prépondérante. Ce personnage crée de manière tout à fait fortuite (Flash / vision : un livre de Mack Sennett . Un passage cocasse où l'homme explique que  Chaplin , jusque la coiffé d'un haut de forme , est devenu Charlot, juste avant un de ses tournages, en enfilant simplement un pantalon  beaucoup trop grand pour lui, un gilet trop petit et en se coiffant d'un chapeau melon. ) Bien entendu ce personnage de vagabond est un éclair de génie. Mais, plus qu'un attrait vestimentaire, même symbolique, c'est bien la fonction du vagabond qui est importante. Le vagabond va visiter le monde d'en bas . Il a le pouvoir de jouer les médiateurs entre les différentes classes sociales.Il est  l'adjuvant  (quelquefois même contre son gré) des petits, des sans grade. Il est l'opposant de toutes formes de pouvoir : les flics bien sûr, mais aussi les riches sans scrupules et les bandes de malfrats. Dans la première partie de la vie du vagabond, celle des films muets à une bobine, le personnage  ne donne jamais l'impression de prendre en charge le récit et encore moins de véhiculer le moindre message.Il est simplement un ange tombé du ciel , un Deus ex-machina  spécialement chargé par le tout puissant de venir dénouer les fils du récitC'est à mon sens ce qui fait sa force et sa gloire. Il est vierge, sans passé et sans avenir précis, sans d'autre nom que celui du vagabond. 
Dans la deuxième époque du personnage, celle des longs métrages plus personnels, il est toujours le vagabond. On le découvre le plus souvent dans un endroit insolite (  Flash / vision : Le vagabond  dormant dans les bras d'une statue ,  scène d'introduction de City lights). Et puis, une fois sa "mission" achevée , il reprend la route ou disparaît. Evidemment, on ne peut nier que Chaplin fût un mime extraordinaire avec une invraisemblable force comique, des mimiques et une gestuelle inimaginable. Je défie quiconque de visionner par exemple (The Circus) sans rire une seule fois. De n'esquisser le moindre sourire en visionnant le combat du Charlot policeman avec la terreur du quartier. Ce serait impensable et pour tout dire, cette expérience serait d'une stupidité rare.
Si le personnage  et sa fonction  font l'unanimité , le message ou "contenu " du Chaplin-auteur divise. Certains esprits chagrin reprochent au grand homme  son côté trop moralisateur, d'autres son penchant évident pour le trop  sentimental. Le trop, justement est l'allié de la fiction, du rêve, de la poésie.Il faut savoir filmer les choses en grand : la GRANDE violence, le GRAND amour, le personnage PLUS GRAND que la vie. Chaplin a certainement le pouvoir de se situer au-dessus de nous, de  jouer avec les sentiments sans devenir bêtement sentimental, il savait probablement  que sans les sentiments , comme l'écrit  Jim Harrison : " nous ne serions que des morceaux de barbaques sur le plancher."
Amen .
Musique /
NOIR
Julius Marx

mercredi 5 décembre 2012

Une partie de plaisir




vous propose un petit test.

Regardons ensemble ce soir le télé-film sur France 2 La maison Tellier . Ensuite, prenons un peu de bon temps et visionnons l'adaptation d'Ophuls dans son film "Le Plaisir" réalisée en 1952



Il y a trois parties dans cette oeuvre (trois adaptations de nouvelles de Maupassant) et celle qui nous intéresse donc plus particulièrement s’appelle " La Maison Tellier" . Pour les petits veinards (oui, car ils ont la chance de ne pas avoir encore vu un chef-d’oeuvre, ce qui n’est pas si fréquent par les temps qui courent ) résumons donc la ligne dramatique. L’action débute dans une ville de province un soir. Mais, cette soirée n’est pas une soirée comme les autres,elle est entièrement dédiée aux plaisirs interdits. Ainsi les bourgeois de la ville se retrouvent pour goûter à ces fameux plaisirs. Mais, ce soir là, la maison est close ( quel sens de l’ humour, non? ) Mais Pourquoi cette fermeture? Nous apprendrons plus tard que ces dames se sont rendues à la communion de la nièce de leur patronne! 


Entrons donc dans la première séquence : découverte de la maison. L’auteur a décidé de placer la maison en personnage principal de son récit. Il nous présente donc les lieux comme il le ferait avec un personnage. Fi de bavardages ! Nous apprenons tout (ou presque) sur cette maison grâce à une voix off et à des plans composés avec brio. L’auteur a choisi d’être à l’extérieur. La caméra s’arrête toujours sur le seuil (porte ou fenêtre). Les spectateurs sont en quelque sorte placés dans la position de voyeurs, en retrait. De cette façon, et grâce à l’appui de la voix off, l’auteur a la possibilité de se déplacer beaucoup plus facilement dans le récit. Le narrateur omniscient dirige. Le récit prend d’ailleurs son véritable départ avec l’extinction de la lanterne rouge au-dessus de la porte (commandée par le narrateur) qui nous expédie illico dans la séquence 2: / Flash-back / le voyage en chemin de fer des demoiselles vers la campagne où va avoir lieu la communion. Il faut noter que l’auteur va se servir de la même lanterne pour revenir vers la maison dans l’ultime séquence (ces dames sont de retour, les bourgeois également et la vie reprend son cours « normal ».) Nous avons un autre exemple de ce parti-pris « en retrait » avec ( toujours dans la première séquence) une scène cocasse où les bourgeois sont tous assis sur un banc, face au port. Nous les découvrons de dos , comme si la caméra, après les avoir cherché dans la ville, les trouvait enfin.

Le séquences ont donc toutes leur propre identité. Pour la première et la dernière (maison) le choix d’être en retrait est visible. Pour la séquence de la communion, nous suivons (de très près) une des dames (Me Rosa-Danielle Darrieux) qui est , en quelque sorte, « touchée » par la grâce. Si pour les séquences ville et maison, le cadre est serré et la lumière plutôt sombre, à la campagne, au contraire, tout explose ! Nous suivons, nous précédons même parfois les personnages, c’est une envolée permanente. La scène de la grande messe avec toutes ces dames est simplement magnifique. A ce propos, il faut aussi lire le texte originel de Maupassant et sa savoureuse description des petits communiants (certains passages sont repris par la voix off.)


On vérifie donc une fois de plus qu’un véritable auteur (Ophüls) avec l’aide d’un véritable chef-opérateur (Matras, opérateur aussi des films de Clouzot dont nous causerons bientôt) compose totalement son film (je devrais dire décompose) Il en donne sa propre vision sans se contenter d'enfiler les scènes une à une comme des perles en toc . Pour finir, parlons de ce script . Il y a déjà pas mal d’années, j’ai eu la grande chance de l’admirer. Admiration, oui, je dis bien, car l’épaisseur en était étonnante (le plus du double d’un script classique) et puis surtout, un déroutant sens des détails. Par exemple, pour ceux qui on vu le film, dans la scène où Madame Rosa pénètre dans la chambre de la jeune communiante pour la consoler, remarquez l’étagère de la petite fille avec quelques jouets et des livres. Tout ceci est inscrit dans le script !

Ah ! Quelle époque ! J'en frémis encore...

Julius Marx

lundi 3 décembre 2012

Cause toujours... tu m'interresses


Il fait froid.
Le petit lopin de nature à côté de chez vous ressemble au Sud-Vietnam après que l'oncle Sam a balançé son  agent Orange. Votre femme n'est pas encore rentrée de son séminaire bouddhiste  " Avancer sur la voie de la délivrance". Vous avez pris la précaution de sortir le chien pendant le 2O heures et le fils révise sagement ses devoirs.
Rien d'autre à faire que de se taper le film du dimanche soir sur France 2.
Pour cette soirée la chaîne de la culture a choisi de ressortir  un vieux truc en noir et blanc, histoire de faire un peu d'Audimat. On pourrait d'ailleurs se demander pourquoi ces distingués serviteurs de l'Etat et de l'exception culturelle française n'ont pas opté pour l'une de ces productions  subventionnées avec vôtre redevance. Mais, ne cherchons pas le mal partout et asseyons-nous plutôt dans vôtre canapé Ikéa.
Vous regardez donc Les tontons flingueurs du gentil organisateur Lautner.
Mal foutu, mal cadré (quelquefois même tremblotant, si... si) mais, tellement pittoresque.
Le coup de génie du film, ce n'est pas son scénario hésitant et brouillon, ni son unique thème musical développé à l'extrême, mais bien ses personnages.
Ces gentils gangsters, arrières grands-parents de Tony Montana, qui , foulant des deux pieds le code de déontologie  de leur profession , n'hésitent pas à  déblatérer, vitupérer, fulminer ou invectiver.
Et les porte-flingues, les demi-sel ou les caïds de balancer  thèses , synthèses anti-thèses et conclusions comme des immortels du Quai  Conti ou des sommités de la Sorbonne.
C'est bien cet évident  décalage qui surprend dans un premier temps et qui finit par provoquer l'hilarité tant il est anachronique.
Personne ne venant jamais s'interposer pour leur demander de penser un peu plus à l'action et moins à la parlotte,  les bavards remettent même plusieurs couches d'un épais crépi sur l'édifice.
Qu'importe, on se poile, et c'est bien là l'essentiel. Et puis, le noir et blanc, c'est l'époque de l'unique chaîne, de Madame Mado, du carré blanc, des speakerines à fortes poitrines et choucroutes capillaires, un monde sans exception culturelle, sans ordinateurs, sans problèmes de couples, sans violoncelles !
Allons bon, voilà votre moitié qui revient de son séminaire !
Alors, qu'allez-vous lui répondre lorsqu'elle posera la sempiternelle question : "tu regardes encore ce film?"
Comment lui expliquer ?
Surtout, ne changez pas de chaîne. Ne faites pas semblant de regarder le débat sur les chances d'un compromis à l'UMP...Assumez !
Il vaut mieux passer pour un nostalgique que pour un con.
Julius Marx

mardi 27 novembre 2012

Film cochon



Le prétexte du film Le cochon de Gaza  est un habile prétexte. Habile parce que le spectateur attentif va s'apercevoir tout au long de ce film ( je le qualifie de film grâce à son image proprette et à son contenu un peu plus épais)  que ce  cochon va venir  rassembler les deux communautés. Ainsi, c'est l' impur, le mal, le représentant du Diable sur terre, qui finira par unir les deux parties... un comble!
Un comble, peut-être pas, après tout. Le Mal a peut-être plus d'avenir...
La force de ce film, c'est d'abord le lieu.  
Pour celui qui n'a pas encore visité la fameuse bande de Gaza, l'info est largement supérieure à Trip-machin ou autres petits guides futés.
Grâce au maître  et  à son cochon  nous découvrons un monde clos avec dans l'image l'omniprésence de barrières, de grillages, de murs. Dans cette prison à ciel ouvert, les deux communautés ne cessent de se jauger, de s'observer.De cette promiscuité permanente (des soldats campent sur le toit de notre personnage principal et utilisent  même ses toilettes) naît aussi un monde de survie, fait de transgressions, de combines ou  autres rapines.
Ainsi, les grillages sont parfois troués et sous les murs, des passages secrets permettent de se rendre de l'autre côté.
Quant au contenu, il se résume avec une simple phrase :  la haine est l'âme des partis. Mais ça, petits futés que vous êtes, je suis sûr que vous le saviez déjà!
Le film méritait peut-être une autre fin, plus allégorique encore, dans le genre de celle d'Underground ,par exemple, avec ce morceau de cette terre qui se désolidarise de sa base pour flotter... mais qu'importe.
Une idée très répandue affirme que les films cochons n'ont pratiquement pas de scénario, il est temps maintenant de réviser notre jugement.
Allez, à  très bientôt....Inch'Allah.
Julius Marx

jeudi 22 novembre 2012

Point of view



Un plan séquence d'anthologie pour une destruction annoncée
Le plan-séquence qui ouvre le film est l'un des plus virtuoses qui soient. Jacques Lourcelles en fait un élément à charge contre le film : "Welles utilise le plan-séquence dans une optique opposée à celle de Preminger qui voulait par là faire oublier le découpage et le montage, dans ce rêve idéalement classique d'un film qui serait composé d'un seul plan. Le plan-séquence de Welles se revendique comme tel dans chacune de ses secondes. Le plan-séquence (le premier notamment) est une prouesse destinée à couper le souffle et à engendrer un suspens interne qui concerne moins l'action proprement dite que la virtuosité du metteur en scène."

Bon, nous parlons de  Touch of Evil (La soif du mal) du grand Orson Welles et de son très fameux  plan-séquence  d'une bonne dizaine de minutes ouvrant le film. Un virtuose, l'ami Orson, sans aucun doute possible, mais ; doit-on pour autant parler d'acte gratuit?
Non, pas du tout, car à mon sens ce plan est sensé nous donner le Point of view c'est à dire, en quelque sorte la place du narrateur dans le récit qui  débute.
Dans le cas présent, nous sommes en présence d'un narrateur omniscient placé volontairement au-dessus des évènements, de l'action et des personnages.
Ainsi positionné, cet observateur privilégié a le pouvoir magique de se déplacer avec les personnages mais aussi de précéder l'action, de la devancer (voir la très fameuse scène du motel).
Il y a aussi cette autre scène dont on parle un peu moins où l'on voit l'agression d'un personnage dans une rue sombre. L'homme  reçoit de l'acide en pleine figure et la scène est merveilleusement filmée avec deux visions  différentes : côté agresseur et côté agressé. C'est bien le point of view choisi par l'auteur qui permet une telle liberté. 
Sans cet avertissement judicieux  au tout début du film, le spectateur serait évidemment  en droit de se demander : qui regarde la scène? 
Ce point of view est régulièrement utilisé ( et avec brio) aujourd'hui par le duo Coen, par exemple. 
Vous avez remarqué mon sérieux lorsque je parle de classiques?
Julius Marx


La première partie du texte est extraite d'un article du site du très fameux ciné-club de Caen 


jeudi 8 novembre 2012

F. U. C. K


La série de William Karel " Dans les coulisses de la maison Blanche"  est passionnante et surtout  bien plus  angoissante qu'un  banal thriller. L'auteur a choisit de faire défiler devant sa caméra la plus belle bande de gros salopards  jamais réunie. Salinger, Helms, Haig et les autres font admirer leurs dentiers, ajustent une dernière fois leurs moumoutes et nous racontent  comment et pourquoi ils ont fait larguer quelques millions de tonnes de bombes sur le Sud-est asiatique en 8 années. Après un petit sourire complice et un ré-ajustement rapide de leur belle cravate rayée, ils expliquent aussi comment ils ont  eut la géniale idée d'emprunter la panoplie du parfait petit chimiste de leurs rejetons pour balancer du défoliant dans la jungle ou du napalm sur les villages de cahutes.
Voila du vrai cinéma d'action, bien plus puissant et évocateur que Rambo, de la vraie série américaine ! Après visionnage des six épisodes, on sort de chez soi avec avec ce qui nous tombe dans  les pognes, prêts à frapper sur tout ce qui bouge ; le premier gros à lunettes venu, le nonagénaire donneur de leçon ou autre   politicard qui se présente.
Ensuite, après ce salutaire défoulement , nous visionnons Dear Hunter et nous nous posons inévitablement la  même question :  pourquoi les ouvriers ne refusent-ils pas d'aller au casse-pipe?
Mais oui, cher monsieur, là est la question, l'unique question.
Côté divertissements coûteux, j'ai visionné une production Arcady (le joli logo "A" doré qui  ouvre le film est d'un chic!) qui s'appelle Comme les 5 doigts de la main.  Que le réalisateur du dit produit se prenne pour l'auteur du Parrain , nous n'en avons jamais douté .Nos derniers doutes se sont envolés après avoir visionné la totalité de la première séquence du Grand Pardon, totalement pompée sur l'original américain. Remplacer la famille Corleone par la tribu Zeitoun, après tout pourquoi pas, certains se sont permis d'autres improvisations bien plus périlleuses.
Mais, Alger n'est pas New-York, Roger n'est pas Marlon et la tragédie initiale se transforme vite en opéra de quatre sous.
A l'évidence, ce que  A  production a  mis de côté pour les acteurs, les costumes, les décors ou les cascades   manque cruellement à l'équipe de scénaristes.
Vu aussi un téléfilm sur la vie et l'oeuvre d' Albert Camus réalisé par un certain Djaoui.
 Monsieur D semble avoir des prétentions artistiques, c'est dommage. Ici, point de récit linéaire, c'est beaucoup trop simple, mais un montage maladroit et une caméra qui flotte constamment autour et au-dessus des personnages qui font ce qu'ils peuvent pour se retrouver dans le champ sur leur meilleur profil.
Certains pensent qu'il est proprement scandaleux que des hommes comme ceux-là puissent encore trouver les millions d'euros nécessaires à la bonne marche de leur entreprise; ils ont sûrement  raison. Mais le monde, mon bon monsieur, le monde ! Eh bien, il semble satisfait le monde... Il tourne.
 Mais alors, que font les policiers? Ils font des films, mon bon monsieur.
Je vous assure mon cousin que vous avez dit bizarre.
Mal de coeur. Coupe coco !
Julius Marx 

mercredi 10 octobre 2012

Exercice de logique comparée



Quelle différence peut-il bien exister entre un télé-film et un véritable film?
Laissez tomber les questions d'argent, ne soyez pas vulgaires, voulez-vous..
Parlons plutôt du contenu. En regardant  l'autre soir d'un oeil avisé un épisode de la série Caïn sur une chaîne des sévices  publiques (non y'a pas de faute d'orthographe) j'ai pensé que je tenais le bon exemple pour enfin coucher devant vos yeux le raisonnement que voici.(1)
Dans cette série le personnage principal est un gradé de la police marseillaise ( c'est si typique là-bas peuchère!) qui se retrouve en fauteuil roulant à la suite d'un accident de la route; une sorte d'Ironside  en beaucoup plus jeune et avec moins de personnel autour de lui que ce bon vieux Robert.(2)
Après les doublettes gagnantes ; vieux-jeune, homme-femme, homme-noir, femme-noir, homme-chien, médecin légiste sérial-killer et j'en passe, nous voici maintenant avec un trentenaire qui abandonne les risques du métier à sa jeune partenaire.
Laisser la responsabilité de l'intrigue à ce personnage  négatif  après tout, pourquoi pas? Chez les frères  Coen , par exemple, la méthode reste payante.
Mais, les auteurs du script ne s'appellent pas Coen,  aux dernières nouvelles il parait même qu'ils ne sont  même pas frères du tout !
Probablement pour cette unique raison, le personnage principal  n'est ici jamais vraiment utilisé, aussi bien dans sa force négative ou positive. Nada,   dégun.... Rien à signaler. Nous nous contentons de suivre une intrigue rebattue sur fond  de paysages industriels ou maritimes ( c'est si beau, la Provence!)
Car dans l'industrie télévisuelle on ne prend jamais de risques Monsieur; on filme, c'est tout.
Avec une capacité professionnelle minimale, on enfile les perles de ce qu'on croit être du polar, du bon, du vrai, du solide. De celui qui fait peur à la ménagère qui a maintenant largement dépassé les cinquante ans, qui fait  aussi beaucoup parler le jeune cadre qui achète les pavés-thrillers de l'été.
Bref, où sont passés les sentiments?
Comme l'écrit Jim Harrison " sans les sentiments, nous ne serions que de simples  morceaux de barbaques sur le plancher."
Où est passé la critique sociale?
La série télévisée est clairement fabriquée pour des spectateurs niais qui n'ont jamais eu la chance de visionner la moindre petite minute d'un film noir de Kurosawa, par exemple, où les sentiments et la critique sociale l'emportent haut la main sur une intrigue pourtant beaucoup plus épaisse.
Ces spectateurs de séries (américaines comprises) qui sont habitués à saisir quelques vérités sous un flot de bavardages professionnel.
Ce qui prime, c'est le mensonge et ce qui est vraiment neuf, c'est seulement la modernisation du mensonge.
 Le spectateur ne doit jamais percevoir la plus petite vérité ni entrevoir l'état de guerre qui lui est familier.
Sur ces bonnes paroles j'invite les adeptes de hédonisme pelliculaire à nous rejoindre au plus vite.
Aux armes spectateurs !
Retrouvons le tranchant, le rythme et la beauté du monde d'avant.
Coupez!
Julius Marx










(1) Les fidèles lecteurs de ce blog savent qu'il m'arrive d'écrire téléfilm une fois (voir plus) par article..
A tous les  autres ( il faut bien avouer qu'ils sont plus nombreux) je souhaite la bienvenue.
(2) The Ironside (L'homme de fer) est une série américaine diffusée en France dans des années  70. Elle  met en scène Robert Dacier ( ah ces frenchs, quels rigolos!)  redoutable policier qui, après avoir reçu une balle dans la colonne vertébrale, se retrouve dans un fauteuil roulant, privé de l'usage de ses jambes. Il est entouré d'une équipe efficace avec laquelle il continue à mener ses enquêtes policières.

mercredi 26 septembre 2012

Le juste prix



Sous nos contrées le film est très souvent estimé à son juste prix. L'ouvre copiée ( je ne peux employer l'adjectif piraté car le pirate ne dérobe que le précieux, le rare) se négocie aux alentours de 1 Dinar et demi, ce qui correspond à peu de chose près à 75 centimes d'Euro.
Pour cette somme modique le consommateur  (je me refuse à utiliser le mot amateur car l'amateur choisit et tente de cultiver un bon sens critique) peut acheter la plupart des productions actuelles dans les nombreuses boutiques spécialisées. Simples cabanons ou plus larges espaces climatisés, ces échoppes proposent  thrillers, shockers, films d'actions, soupes romantiques, comédies débiles et même, pour certains, classiques en noir et blanc dans leurs versions originales!
Pour les copieurs (je me refuse à les qualifier d' escrocs car à mon sens, ils sont beaucoup plus utiles pour la société  qu'un fonctionnaire des douanes ou  un architecte diplômé) ce qui prime avant tout c'est la bonne bagarre, la franche castagne, le bourre-pif assuré.
Pour ces dealers in celluloïd le titre du film importe peu. Le détail important qui les fait cliquer convulsivement sur leur souris c'est d'abord la présence d'un costaud à la carrure de semi-remorque. Puis, dans un second temps, ils s'assurent que le steak sur pattes exhibe bien un revolver  qui correspond à ses biceps. La blonde qui montre ses nichons dans le coin gauche de la fiche de présentation n'est qu'une option facultative.
Grâce à cette rigoureuse sélection, nous avons le plaisir de feuilleter un sensationnel catalogue de nanars ( on peut aussi les nommer films de série B, si on est indulgent) dont le pays d'origine est bien entendu les Etats-Unis.
Mais,heureusement pour nous, y a les rêveurs (comment les appeler autrement ?) Ces valeureux  chevaliers décident, on ne sait pourquoi, d'enregistrer aussi des films sans types baraqués, sans le moindre nichon ni cascades de voitures. Dans ces ovnis venus d'un autre monde, le méticuleux  qui fera l'effort d'ouvrir une bonne douzaine de classeurs, aura le plaisir de découvrir un petit bijou comme The illusionist de Sylvain Chomet....une si longue intro pour en arriver là !
Ce dessin animé de monsieur Chomet  est né d'un script écrit par Jacques Tati dans les années 5O.
On le sait, le seul nom de Tati évoque à lui tout seul un univers poétique aussi vaste, coloré et sonorisé que les Etats-Unis ( état de l'Alaska compris).
Le réalisateur  met en scène Tati lui-même sous les traits d'un illusionniste en fin de carrière qui parcourt l'Ecosse à la recherche d'un modeste cachet.
Le film est magnifiquement coloré et les scènes sont toutes teintées de cette poésie rare (encore! mais comment dire autrement?)
Pourtant, au gré des situations, on ne peut que penser, qu'imaginer, ce que le grand Jacques aurait pu faire avec un scénario aussi prometteur. La sagesse de monsieur Chomet c'est bien de s'être contenté d'oeuvrer dans son domaine de prédilection (dessins, personnages pittoresques, paysages somptueux, humour) sans jamais empiéter sur celui du Maître. Cette sagesse est tout à son honneur.
Nous découvrons en quelque sorte un Jacques Tati  de l'autre côté du miroir. Un poète pris dans la tourmente d'un monde qui s'écroule, comme la plupart de ses collègues du music-hall (clown suicidaire, ventriloque ivrogne, acrobates reconvertis dans la publicité).
Ah, oui, j'oubliai. Il  me faut aussi vous dire, et c'est important, que mise à part l'utilisation des dialogues tatitiens (et allez donc, j'invente des adjectifs, maintenant..) l'autre bonne inspiration de l'élégant Chomet c'est de ne pas avoir tenté de travailler le son comme son aîné, et c'est bien.
Ce film est un hommage et nous pleurons comme son auteur à la disparition des vrais poètes (pour Jacques Tati, il n'y vraiment pas d'autres mots).
Julius Marx
ps: Dans l'image illustrant cet article nous retrouvons le personnage Tati dans un cinéma où il croise son modèle.

lundi 24 septembre 2012

Shocker



En 2007 les patrons de  Gregory Hoblit (formé à l'école de la série TV, ce qui lui donne une capacité professionnelle minimale, tout comme les réalisateurs de pubs) lui donnent la possibilité de réaliser un bon petit shocker. Les clauses du contrat sont les suivantes :

a) notre bon public doit absolument avoir peur (c'est essentiel pour les vendeurs de pop-corn et pour l'industrie toujours florissante des mouchoirs en papier.)

b) nous devons nous en mettre plein les fouilles (c'est primordial pour notre industrie)

c) nous ne voulons pas d'un film d'intellectuel

d) Rappelez-vous bien que nous devons toucher le paquet (cette clause est suspensive)

Après avoir apposé sa signature au bas du document, notre  héros se rend dans l'atelier pour pointer le matériel pendant que son secrétaire particulier se lance dans la lecture du script.
Le synopsis du film qui s'appellera " Fracture" (la Faille in French)  donne à peu près ceci :         " Lorsque Ted Crawford apprend que sa jeune épouse le trompe, il décide de la tuer à leur domicile, en lui tirant une balle dans la tête à bout portant. Alertée par leurs jardiniers, la police boucle le secteur et l'inspecteur Rob Nunally, négociateur, va à la rencontre de Crawford. Crawford reconnaît les faits et l'inspecteur découvre avec horreur que la victime est la femme avec qui il entretenait secrètement une liaison.
Arrêté, Crawford décide de se défendre lui-même à son procès. Il fait face à William Beachum, un jeune procureur adjoint ambitieux sur le point d'intégrer un prestigieux cabinet d'avocats. L'affaire, apparemment simple, s'avère en réalité pleine de rebondissements. Car Crawford a savamment préparé son coup et il va jouer avec les particularités du système judiciaire américain pour se faire acquitter..."
Lorsqu'il revient de l'atelier, Hoblit commande deux expressos avec un nuage de lait et s'adresse à son subalterne avec cette pointe d'ironie qui plaît tant aux subalternes.
-Alors, mec, t'as fini ton job? demande-t-il.
-C'est du tout cuit, boss, répond le jeune assistant en versant le sucre dans les deux expressos.
Puis, devant l'équipe au grand complet, le chef explique qu'un bon polar est automatiquement sombre. Répondant à l'inquiétude d'un  assistant-éclairagiste du Montana en stage de ré-insertion,
le chef précise que le genre exige un éclairage minimum, des zone d'ombre partout, juste colorées çà et là par des petits ruisseaux de sang. Le type du Montana est rassuré.
Le lendemain, autre bonne nouvelle : le casting s'annonce prometteur. Le rôle du méchant sera joué par Anthony Hopkins et celui du mignon procureur par Ryan Gosling.
Même si le vieux Hopkins a refusé de conserver son masque de cuir pour le film, Hoblit décide de faire un maximum de plans serrés sur ce qui  reste de chicot dans la bouche du monstre, avec seulement quelques petits flashs sur ses yeux sanguins. L'équipe applaudit.
Pour Gosling, c'est un peu plus simple ; plans rapprochés et cadres furtifs sur les pectoraux. Le mignon va aussi vivre une histoire d'amour avec une jeune blondasse, alors, les gars, vous voyez ce que je veux dire...
Un cadreur de l'Arizona se pourlèche déjà les babines.
Ensuite, Hoblit tape sur l'épaule de son directeur artistique (ce geste de franche camaraderie plaît beaucoup aux directeurs artistiques) et lui demande de commander au plus vite deux bonnes heures de nappe musicale, indispensable pour bien faire prendre la sauce (ce genre d'expression plaît aussi  beaucoup aux directeurs artistiques).
L'auteur-réalisateur finit sa longue journée dans les sous-sol climatisés de l'usine à rêves où il regarde, attendri, son équipe de monteurs superviser la mise en route de la vingtaine d'ordinateurs nécessaires à la bonne marche de son oeuvre. 
Ensuite, il va s'acheter une casquette de base-ball et un parka avec col de fourrure.
Le film s'annonce plutôt bien. Hoblit est satisfait. En rentrant chez lui, il visionne "Un homme et une femme" de Claude Lelouch. 
Quelques années plus tard, en Europe, le téléspectateur éteint son poste. Il baille. Il est grand temps d'aller se coucher. Demain le réveil sonnera à 6 heures.
Julius Marx

mardi 18 septembre 2012

Un problème épineux


Vu à la télévision l'acteur Lindon expliquer à un animateur propret que son nouveau film portait un vrai message, un contenu fort. Et l'invité, encouragé par le souriant propret, de citer Raoul Walsh !
Ensuite, j'apprenais que l'ambition du courageux réalisateur était d'ouvrir le débat sur un épineux sujet de société (je pense que son messager a même utilisé le terme de grande cause nationale) mon Dieu ! Le sujet en question était la fin de vie  ou comment sortir dignement de ce monde en état de décomposition avancée sans se faire gauler par les services de l'Etat? Pour les sujets étudiés, qui n'ont pas la possibilité de s'offrir des vacances sur une des merveilleuses îles danoises ou de réserver une place de cinéma dans une salle obscure du Colorado, le problème reste épineux.
Le scénario du film, que l'acteur lit toujours avec le coeur, est donc basé sur l'histoire d'une vieille dame qui veut absolument en finir avec la vie depuis que la chaîne France 2 ne rediffuse plus les documentaires historiques de Stéphane Bern.
Enfin, dans un bel élan de solidarité (salué encore une fois par un bref signe d'approbation du propret totalement conquis) l'acteur concluait que ce film pourrait bien aider le président Hollande dans son futur choix sur le projet plein d'épines en question. Mon Dieu ! again...
Bon, si j'ai bien compris Vincent, le but de ton film-message-grande cause nationale est bel et bien de se rapprocher du quotidien et de son hasard miteux?
Donc, aucune chance d'y retrouver les lanciers du Bengale, des araignées géantes qui terrorisent les habitants d'une charmante petite bourgade jusque-la si tranquille, des steaks humains poursuivant de pulpeuses créatures ou bien encore un duel au soleil, dommage.
L'acteur a bien sa place dans un journal télévisé. Le propret peut rendre l'antenne.
Vincent, si tu allais remettre l'âne dans le pré.
Allez, hop! Je viens d'écrire ces quelques lignes sans avoir vu une seule minute du film. Tant pis, si je me trompe, je jure de recevoir le châtiment qui s'impose sans rechigner et puis, de partir pour l'autre monde retrouver les araignées géantes et les créatures pulpeuses avec une joie non dissimulée. Ceci est ma dernière volonté.
Comment? Mais non, y'a rien d'épineux là-dedans !
Julius Marx

jeudi 23 août 2012

Le monde d'avant



"Marcel Marx, ex-écrivain, s'est exilé volontairement dans la ville portuaire du Havre où son métier honorable mais non rémunérateur de cireur de chaussures lui donne le sentiment d'être plus proche du peuple en le servant. Le destin met brusquement sur son chemin un enfant immigré originaire d'Afrique noire."
Ceci est le résumé du film "Le Havre" de Aki Kaurismäki. Pour le transformer en synopsis j'y ajouterai la seule phrase : " Il endosse la responsabilité (toute paternelle) du gamin et se donne pour mission de lui faire traverser la Manche pour retrouver sa famille." Et, peut-être, mais, dans le seul but de faire naître la légitime attente du spectateur, j'achèverai le texte par : "mais, dans ce monde, rien n'est simple..."
Oui, ce monde, parlons-en. Le personnage de Marcel Marx ( aucun lien de parenté avec Julius) est un homme qui vit dans un  autre monde. Il s'est crée son propre univers où les habitants de l'autre monde (le réel) n'existent pas.
La bonne inspiration de monsieur K c'est bien d'avoir remarquablement matérialisé l'univers du personnage.
Dans un premier temps, il y a bien entendu le décor: la seule ville du Havre, avec sa lumière si particulière, ses rues, ses magasins etc.
Puis, les personnages:  petits commerçants, tenancières de bistrot, pêcheurs, boulangères avenantes. Bref, tout un peuple victime  d'un génocide culturel dont les individus, évidemment, n'existent plus que dans la tête de Marcel Marx.
Enfin, les objets : téléphone en bakélite, meubles, tourne-disque (la scène où le gamin écoute, immobile, transi, un disque de blues est d'une émotion forte, puissante, et évocatrice).
Pour accomplir sa mission, notre homme va donc devoir se confronter au monde extérieur (celui du développement, du progrès)
Pour l'aider dans sa quête, le personnage du commissaire de police (JP.Darroussin) semble servir de lien entre les deux mondes. S'il s'exprime comme un être d'aujourd'hui, il s'habille et se comporte comme un homme d'avant. Et, c'est aussi grâce à lui que la quête va réussir.
Pour le reste, je ne comprends pas pourquoi les scènes ne sont pas jouées complètement, et aussi pourquoi les acteurs ont tous l'air d'avoir avalé un sabre, mais... qu'importe!
Même si la maestria du réalisateur n'est pas aussi imaginative et  poétique que celle d'un Takeshi Kitano (voir article plus haut) on peut tout de même considérer que Le Havre est un vrai film de cinéma avec une vraie émotion et un vrai contenu. Vous avez parfaitement raison, ce n'est pas si courant. Quant à vivre au Havre, vous m'avez bien regardé? 
Allez, ma grande, remet-nous çà !
Julius Marx

mardi 7 août 2012

Takeshi Kitano



Il y a deux ans de cela, sous l'impulsion de ma fille cadette, je visitais une exposition consacrée à l'artiste japonais Takeshi Kitano. Le créateur était présenté comme une espèce de touche à tout génial ; peintures, assemblages divers, constructions totalement déjantées, et même, producteur et animateur de programmes de télévision venus d'une autre planète.
Mais, c'est à la librairie du musée que je pêchais l'information la plus importante pour moi.
Dans un petit bouquin consacré à son oeuvre cinématographique, je lisais la préface élogieuse du grand Maître Akira kurosawa. C'était, à mon sens, une raison largement suffisante pour découvrir au plus vite le boulot du petit Maître Takeshi.
La première bonne surprise c'est que le genre préféré du monsieur pour "s'extérioriser" est le film noir. Le genre de film où l'on débute avec, en gros, une vingtaine de personnages pour finir avec un seul couple de survivant sur le sommet du Fuji-Yama.
Ultra-violence, corruption, agitation sociale, mafia ; bref, tous les ingrédients réunis pour réaliser un très bon film de genre.
Mais, Kitano, comme Kurosawa avant lui, se sert du genre plutôt qu'il ne le sert.
Parlons de Hana-bi , par exemple, tourné en 1997. Allez, un petit résumé pour nos amis qui n'ont pas encore vu le film.
"Au cours d'une mission, l'inspecteur Nishi lâche son ami et collègue Horibe pour se rendre au chevet de sa femme à l'hôpital, où on lui apprend qu'elle est condamnée par un cancer. Nishi est doublement choqué lorsqu'on l'informe que, pendant ce temps, Horibe a été gravement blessé lors d'une fusillade avec des malfrats. Horibe est désormais cloué dans un fauteuil roulant, et aimerait se remettre à la peinture, mais n'a pas les moyens de s'acheter le matériel nécessaire. Et sa femme l'a quitté, avec sa fille, incapable de supporter cette situation.
Nishi, rongé par un sentiment de culpabilité, quitte la police et emprunte de l'argent à un yakuza, afin de pouvoir payer le matériel de peinture à son ami et les frais d'hospitalisation de sa femme. N'ayant pas l'argent pour rembourser le yakuza, qui le fait poursuivre par ses sous-fifres, Nishi décide de braquer une banque, et va chercher dans une casse une sirène de police et un taxi volé, qu'il repeint en voiture de police. Il réussit le braquage sans difficultés et envoie le matériel de peinture à Horibe, tout en remboursant le yakuza.
Tandis qu'Horibe s'absorbe dans sa peinture fantastique, Nishi emmène sa femme dans la montagne enneigée, et organise un feu d'artifice pas très réussi. Ils vont au bord de la mer, mais ils sont rattrapés par les yakuzas puis par la police. Le voyage se termine par un double suicide."
(Résumé toujours copié-collé sur le site du Cinéclubdecaen)
Bon , maintenant que nous avons tous une idée de l'histoire, tâchons d'avoir un aperçu du mode de fonctionnement de l'astucieux Takeshi.
Dans un premier temps, il nous plonge dans un polar que l'on pourrait qualifier de classique et dont le prétexte pourrait être emprunté, par exemple, à la série des Mitch Tobin, écrite par  Donald Westlake (cherchez vous-même les références, vous n'avez que ça à faire, c'est les vacances).
Mais, très vite ( a peu près à la fin de la première séquence de présentation) le spectateur est appelé à se laisser lentement dériver loin de la plage. Les états-d'âme du personnage se retrouvent soudainement matérialisées sur l'écran ; c'est l'appel du large! Le flic, incarné par Kitano lui même, se rend donc dans le terrier du lapin pour notre plus grand plaisir. Sa vision vient s'insérer dans la plupart des scènes et le récit jusque là, quasi- linéaire, devient une narration à plusieurs niveaux de lecture. A tous ceux qui tentent de le faire revenir vers la pénible réalité, il répond toujours avec la même obstination : balle dans la tête, cailloux dans un linge propulsé a grande vitesse sur un front offert ou crayon impeccablement taillé enfoncé dans un oeil exorbité. Ce qui prime, c'est le beau, le poétique, l'irrationnel. 
Mais, bien entendu dans notre monde, même en état de décomposition avancé, ces choses-là ne doivent absolument pas  venir prendre une place aussi importante. La loi et l'ordre  reprendront donc leur suprématie. Vous connaissez maintenant la phrase type de conclusion pour ce genre de 
vaticination... bientôt un ordre nouveau va dissoudre tous les retards et satisfaire toutes les impatiences...
Sayonara.
Julius Marx

mardi 17 juillet 2012

Hommage


Sur l´écran noir de mes nuits blanches,
Moi je me fais du cinéma
Sans pognon et sans caméra,
Bardot peut partir en vacances:
Ma vedette, c´est toujours toi.

Pour te dire que je t´aime, rien à faire, je flanche:
J´ai du cœur mais pas d´estomac
C´est pourquoi je prends ma revanche
Sur l´écran noir de mes nuits blanches
Où je me fais du cinéma.

D´abord un gros plan sur tes hanches
Puis un travelling-panorama
Sur ta poitrine grand format,
Voilà comment mon film commence,
Souriant je m´avance vers toi.

Un mètre quatre-vingts, des biceps plein les manches,
Je crève l´écran de mes nuits blanches
Où je me fais du cinéma,
Te voilà déjà dans mes bras,
Le lit arrive en avalanche...

Sur l´écran noir de mes nuits blanches,
Où je me fais du cinéma,
Une fois, deux fois, dix fois, vingt fois
Je recommence la séquence
Où tu me tombes dans les bras...

Je tourne tous les soirs, y compris le dimanche,
Parfois on sonne; j´ouvre: c´est toi!
Vais-je te prendre par les hanches
Comme sur l´écran de mes nuits blanches?
Non: je te dis "comment ça va?"

Et je t´emmène au cinéma...

lundi 16 juillet 2012

Qui c'est le réa?


Le réalisateur d'aujourd'hui est jeune, beau et ambitieux. Bref, il a un plan de carrière dans la profession de l'audiovisuel, une voie toute tracée. Ses sujets sont variés, ses personnages aussi et il aime à se laisser porter par les différentes vagues. Si certains aiment encore a l'appeler auteur parce qu'il n'hésite pas à piocher dans le catalogue des émotions pour boucler ses fins de tournage, il n'est qu'un employé, rien n'est à lui, il appartient à la société anonyme...air connu.
Si les sociétés de production privilégient le travail d'un seul individu c'est uniquement pour des questions économiques. Ainsi, nous avons le plaisir de voir disparaître les petites mains du cinéma, avantageusement remplacées par des logiciels savants capables de pondre en trois semaines le top du sujet comme des poulets élevés en batterie et des ordinateurs-friends plus fiables, moins gourmands  que des monteurs taciturnes et alcooliques.
La charmante profession de scénariste, par exemple, est particulièrement sur la sellette.. bah, oui, la crise mon bon monsieur, encore...
Si nous prenons la peine de regarder attentivement un téléfilm comme Les infidèles, nous piaffons, nous mangeons notre cornet de crème glacée à l'envers puis, nous décidons (d'un commun accord avec nous-mêmes) bien avant la fin de la première séquence, qu'aucun des auteurs du script, en stage intensif macramé dans le Limousin, en reconversion section bâtiment ou injoignables car au concert de Madonna, n'est vraiment scénariste.
Un film a sketchs, comme dans le bon vieux temps de Dragées au poivre, par exemple, c'est évidemment une charmante idée. Oui, mais sans écriture, sans une caractérisation des personnages, une idée seulement.
C'est probablement pour cette raison que les séquences courtes du récit, où seul le gag de fin est important, fonctionnent agréablement et sont bien amusantes.
Pour les autres séquences, hélas, rien à dire. C'est le désert des Tartares sans fort, sans militaires et sans intrigue..
J'attends le jour où l'on supprimera aussi, faute de moyens, le réalisateur..
Je ne suis même pas impatient, j'ai des réserves de crème glacée.
Julius Marx
Ps : si vous n'avez pas vu Dragées au poivre, débrouillez-vous pour le dénicher et riez un bon coup, ça décongestionne vraiment.

jeudi 12 juillet 2012

Noir Irlandais



The Guard (l'Irlandais) de John Michael Mc Donagh est un film noir très réconfortant.
Manifestement cet irish-auteur ne cherche pas à honorer les fameux codes-polar comme les sots qui tentent maladroitement de célébrer le genre en découpant de la tripaille ou en collaborant (c'est le pire) avec un vrai ancien flic (ou un ancien vrai flic) sur le retour pour un script plus réaliste (Dieu que ce mot est laid!). 
A l'évidence, JMD sait que le film noir est mort depuis bien longtemps et qu'il ne lui reste plus que deux positions à adopter : sanctifier ou parodier. Par esprit de contradiction, cette tête de mule d'irlandais a opté pour une solution intermédiaire : la sanctification-parodie.

Les premières images du pré-générique nous font découvrir une belle voiture rouge lancée à pleine vitesse sur une longue route rectiligne du Connémara. A l'intérieur, des adolescents se ruinent la santé en s'empiffrant  de  poudre blanche importée et en buvant au goulot du whiskey local.
 La musique ponctue cette équipée sauvage de fort belle manière et nous sommes bien dans une des scènes de Clockwork Orange, voila pour la sanctification. La scène s'achève par un accident et les jeunes écervelés meurent. Le seul flic présent à cet endroit, que l'on devine stratégique, constate l'accident sans qu'aucun signe de compassion ne se lise sur son visage buriné par les embruns. Puis, il empoche la cocaïne pour sa consommation personnelle, voici pour la parodie.
Ensuite, toutes les séquences de ce film sont de même facture. Dans un premier temps, on sanctifie; avec les nombreux clichés du film noir, puis, on parodie en poussant à l'extrême ces fameux clichés.
Le personnage principal , lui même, est un bon exemple de ce principe.
Le flic est efficace (il va résoudre l'intrigue seul) mais il ne correspond  pas vraiment à l'image d'un personnage principal (dans le sens de positif). Ce quadragénaire est gros, laid, vulgaire et s'organise de charmantes petites après-midi  avec des prostitués.
Personnages décalés aussi ; les trafiquants de drogue qui parlent de philosophie et s'interrogent sur leur pénible condition.
Les deux running-personnages : un gamin idiot à vélo et un photographe amateur de clichés "scènes de crime".
N'oublions pas le correspondant de l'IRA qui sort de Blood Simple des Coen Bros avec son couvre-chef de western et sa VW jaune ! 
Sanctification, je vous dit !
Bref, ce film est exactement le contraire d'un petit chef-d'oeuvre de prétention qui encombre les écrans actuellement. Il est jouissif,  il est NOIR !
Courez, courez!
Vous êtes prévenus.
Julius Marx






lundi 18 juin 2012

Grand classique



Si un jour vous voyez ce film, Le grand sommeil (au moins la première partie), vous comprendrez ce que peut faire de ce genre d'histoire un metteur en scène qui a le sens de l'atmosphère, et la touche voulue de sadisme discret. Bogart, bien sûr, est très supérieur à tous les autres durs du cinéma: à côté de lui les Ladd et les Powell ont l'air de pauvres cloches. Comme on dit ici, Bogart sait être dur même sans revolver. De plus, il a ce sens de l'humour avec un sous-entendu grinçant de mépris.
Ladd est dur, amer, parfois charmant, mais au bout du compte, c'est l'idée qu'un petit garçon se fait d'un dur. Bogart, c'est l'article extra. Comme Edward G.Robinson, tout ce qu'il lui faut pour dominer une scène, c'est d'y être.
Il y avait aussi une scène merveilleuse dont nous avions discuté ensemble. A la fin du film Ogart et Carmen se faisaient pincer dans la maison de Geiger par Eddie Mars et ses tueurs. Bogart (Marlowe) est coincé là, la fille s'amène et les autres la laissent entrer.
Marlowe sait qu'elle a commis un meurtre et il sait également que la première personne à franchir la porte va se retrouver au milieu d'une grêle de balles de mitraillette. Mais la fille ne le sait pas.
Marlowe sait en plus que s'il envoie la fille se faire tuer, le gang va se tailler, et lui laisser la vie sauve pour le moment. Mais il n'a pas envie de jouer le rôle du Bon Dieu ou de sauver sa propre peau en laissant Carmen sortir. Ni de jouer le rôle de Sir Philip Sydney en sauvant la vie d'une petite salope. Alors il décide de jouer ça à pile ou face, comme ça le Bon Dieu en question décidera.
Mais avant de lancer sa pièce en l'air il fait à haute voix une sorte de petite prière, pour dire que somme toute il a fait de son mieux, et que ce n'est pas de sa faute s'il se retrouve dans cette position, où il doit prendre une décision que Dieu n'avait aucun droit de lui imposer. Il aurait voulu que la décision soit prise par l'autorité qui avait permis à un tel bordel d'arriver. Si c'est face il laissera la fille partir. Il lance la pièce, c'est face. La fille croit que c'est un truc pour la livrer à la police. Elle s'approche de la porte. A la dernière seconde, elle a déjà la main sur la poignée, Marlowe faiblit et veut la retenir. Elle lui rit au nez et le met en joue avec un revolver, avant d'entrouvrir la porte de trois ou quatre centimètres. On voit qu'elle va tirer sur lui et qu'elle est toute ravie de cette situation. A ce moment, une rafale de mitraillette traverse le panneau de la porte et déchiquette la fille. Les tueurs à l'extérieur ont entendu une sirène au loin, pris de panique ils ont lancé une rafale comme carte de visite -mais sans penser atteindre quelqu'un. Je ne sais pas ce que l'on a fait de cette scène. Les gars n'ont peut-être pas voulu ou pas su l'écrire. Ou alors c'est Mr. Bogart qui n'a pas voulu la jouer. A Hollywood, on ne sait Jamais.
Tout ce que je sais c'est que c'est un truc à vous faire dresser les cheveux sur la tête. Faudra que j'essaye un jour.
Raymond Chandler  (Lettres-10/18)

lundi 11 juin 2012

Lignes de fuite

Le critique de cinéma visionne, réfléchit et écrit.
La question est : pourquoi éprouve-t-il le besoin de révéler ce qu'il pense?
Parce que le lecteur n'a pas le temps de penser ni de réfléchir. Le lecteur veut un résumé succinct de l'intrigue, la liste des personnages avec quelque-unes de leurs particularités (points forts/ faiblesse) et surtout une ou deux petites anecdotes sur le réalisateur ou sur la période du tournage.
Le lecteur est donc satisfait d'avoir lu les pages culture de son magazine, et le critique touche son chèque de fin de mois avec la sensation du travail bien fait. Le système fonctionne à la perfection.
Le lecteur pose la question : que dois-je voir cette semaine pour être un type cultivé, à l'aise dans mon époque?
Le critique livre sa petite liste en prenant  bien soin de faire précéder son article d'un petit personnage heureux (pour les films IN) ou malheureux, pour les autres. Certains préfèrent les étoiles, d'autres encore des Z ou des 7. Qu'importe, seul le résultat compte, il faut être rapide, efficace.
L'avis du critique est très important. Le critique est un type instruit avec une veste de tweed, les cheveux poivre et sel, et une paire de lunettes en demie-lune. Il passe la quinzaine à Cannes pour réfléchir avec ses nombreux confrères sur la condition des femmes iraniennes, le salaire des mineurs du Pakistan, la quiche Lorraine et les brimades subies par les homosexuels Ouzbeks.
Le critique a aussi son propre style. Pour cette heureuse et prospère corporation, le feuillet/réflexion  sur une oeuvre cinématographique débute invariablement par  la description du personnage principal  (avec des phrases courtes, sèches, rapides) immédiatement suivie par le problème numéro 1 du personnage ; retrouver sa femme, son fils, son fox-terrier , l'assassin de sa femme, son fils, son fox-terrier, ou comment cacher le corps de sa femme, son fils, son fox-terrier etc.
L'article s'achève toujours par une phrase du type : "à travers cette intrigue, il faut voir dans ce film une véritable critique de la société ".
Or, nous le savons, tout ceci n'est que folklore et foutaises.
Ce n'est pas l'histoire qui compte mais, uniquement la façon dont elle est racontée.
Ainsi, nous allons nous intéresser à l'image, à la lumière, au cadrage, au jeu des acteurs, aux informations et nombreux signes posés çà et là par le réalisateur.
Allez, un exemple.
Dodes-Kaden de Akira Kurosawa (1970) .



Pour ceux qui n'ont pas encore vu ce classique, rendez-vous  immédiatement rue de Belleville, sans  passer par la case Départ et sans toucher 20.000 frs.(1)
Pour les autres, admirons un des premiers plan du film.


Nous sommes dans la maison du personnage principal (au sens de conducteur positif de l'intrigue). Ce jeune garçon va nous faire visiter son monde intérieur (nous constatons de suite qu'il ne pense qu'au  tramways (dessins) et son monde extérieur (le bidonville où il vit).
Nous avons donc le lieu, le personnage. Voici maintenant  le genre dramatique:



Le personnage nous présente son tram personnel (invisible). Il bichonne et parle à son ami.
Nous entendons les bruits et les sons amplifiés venant de  la machine.
De cette façon,  nous entrons plus facilement dans l'imaginaire.
(Dans pas mal d'articles sur cette scène clé, les critiques (les vrais) font souvent référence à Chaplin ou Keaton. Moi, j'opte pour Tati et sa merveilleuse et si efficace utilisation du son)
Par cette scène le réalisateur veut signifier aux spectateurs  que l'imaginaire prend le pouvoir  sur le rationnel.
Ensuite, nous allons découvrir les autres personnages et entrer dans leurs mondes.
Il y aurait encore tant de choses à écrire sur ce film.
J'aime également le choeur des femmes assises près du robinet d'eau. Elles commentent souvent l'action (c'est le rôle d'un choeur, non?)  présentent  aussi des personnages en donnant des informations sur sa vie etc.. et font donc progresser l'intrigue.


Bon , maintenant, la ligne de fuite.
Chez Kurosawa, avant ce film, les acteurs sont tous enfermés dans des cadres précis.
(Relisez mon article sur Entre le Ciel et l'Enfer)
 Dans Dodes-Kaden, tourné pour la première fois en couleur, l'auteur semble donner la liberté à tous ces personnages . Une liberté précaire car on voit mal où ils pourraient se rendre, mais une liberté tout de même. Il y a dans ce bidonville plusieurs ligne de fuite  bien visibles.
Faut-il donc en conclure que Le grand Kurosawa veut nous signifier, comme Fellini, un autre grand, que le salut se trouve dans l'imaginaire? 
Je ne peux répondre à cette question. 
Pour tout savoir, lisez la critique.
Je vous quitte, je viens d'avoir la merveilleuse vision d'un monde magnifique.
Un monde ou les enfants mangent à leur faim, sans massacres ni génocide, bref, un monde sans homme.
Julius Marx

(1)  Lecteurs assidus de ce blog.Vous savez aussi que je vous envie, vous avez encore tant de choses à découvrir, bandes de veinards.

samedi 9 juin 2012

Ce cinéma-là

The Searchers du grand John Ford.
 SCENE INTRODUCTION




INT/ JOUR : Une ferme du Texas
La porte s'ouvre / Travelling  compensé vers  EXT/ JOUR
Une femme s'avance. (On devine  immédiatement sa fonction, son caractère. Mais, si, regardez bien son visage, ses rides ).Elle est suivie par un homme (son mari ). Idem pour sa fonction et caractère.
Ils regardent au loin. L'homme prononce un prénom.
Un homme arrive sur son cheval (admirons le décor!)
La caméra n'est plus INT mais EXT. Découverte de la famille au grand complet dans un seul plan.
L'homme est là. Identification immédiate (ancien militaire, mais, si regardez, il porte encore son sabre) il a chevauché longtemps, très longtemps (poussière).
Les visages sont graves, on devine que l'homme a subi une terrible épreuve et surtout qu'il est parti depuis un bon bout de temps.
On entre.
Questions : Qui est-il? Pourquoi cette terrible épreuve?


SCENE CONCLUSION


L'homme est de retour avec le jeune fille enlevée par les indiens (inutile de raconter l'histoire).
Elle entre dans sa nouvelle maison. (Bien entendu c'est totalement irréaliste et impossible, mais c'est précisément pour cette raison que nous aimons ce cinéma-là!)
Même mouvement de caméra que pour la scène d'introduction. L'homme seul au début repart seul.
Et voilà, c'est pas si compliqué que çà, la critique cinéma.
Ne jetez pas votre bâtonnet de crème glacée par terre.
Julius Marx

mercredi 6 juin 2012

Offre spéciale



Après les transports aériens, les chemins de fer et la grande distribution, peut-on sérieusement envisager  la naissance prochaine d'un cinéma Low-Cost ?
L'idée est simple. Les investisseurs rechignent aujourd'hui à accorder d'importants budgets aux projets mettant en scène  de pénibles histoires de couples qui se demandent comment et pourquoi ils en sont arrivés là, qui va conserver la garde des enfants, du chien etc..?
Pourquoi ne pas filmer une histoire qui débute devant le piano pour s'achever sur le balcon de l'appartement avec une simple caméra numérique?
Pourquoi ne pas supprimer le travelling du lit conjugal au cabinet de toilettes, la visite à la boulangerie, l'ouverture et la fermeture de la porte du four micro-ondes, le panoramique sur la ville de nuit, le close-up  sur la liste des commissions collée sur le réfrigérateur, le plan fixe sur l'écran de l'ordinateur et les 27 conversations téléphoniques par une bonne voix OFF ?
On le constate, l'argument technique est de poids. La mise en oeuvre de cet ambitieux programme pourrait faire économiser ipso-facto un bon paquet d'euros à la production.
Passons maintenant aux artistes. La deuxième phase du projet préconise de remplacer l'important pourcentage de comiques de café-théâtre, de présentatrice météo, de chanteurs et chanteuses, de fils, de filles, de présentateurs de jeux et d'amis de la grande famille du spectacle par des acteurs de compléments, recrutés dans les agences pour l'emploi locales, plus efficaces et moins gourmands.
Pour les rôles principaux, un accord récent leur demanderait de moins charger leur jeu, dans le but avoué de réduire leurs cachets. Le pourcentage restant encore à déterminer car certaines grosses pointures du cinéma français se font tirer l'oreille. Un illustre parmi les illustres aurait même déclaré du fin fond de son château :" ils veulent qu'on finissent à la fosse commune où quoi ?"
Mais, le projet fait l'unanimité dans le public des salles de cinéma. Il est évident que les deux ou trois euros concédés sur le prix du ticket d'entrée ne peuvent que les satisfaire, surtout si le spectacle est toujours au rendez-vous.
Même s'il reste encore des détails administratifs à régler comme la mention "Film Low-Cost" apposée sur les affiches comme le demande les professionnels  au nom de l'exception culturelle française et dans le but de ne pas égarer le spectateur, ou la question du prix moyen du paquet de pop-corn posée par les exploitants de salles, nous pouvons parier que l'avenir du 7éme art se joue bien dans les prochains mois. Les groupes Carrefour ou Leclerc sont déjà sur les rangs pour l'obtention du précieux label.
Julius Marx  

samedi 2 juin 2012

Monde pourri



Les cinéastes modernes sont très mal barrés au départ, au contraire, car le marché de maintenant leur propose d'exprimer tout de suite leur particularité, et même exige ça d'eux ( la multiplication des salles d'exclusivité minuscules remplaçant les salles de quartiers spacieuses est la même chose concrétisée en béton). Le marché avait recouvert les gens en gros, à présent il les recouvre en gros et en détail.
La télé et Star Wars d'un côté, de l'autre de gros paquets de capital donnés à des gens qui n'ont  pas fait  vingt films ni même dix, pour qu'ils racontent presque librement ce qu'ils ont sur le coeur.
Remarquez que s'ils arrivent à le raconter vraiment, on les fait disparaître. Mais remarquez que la plupart de ceux qui disparaissent, c'est pour d'autres raisons ( tous les papillons ne sont pas Socrate), et c'est bien fait. De toutes façon c'est bien fait. Et un bienfait n'est jamais perdu.
JP-Manchette 
Les Yeux de la momie
(Rivages- 1997)
C'est bien là le fond du problème. Nous devons subir les divagations de l'un ou l'autre, pester devant le pastiche débile, les cadres qui n'en sont pas, les intrigues à deux sous et la bande son, uniquement pour sanctifier l'auteur! Car le cinéma est Art. L'auteur réfléchit. Sa vision est sensée nous éclairer, nous guider, nous, pauvres brebis sans âme ni intelligence.
Ainsi, nous apprenons, ébahis, tremblants de fièvre, que le pouvoir est généralement détenu par des hommes ambitieux et corrompus ou qu'il existe des êtres humains qui maltraite les enfants!
Dieu que ce monde est laid..


jeudi 24 mai 2012

Cannes-camelote




Dans le grand nombre de personnes qui s'occupent de la production et de la distribution des marchandises culturelles, il y a seulement un certain nombre d'employés à la création, qui d'ailleurs ne créent rien; et parmi ceux-ci il y a des gens qui font fonction d'artistes; ils sont nombreux dans les genres anciens qui ont été effectivement artistiques en leur temps (romanciers, compositeurs de musique, artistes peintres etc.); ils sont plus rares dans un genre industriel comme le cinéma, quoique la fameuse "politique des auteurs" ait proposé non sans un certain succès de valoriser cette branche en attribuant systématiquement la qualité d'artiste à tout contremaître sachant contremaîtriser.
JP.Manchette ( Les Yeux de la momie-Chronique de cinéma) Rivages.