Le prochain
numéro de l’excellent noir-magazine L’Indic sera consacré au cinéma. Vous
aurez la chance d’y découvrir quelques beaux articles sur le film noir, sur les
différentes adaptations de nos romans préférés et des tonnes d’autres informations
distillées par mes talentueux confrères. Alors, abonnez-vous ou menacez votre
libraire s’il ne vend pas encore ce précieux bréviaire. (1)
Puisque nous
avons un petit moment, revoyons ensemble quelques beaux polars, réalistes et
violents à l’américaine, tournés dans notre beau pays.
Ecartons
volontairement les Fantomas, Rouletabille et autres adaptations
de Sherlock
Holmes pour nous concentrer sur La nuit du Carrefour de Jean Renoir.
Dans ce film de 1932, adaptation du roman de Georges Simenon, la fameuse « atmosphère »
du Noir est déjà présente. Dès les premiers plans du film, qui situent l’arène
du drame, le fameux carrefour, justement, nous avons l’impression de plonger
tête la première dans une nébuleuse inquiétante et morbide. Les personnages,
tout aussi troubles que le ciel fuligineux, ont tous l’ombre lourde. Dans le célèbre Quai des brumes de Marcel
Carné-1938, adapté par Jacques Prévert d’après le roman de Pierre Mc Orlan, même
ciel, même atmosphère. Mais dans cet ilot du
bout du monde, ce sont bien les personnages qui nous réjouissent. Ils ont la puissance passionnelle des personnages
de James M. Cain, par exemple. Ce Gabin-déserteur est le frère siamois du
vagabond du Facteur sonne toujours deux fois. L’homme n’a ni passé, ni
avenir et ne peut qu’avancer sans but réel, dans le brouillard, vers une fin
tragique. Il faut noter également que dans cette œuvre, ce sont les « méchants »
qui s’en sortent : prouvant une fois de plus que le héros ne peut
redresser les torts d’un monde qui s’écroule.
Gabin
toujours quelques années plus tard avec le non moins célèbreTouchez
pas au grisbi de Jacques Becker (1954) d’après Albert Simonin. L’action
se déroule au sein de ce que l’on nommait le milieu, ou la pègre. Destins tragiques
d’un trio de truands en fin de carrière, le spectateur de l’époque découvrait «
ces anti-héros », mis en scène par un auteur dont le choix évident de privilégier
les hommes au « folklore » avait de quoi surprendre.
Hop !
Un grand bond pour parler du magnifique Série Noire d'Alain
Corneau (1979) adapté par le facétieux poète Georges Perec d’après A Hell
of a woman, de Jim Thompson. Rarement une adaptation aura été aussi
réussie et intelligente. Le roman contient tous les ingrédients de l'univers
Thompson : le manque d'identité, de réussite sociale, d'amour. C'est un
roman sur le destin contrarié d'un homme trop tendre pour
s'imposer dans le monde implacable qui l'entoure. A peu près tous les romans de
Thompson ont la même ligne dramatique.
Bien loin des faiseurs qui tentent sans succès de singer les productions américaines, Perec transforme l'oeuvre tout en gardant les éléments constitutifs qui font sa noirceur originelle.
Dans un premier temps, il transpose l'action dans une banlieue incertaine peuplée par des exploités et des marginaux. Dans ce décor sinistre sans aucune couleur ni relief, les personnages ne luttent plus, la lutte des classes étant remplacée par l'action individuelle forcément désespérée. Pour exemple, voyons la scène d'introduction du film. Franck, le personnage principal, apparaît au centre d'un terrain vague ou flottent les divers résidus de la société. Autour de cette arène, on peut voir l'autre société (celle qui avance en broyant tout sur son passage) : les grues de construction et l'enseigne du centre commercial voisin. Puis, Perec met en place le personnage du méchant (le patron, et son adjuvant l'inspecteur de police) qui exploite sans scrupules les minorités : immigrés, chômeurs, vagabonds et personnels serviles dont Franck est l'archétype.
Ensuite, il adapte le langage en donnant au personnage et à ceux qui l'entourent, un parlé stéréotypé, sans aucune âme, composé d'expressions populaires, de locutions et de paroles de chansons populaires elles-aussi. Ces chansons forment l'insupportable bande-son du film. Il faut noter aussi que le patron (exploiteur) ne parle pas comme les exploités. Son langage est soutenu et il emploie même des expressions comme "c'est vraiment coquet chez vous".
Enfin, il ne se substitue pas à la tradition de la femme fatale dont le rôle consiste à sauver le héros mais, vous l'avez deviné, contribue plus à sa chute.
Le travail d'adaptation est brillant. Nous ne sommes pas en Amérique pourtant les points forts du roman noir sont bien présents, bien loin des poncifs rebattus des séries sensées nous faire frissonner.
La seconde bonne pioche du réalisateur c'est bien entendu d'avoir choisi Patrick Dewaere pour incarner le personnage principal.
Bien loin des faiseurs qui tentent sans succès de singer les productions américaines, Perec transforme l'oeuvre tout en gardant les éléments constitutifs qui font sa noirceur originelle.
Dans un premier temps, il transpose l'action dans une banlieue incertaine peuplée par des exploités et des marginaux. Dans ce décor sinistre sans aucune couleur ni relief, les personnages ne luttent plus, la lutte des classes étant remplacée par l'action individuelle forcément désespérée. Pour exemple, voyons la scène d'introduction du film. Franck, le personnage principal, apparaît au centre d'un terrain vague ou flottent les divers résidus de la société. Autour de cette arène, on peut voir l'autre société (celle qui avance en broyant tout sur son passage) : les grues de construction et l'enseigne du centre commercial voisin. Puis, Perec met en place le personnage du méchant (le patron, et son adjuvant l'inspecteur de police) qui exploite sans scrupules les minorités : immigrés, chômeurs, vagabonds et personnels serviles dont Franck est l'archétype.
Ensuite, il adapte le langage en donnant au personnage et à ceux qui l'entourent, un parlé stéréotypé, sans aucune âme, composé d'expressions populaires, de locutions et de paroles de chansons populaires elles-aussi. Ces chansons forment l'insupportable bande-son du film. Il faut noter aussi que le patron (exploiteur) ne parle pas comme les exploités. Son langage est soutenu et il emploie même des expressions comme "c'est vraiment coquet chez vous".
Enfin, il ne se substitue pas à la tradition de la femme fatale dont le rôle consiste à sauver le héros mais, vous l'avez deviné, contribue plus à sa chute.
Le travail d'adaptation est brillant. Nous ne sommes pas en Amérique pourtant les points forts du roman noir sont bien présents, bien loin des poncifs rebattus des séries sensées nous faire frissonner.
La seconde bonne pioche du réalisateur c'est bien entendu d'avoir choisi Patrick Dewaere pour incarner le personnage principal.
Cet
inventaire forcément sélectif s’arrête ici (j’ai écrit que nous avions un petit
moment à passer ensemble, pas une après-midi complète !) Vous pouvez
découvrir dans ce blog quelques lignes sur les deux ou trois rescapés de la
monstrueuse production de films se voulant noirs.
Et le voilà
qui retourne vers le vaste monde pourri, avec sa morale, son idéal.
Julius Marx