mardi 3 décembre 2013

Comme la lune


Bon, c'est vrai que Joël Séria est le réalisateur de Mais ne nous délivrez pas du mal et Les galettes de Pont-Aven. J'ai vu le premier, un samedi soir, dans une petite salle surchauffée et bourrée de militaires (ou de militaires surchauffés et bourrés, je ne me rappelle plus très bien.) La seule chose dont je me souviens, c'est que nous n'étions que trois soldats à soutenir mordicus le film, à la sortie. Le même trio que les distingués troufions avaient traité de tapettes à cheveux longs, dans la longue file d'attente qui menait au génocide capillaire. Ensuite, j'ai fait comme tout le monde en fréquentant assidûment les salles d'arts et d'essais, histoire de me documenter sur les moeurs des amerloques, japonais ou autres suédois et il  faut bien admettre qu'à cette époque, il y avait beaucoup plus d'essais que d'art véritable.
Je n'ai donc vu les galettes que beaucoup plus tard, à la télévision. De ces deux films, nous ne parlerons pas ensemble. Attardons nous plutôt sur ...Comme la lune , un véritable concentré du style Séria.
La politique de la maison, c'est d'abord les acteurs. Marielle, bien entendu, mais aussi et surtout la gente féminine ; ici, la magnifique Sophie Daumier ne parle pas, elle minaude, elle ronronne, elle miaule. Et puis, la palette des acteurs de complément, ces magnifiques éternels second ou troisième rôle qui, dans les films de Séria se contentent de jouer juste en balançant leur dialogue comme de vrais uppercuts  à la mâchoires des spectateurs hilares. Evidemment, c'est ce dialogue qui nous transporte dans la fiction. Même si le monde de Comme la lune est caricaturé à l'extrême, si les détails aussi bien décoratifs que vestimentaires (ah! la moquette rose autour du rétroviseur!) sont soigneusement mis en valeur, tout est rigoureusement et cinématographiquement Juste. La grande différence entre un vrai dialogue et une suite de bons mots, c'est bien entendu sa crédibilité. De cette façon, le personnage de Marielle ne cesse de débiter des atrocités ou de monstrueuses conneries dans une  joie et une allégresse communicatives.
On peut, par exemple, entendre ces deux répliques :
-Tu vois, si tu me doublais un jour, je te désosserai comme un gigot.
-J'adore quand tu me dis des trucs comme çà, ça me donne la chair de poule.
Ce cinéma-là est  méchant, roublard, populaire, vil, lâche, grivois, jubilatoire et donc: indispensable.
Vive la France!
Vive Joël Séria!
Rompez les rangs!
Julius Marx

jeudi 28 novembre 2013

Un honnête homme




Dans La vie d'un honnête homme de Sacha Guitry (1953) il est question de coeur et de lutte des classes.

Albert et Alain Ménard-Lacoste sont frères jumeaux. Le premier a réussi dans la vie : il est devenu un bourgeois riche et respectable mais, évidemment méprisé de tous. Le second a réussi sa vie. Pauvre, mais riche de souvenir et entouré d'amis: le bougre ne regrette rien! A la mort subite d'Alain, malade du coeur, Albert a l'idée saugrenue de changer de peau et donc de vie. Plongé dans l'intimité des masses laborieuses, le patron va connaître la solidarité, l'entraide, le partage. Il comprend que pour recevoir ; il faut donner. Ce conte de la bourgeoisie pourrait faire sourire si le texte poétique n'avait le malin pouvoir de transformer le vaudeville en drame marxiste populaire.

Devenu l'autre, le bourgeois double le salaire des ouvriers de ses usines, déshérite sa femme et sa fille et expédie son rejeton au turbin!

Côté narration, il faut reconnaître que Guitry avait déjà inventé le Point of View ( la vision si vous préférez) omniscient. Il se place délibérément au-dessus et dénoue lui-même les fils du récit en intervenant même par la voix quand l'action le demande. C'est bien lui, et lui seul, qui a le premier et le dernier mot d'une histoire qui lui appartient totalement.

On peut seulement regretter que le Maître,qui avait déjà manifestement compris pas mal de choses sur l'industrie cinématographique, n'ai pas pu (ou voulu) profiter un peu plus du pouvoir de l'image. Bref,à l'étonnante maîtrise de la narration et à la perfection de la direction d'acteur, il manque parfois un vrai beau gros plan ou un travelling, par exemple, dans la scène de fin de La vie d'un honnête homme, lorsque Albert disparaît dans la nuit pour ne plus jamais revenir.
Il y a aussi dans le film une très belle chanson chantée par Mouloudji dont voici les paroles :


La vie est une douche écossaise
Et ça dit bien ce que ça veut dire
Sitôt qu'une chose vous fait plaisir
Faut qu'il y en ait une qui vous déplaise !
Mais bien que ce soit à mon avis
Comme une espèce de complot
On ne peut pas passer sa vie à s'foutre à l'eau.

Le mardi soir une femme vous aime
Le mercredi elle ne vous aime plus
Quand a savoir ce qui lui a déplu
Elle n'en sait rien sans doute elle-même
Mais bien qu'elles soient toutes des girouettes
Et que nous soyons tous des nigauds
On ne peut pas passer sa vie à s'foutre à l'eau.

Y a les amis, y a la famille
Mais faut pas en avoir besoin
Quand aux copains dès qu'on est loin
Sont les premiers qui vous torpillent
Mais bien qu'il y ait tant de méchants
Qui vous envient et de salauds
On ne peut pas passer sa vie à s'foutre à l'eau.

Et plus que les autres, il y a soi-même
Sur qui on ne peut guère compter
Et l'on finit par récolter
Toutes les sottises que l'on sème
Mais bien qu'on soit son pire ennemi
Dégoûté de soi et de son lot
On ne peut pas passer sa vie à s'foutre à l'eau
à s'foutre à l'eau.



Et après çà, comment pourriez-vous me mépriser?
Julius Marx

dimanche 24 novembre 2013

Cause toujours... tu m'interresses

En "hommage", un article de l'année dernière.

Il fait froid.
Le petit lopin de nature à côté de chez vous ressemble au Sud-Vietnam après que l'oncle Sam a balançé son  agent Orange. Votre femme n'est pas encore rentrée de son séminaire bouddhiste  " Avancer sur la voie de la délivrance". Vous avez pris la précaution de sortir le chien pendant le 2O heures et le fils révise sagement ses devoirs.
Rien d'autre à faire que de se taper le film du dimanche soir sur France 2.
Pour cette soirée la chaîne de la culture a choisi de ressortir  un vieux truc en noir et blanc, histoire de faire un peu d'Audimat. On pourrait d'ailleurs se demander pourquoi ces distingués serviteurs de l'Etat et de l'exception culturelle française n'ont pas opté pour l'une de ces productions  subventionnées avec vôtre redevance. Mais, ne cherchons pas le mal partout et asseyons-nous plutôt dans vôtre canapé Ikéa.
Vous regardez donc Les tontons flingueurs du gentil organisateur Lautner.
Mal foutu, mal cadré (quelquefois même tremblotant, si... si) mais, tellement pittoresque.
Le coup de génie du film, ce n'est pas son scénario hésitant et brouillon, ni son unique thème musical développé à l'extrême, mais bien ses personnages.
Ces gentils gangsters, arrières grands-parents de Tony Montana, qui , foulant des deux pieds le code de déontologie  de leur profession , n'hésitent pas à  déblatérer, vitupérer, fulminer ou invectiver.
Et les porte-flingues, les demi-sel ou les caïds de balancer  thèses , synthèses anti-thèses et conclusions comme des immortels du Quai  Conti ou des sommités de la Sorbonne.
C'est bien cet évident  décalage qui surprend dans un premier temps et qui finit par provoquer l'hilarité tant il est anachronique.
Personne ne venant jamais s'interposer pour leur demander de penser un peu plus à l'action et moins à la parlotte,  les bavards remettent même plusieurs couches d'un épais crépi sur l'édifice.
Qu'importe, on se poile, et c'est bien là l'essentiel. Et puis, le noir et blanc, c'est l'époque de l'unique chaîne, de Madame Mado, du carré blanc, des speakerines à fortes poitrines et choucroutes capillaires, un monde sans exception culturelle, sans ordinateurs, sans problèmes de couples, sans violoncelles !
Allons bon, voilà votre moitié qui revient de son séminaire !
Alors, qu'allez-vous lui répondre lorsqu'elle posera la sempiternelle question : "tu regardes encore ce film?"
Comment lui expliquer ?
Surtout, ne changez pas de chaîne. Ne faites pas semblant de regarder le débat sur les chances d'un compromis à l'UMP...Assumez !
Il vaut mieux passer pour un nostalgique que pour un con.
Julius Marx

dimanche 20 octobre 2013

Kosovo blues



Kosovo blues de M.Valls  ravira les grands comme les petits.
Le sujet est prétentieux, puisqu'il raconte l'aventure d'une jeune collégienne étrangère  qui embarque  toute guillerette dans un bus affrété par l'éducation nationale pour une visite guidée du musée de la Pantoufle et de la Charentaise  et se retrouve finalement dans une ferme du Kosovo, pas contente du tout.
Son road-trip va la mener de surprise en surprise et elle finira même par discuter au téléphone avec le président de la république qui lui apportera des précisions supplémentaires indispensables à propos des pantoufles et les charentaises.
 On comprend assez vite que l'ambition des scénaristes et du réalisateur est bien de démontrer qu'une âme simple et rustique avec son franc parlé a bien le pouvoir de faire réfléchir les grands de ce monde.
On pourrait aussi appeler cela de la philosophie de zinc si le zinc existait encore dans les bistrots.
A la fin de la première partie (l'arrivée à Roissy Charles-de-Gaulle) une grande partie du public (environ 75%) soupire de plaisir en voyant l'héroïne grimper les marches de la passerelle de l'Airbus puis, la tension redescend très nettement pour les séquences suivantes (l'installation à la ferme, la traite des vaches, les courses chez l'épicier, les longues conversations en langue Kosovar.)
L'objet, filmé par toutes les chaines du service public et privé, manque cruellement de cohérence visuelle ; on aperçoit trop souvent le micro dans le champ, l'image est floue, les trop  nombreux plans en caméra-épaule, probablement dans un soucis de plus grande vérité, donnent envie d'aller s'allonger au plus vite.
Côté interprétation félicitons le réalisateur pour avoir déniché cette véritable perle pour le premier rôle. La  jeune collégienne s'affirme de scène en scène jusqu'à devenir une vraie professionnelle de l'image.
 Et que dire des seconds rôles ! Le père analphabète qui marmonne en tirant sur les pans de sa veste de velours sombre, la mère avec un nouveau-né sous chaque bras, les frères et les soeurs alignés sur le canapé recouvert de tissus chamarrés... Oui, tout ceci est nouveau, très frais, vivant.
Mauvaise note pourtant pour les nombreux figurants. Même si certains n'ont que quelques répliques, l'auteur n'avait nullement besoin d'aller déterrer ainsi de vieilles gloires de la politique aux avis très (peut-être trop) tranchés. Leurs interventions restent sans surprise et alourdissent considérablement le récit. Certains en font plus que les chargeurs réunis.
On me dit que le jeune Valls travaillerait sur d'autres scripts. Bien, nous attendons.
Seul petit bémol de ce week-end enrichissant, les sagouins ont supprimé de l'antenne sans aucun avertissement l'émission 13 h Foot pour passer et repasser le film de M.Valls en boucle!
Je suis amer. Je boude. J'en veux au monde entier, et particulièrement au Kosovo.
Julius Marx

jeudi 17 octobre 2013

Greed





Les oeuvres d'art sont d'une solitude infinie et rien moins que la critique ne permet d'y accéder.
L'amour est seul à pouvoir les saisir, les garder, et à se montrer juste envers elles.
Donner toujours raison à vous même et à votre sentiment  contre n'importe quelle analyse, dissertation ou autre introduction de ce genre. Si vous aviez tort malgré tout, l'épanouissement naturel de votre vie intérieure vous amènera  lentement, le temps aidant, à d'autres sources de connaissance. Laissez vos jugements suivre leur développement propre, calme et silencieux ; il doit, comme tout progrès, naître des profondeurs intimes et ne peut être ni contenu, ni précipité.
Rainer Maria Rilke
Lettres à un jeune poète

vendredi 11 octobre 2013

Mélo


Si vous avez lu le texte "Pour ceux de Lampedusa" sur l'autre blog, vous pouvez maintenant visionner un beau film qui se sert de ce sujet.
Grâce aux moyens modernes de communication chacun a la possibilité de piquer quelque part sur Internet, ou même d'acheter le DVD, d'un film sorti en 2005.
Alors, je vous propose  d'aller dénicher au plus vite  Quando sei nato no poi piu nasconderti ( Une fois que tu es né tu ne peux plus te cacher) de Mario Tullio Giordana.
Cuisinez-vous une bonne assiette de pâtes, saupoudrez de parmesan et installez-vous devant votre écran avec votre copine.
Le film est un vrai film puisqu'il est mélodramatique, même si l'intrigue principale est construite à partir du  thème sociétal des réfugiés.  Il nous compte l'histoire d'un jeune garçon plutôt sympathique et passionné de natation qui a la chance de vivre dans une famille équilibrée et à l'abri du besoin.
Non. Mademoiselle, on ne sauce pas son assiette avec du pain !
Où en étais-je?  Ah...Oui, l'intrigue se noue au cours d'un beau voyage à bord du voilier du papa. Le jeune garçon tombe à l'eau ( mais, rappelez-vous, il est champion de natation) et  il survit donc miraculeusement grâce à ses capacités physiques et mentales. Voilà.
Après plusieurs jours, il est sauvé par une barque de réfugiés qui tentent d'aborder les côtes.
 Dans ces conditions extrêmes le  jeune héros va vivre une très belle histoire d'amour mais son éducation sentimentale sera plutôt agitée.
Mais, le plus important c'est que le film ne cherche jamais à être social ou réaliste, il reste mélodramatique  et nous rions sans aucune retenue des critiques qui pensent "qu'il sonne faux".
Nous aimons parce que l'auteur ne coupe jamais dans l'émotion et n'hésite pas à bousculer un peu les idées reçues. Bref, du beau, du tragique, du cinéma.
Qu'est-ce que c'est votre dessert?
Julius Marx



lundi 7 octobre 2013

Lumière



Décidément, ce blog va finir par ne parler que de films vus à la télévision. Eh, bien, voyez-vous je ne peux nier que visionner un film comme Mille milliards de dollars  me fait encore du bien, beaucoup de bien.
Bien sûr, cette histoire d'un jeune journaliste incarcéré  par des tas de vieux en costumes rayés et cravates assorties ( même son ancienne compagne à l'air d'avoir dix ans de plus que lui ) et poursuivi par des méchants capitalistes sans scrupule  peut faire sourire (voir ricaner)  les lecteurs assidus de romans noirs que nous sommes.
Bien sûr, le scénario est un peu bancal et certaines scènes n'ont pas le moindre rapport entre elles, si bien que l'on se demande parfois si elles font bien parties de l'ensemble.?
Bien sûr, d'autres encore sont surréalistes. Que penser de cette scène de conclusion où le couple se retrouve dans le cadre d'une fenêtre ouverte pour admirer une magnifique toile peinte tandis que la cloche de l'église appelle les pénitents?
Bien sûr, la lumière est abstraction et les Zooms avant comme arrière donnent le tournis.
MAIS , il y a Patrick Dewaere .
Cet homme n'avait absolument pas besoin de lumière. Il était la lumière.
Alors, nous sommes encore fascinés par ces quelques face-à-face mémorables. Voyez les confrontations entre le personnage de Jeanne Moreau qui perd peu à peu ses moyens, ou celui joué par Charles Denner qui  baisse les yeux, bredouille et finit par abdiquer.
Aucun personnage n'aura donc le courage ou la force de résister à son sourire.
Comme la plupart des grands interprètes, il donne l'impression de ne pas être présent, de n'être que le spectateur de la confrontation. Pourtant, il reste toujours le maître du jeu, même dans un film comme celui-ci où sa fonction d'archange  redresseur de torts n'est pas vraiment indiscutable.
Et puis, lorsqu'il se décide à parler, à argumenter, ses interlocuteurs (mise à part Moreau et Denner) redeviennent des élèves du conservatoire.
C'est parce qu'il y a beaucoup plus que le seul  travail, il y a le coeur. Un coeur énorme, démesuré. Un palpitant que l'on balance sur la table avant chaque scène, un sacré cadeau pour les grands comme pour les petits.
Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise de plus?
Laissez-moi, je suis las.
Julius Marx

mercredi 2 octobre 2013

Vive le drame !




Attention , cet article est à propos d'une série télévisée française. Il ne contient ni sang, ni scènes extrêmes pouvant choquer la sensibilité des plus jeunes. Son contenu est une apologie du drame (du latin drama, lui-même  emprunté au grec ancien drâma ) qui signifie action théâtrale.
Entrez!  messieurs-dames, entrez !  1 franc aux avant-scènes si vous êtes fortunés, 4 sous au Paradis si vous êtes pauvres ou momentanément gênés.
Et, c'est bien l'action théâtrale qui apporte à la série Un village français son étonnante qualité.
Etonnante, parce que jusqu'ici les différents scénaristes de série s'appliquaient plutôt à gommer cette action théâtrale pour la remplacer par une pseudo-modernité réaliste.
Mais d'abord, pour les septiques qui refusent catégoriquement toute série hexagonale, laissez-moi vous donner un rapide aperçu du contenu de la série.
Nous sommes dans un village français  pendant l'occupation allemande. Grâce à des intrigues croisées, nous découvrons les différentes histoires et trajectoires des habitants.Inutile de vous rappeler, je pense, qu'au coeur de cette époque  pour le moins "agitée" les prises de position et alliances diverses devenaient immédiatement périlleuses.De fait, ces histoires sont bien passionnelles et
 dramatiques, chez les bons comme chez les méchants.
Voyons maintenant ce qui rend tout ceci crédible au sein de ces multiples fictions.
Tout d'abord, il y a les personnages finement construits  avec leurs contradictions, leurs doutes, leurs erreurs. Il faut signaler qu'il n'y a pas de héros à proprement parler et que nos personnages se chargent de l'intrigue chacun leur tour dans un soucis d'équité louable et assurément  novateur (au moins pour une série.)
Et puis, nos héros parlent juste. Pas de "bons mots" ni de littérature débordante, seulement un texte parfait (dans le tragique comme dans la comédie) ou chacun se révèle, se découvre.
Les comédiens, qui ne sont, à l'évidence, ni d'anciens présentateur météo ou  vedettes du stand-up , s'appliquent à laisser s'exprimer leur personnage sans avoir besoin d'employer les grands moyens.
Côté image, les plans sont assez simples (nous avons tout de même repérés quelques travellings audacieux) les cadres précis, et l'ensemble harmonieusement coloré.
Et puis, surtout, on laisse le temps nécessaire à la scène pour se développer. Il y a même des chutes !
A côté des principales séries où les scènes conflictuelles clipées ressemblent plus à des débats télévisés, c'est assez surprenant, certes.
Ensuite, je n'ai pas eu le courage de regarder le Soir 3. Trop dramatique.

Julius Marx













vendredi 27 septembre 2013

Dortmunder





Avertissement :  cet article est purement fictif et jouissif et ne s'adresse  qu'aux fans de  John Dortmunder

Voici, à mon sens, le casting du film  Putkin's corner  adapté du roman de Donald Westlake  Drowned Hopes (Dégâts des eaux-1990)
Réalisation et scénario : Joël et Etan Coen


Distribution:
John Dortmunder : Brendan Gleeson.
On a pu notamment apprécier cet acteur dans Tailor of Panama (John Boorman ) ou bien encore The Guard (l'Irlandais) de John Michael Mc Donagh.

                                                         
                                                                                 

Dortmunder souriant (rare)
     Andy Kelp : Billy Bob Thornton


Stan Murch : Steve Buscemi

 Judson Blint : Matt Damon
 Tiny Bulcher : Peter Stormare

-Alors, John , qu'est-ce que tu en penses?  
-Hmm, hmm                                                                                      

mercredi 25 septembre 2013

Plateau télé



Regarder la télévision c'est sympa, surtout les pubs. On apprend par exemple qu'une jolie voiture porte le nom d' Etron. Pour une fois, les types de la com sont tombés pile dedans.
Mais, c'est vraiment difficile, pour ne pas dire impossible, de supporter ces drôles de clips filmés entre deux publicités.
Sur une autre chaîne, réputée plus sérieuse et hautement intellectuelle, une journaliste nous explique pourquoi il faut absolument regarder (ou revoir) le Plein Soleil de René Clément.
Le propos est confus et, à part le fait que la dame avoue frémir de désir devant les pectoraux de Delon, je ne pige pas grand chose à son discours.
Bon, René Clément réalise ce film en 1960. Dans cette même année, John Cassavetes tourne Shadows et deux ans plus tard, Kurosawa nous fait cadeau de Tangoku to Jigoku (High and Low).
En  soulignant ce cinéphilique rappel chronologique, c'est à mon tour de frémir. (1)
Le film est une adaptation du talentueux Mr Ripley de Patricia Highsmith qui nous raconte le parcours d'un jeune homme manifestement perturbé qui assassine son petit copain milliardaire  et finit par usurper son identité.
Vous l'avez compris, l'intrigue est beaucoup plus psychologique que celle d'Un idiot à Paris ou Les Charlots font l'Espagne. Alors, notre René  décide de traiter tout cela avec  tout un tas de gros plans et pas mal de petites choses saugrenues dont nous allons parler maintenant.
Dès les premières scènes, nous découvrons les deux personnages  en goguette dans la capitale italienne.
S'ils sont bien présentés dans leur fonction, nous ne les trouvons pas si différents l'un de l'autre. Nous nous demandons pendant de longues minutes qui est le riche, qui est le pauvre? Je suis bien conscient que le mimétisme doit absolument exister entre les deux hommes pour rendre tout ceci crédible mais, présentons-les d'abord puis, laissons-les évoluer tranquillement !C'est probablement pour cette raison qu'à la quatrième ou cinquième vision je reste toujours persuadé que les rôles auraient dus être inversés.
Delon, le jeune milliardaire tête à claques et plein aux as, face à Ronet le désabusé.
Ensuite, on ne comprend pas très bien pourquoi ces deux-là se disputent Marie Laforêt, bof...
Côté image, si on reste sages la plupart du temps, on assiste tout de même à quelques dégoupillages étranges; Delon qui décide de visiter un marché ! La caméra est sur l'épaule (souvenez-vous, les années 60, la nouvelle vague, et pendant ce temps-là, Cassavetes..) Et ce gros plan sur une tête de poisson !
Bref, si on ne s'ennuie pas vraiment on trouve tout ceci assez lent et bien trop tarabiscoté.
Nous conseillons donc le film de Anthony Minghella de 1999 ou Matt Damon est bien plus convaincant dans le rôle. Même si, je vous l'accorde, notre Alain a de biens jolis pectoraux.
Chérie, où as-tu encore planqué la télécommande?
Julius Marx

(1) De ces deux chefs-d'oeuvre, nous avons déjà parlé longuement dans ce blog, cherchez... Cherchez.

vendredi 20 septembre 2013

Vieux cinéma

Vieux cinéma 


Nouveau cinéma 


Saisissant, non?
D'un côté un vrai chef-opérateur, des décors, des costumes, et bien entendu des acteurs façonnés pour le factice de ce cinéma-là. De l'autre, un travail constant sur la banalité, sans magie, et avec le secret espoir que la fameuse intrigue (vous savez, celle-la même qui est tirée d'une histoire vraie) va faire le boulot à elle toute seule.
Alors, le faux ou le vrai?
Pas besoin d'un article, non ? Comme d'habitude au cinéma, l'image parle.
C'est pas de la critique sérieuse et appliquée, hein ?
Allez, à plus tard.
Julius Marx

mardi 17 septembre 2013

Pour John




Dans le désormais classique "Qu'est-ce que le cinéma?"(1) André Bazin consacre un long chapitre à l'adaptation cinématographique. Probablement avait-il déjà deviné que la plupart des films produits aujourd'hui seraient issus de romans.
Il faut bien admettre également qu'une large majorité des auteurs actuels n'a pas lu le bouquin de Bazin.
Le critique éclairé conseille (entre autres choses) aux scénaristes de ne pas s'imposer une trop grande fidélité au texte et leur propose d'avoir recours aux moyens propres au cinéma.
Ainsi, une image peut facilement remplacer deux ou trois lignes de texte.
De nos jours, cela peut presque apparaître comme une évidence, pourtant, les bougres n'ont jamais totalement abandonné "le mot à mot"ne se préoccupant que de l'intrigue déjà écrite et des personnages déjà construits.
Dans la tête d'un producteur, le texte qui a rencontré le succès le rencontrera aussi à l'image, ça aussi c'est une évidence. Et pourtant, la grande majorité des adaptations traitées sur les écrans est pauvre, sans aucune vie ni imagination. Fermons le chapitre avec cette phrase encore extraite du bouquin de Bazin :"L'art est une affaire de vision, un cinéaste qui se contente de traiter un roman comme un synopsis poussé restera médiocre quel que soit l'œuvre choisie."
Pour illustrer cette brillante démonstration parlons de deux grands auteurs dont l'oeuvre entière pourrait être adaptée avec un peu plus d'inspiration et de fantaisie : Donald Westlake et Andrea Camilleri.
Dans le dernier Westlake (mon Dieu! est-ce vraiment l'ultime bouquin du maître?) What's so funny? (Et vous trouvez ça drôle?) John Dortmunder livre une sacrée partie d'échecs. Comme à son habitude, Westlake nous livre une structure parfaite et des personnages aussi épais que les vingt-trois volumes de l'Encyclopédia Universalis. Comme d'hab encore, on peut aussi remarquer que l'auteur se préoccupe autant de ses personnages que de son intrigue. On pourrait même en déduire que ce sont les personnages qui priment. Ainsi, le lecteur (l'habitué) retrouve toute la bande de joyeux malfrats avec une délectation jouissive.
Il faut donc en conclure qu'avant toute chose, le scénariste devra impérativement construire John Dortmunder comme un horloger suisse son coucou, un enfant chinois son IPod.
J'ose même affirmer que le choix de l'acteur sera primordial (il l'est toujours, évidemment, mais, dans le cas présent, nous parlons de Dortmunder !)
A mon sens, il est impossible d'adapter les aventures de Dortmunder sans faire la place belle aux personnages. Le challenge, c'est de trouver un mode de récit qui facilite la présentation et le suivi des dits personnages.
Enfin, je sais que c'est un véritable sacrilège, mais il faut absolument renoncer à transcrire à l'image ce genre de phrase : " Tiny occupait le siège arrière un peu comme la Wehrmacht avait occupé la France."
Côté Montalbano, c'est exactement la même problématique. Dans le feuilleton télévisé diffusé en ce moment sur nos écrans, toutes les petites choses qui composent le personnage du commissaire, qui le font exister, sont volontairement gommées au profit de la seule intrigue. Du coup, l'intrigue, ou les deux intrigues mêlées, apparaissent bien pâles. Et ce n'est qu'en toute fin d'épisode que le commissaire redevient Montalbano, mais pour quelques minutes seulement.
Les personnages qui entourent Montalbano (opposants comme adjuvants) ont aussi une fonction propre. Dans les romans, leur rôle ne se borne pas uniquement a donner des renseignements.
Là encore, il faut trouver un mode de récit adapté au rythme de la Sicile et surtout laissez le commissaire manger ses rougets grillés en paix.
A ce propos, vous pouvez lire l'excellent article paru sur ce thème dans le non moins excellent journal "L'Indic"(2)
En résumé, laissez tomber le cinéma, lisez.

Julius Marx


(1) Editions du Cerf (réédité en 1976 puis 1985
Vous pouvez lire aussi un article de la revue Séquences Numéro 8, février 1957, p. 45-46 sur le site Erudit.org

(2) Pour savoir où vous procurer le journal " Fondu au noir.blogspot.com"

vendredi 12 juillet 2013

Le droit du blogueur



Si vous lisez ce blog depuis le début (je salue votre courage et votre ténacité) vous savez que cet espace est un espace de liberté. Au fil des articles et des films dont nous parlons ensemble (j'écris ensemble parce qu'il arrive que certains d'entre vous m'adressent des commentaires. Malgré quelques basses et honteuses provocations aucuns des commentaires n'a pourtant encore basculé dans le genre insultant et méprisant.. Attendons. ) je défends quelques théories, explique une ou deux règles, repère les vils projets et donne,sans rien attendre en retour, le numéro des sentiers de randonnées où il fait si bon se promener.
Avouez que tout cet étalage n'a absolument rien à voir avec ce que l'on nomme généralement la critique.
Je ne distribue pas d'étoiles, j'ai toujours eu en horreur les bons points, et bien souvent préféré le bonnet d'âne.
Au fait, Julius ! Au fait ! Tu veux nous faire signer une pétition ?
J'y viens, les amis, j'y viens.
En visionnant encore une fois, l'autre soir, Le cercle rouge à la télévision française qui, on le sait, privilégie largement la création et l'exception culturelle, je me suis dit que c'était une fois de trop.
Par quoi commencer? Bon, voyons le contenu. Tout ceci est d'une incohérence rare. Rien n'est crédible. Un commissaire principal qui escorte seul un détenu dangereux dans un train de nuit, des types qui pilotent des voitures américaines sur la nationale 7, des boites de nuit surréalistes, une intrigue aussi confuse que l'image etc.
Côté personnages, c'est tout juste si l'on apprend le nom de chacun des types (ceux du train et ceux des bagnoles américaines.) A part Montand, qui serait crédible même dans un film d'Alexandre Arcady, personne ne semble vraiment être à sa place. Si tout ces gens se parlent, c'est sûrement pour se demander si quelqu'un à la plus petite idée du contenu de la scène qu'ils sont en train de jouer. Delon regarde sa montre et fume des Gitanes en serrant les dents, Bourvil  regrette beaucoup d'avoir mangé une mangue trop acide à la cantine.
Tout ceci pour quoi, et bien je vous le demande !
En théorie, pour laisser penser que flics et truands sont du même côté, ce qui explique leur constante proximité, leurs vêtements identiques, leurs habitudes etc..
Heureusement, après le film, j'ai regardé le Soir 3.
Julius Marx



lundi 10 juin 2013

Tommy


The three Burials of Malquiades Estrada de  Tommy Lee Jones est un western classique et moderne tout à la fois.
Classique, parce qu'il respecte les codes du genre en privilégiant la morale. Moderne, parce qu'il a pour ambition  de briser d'autres codes.  Tentons d'analyser un peu tout ça en gardant en tête cette intéressante dualité.(1)
Mais, avant toute chose, je vous colle ici le résumé du film pour ceux d'entre nous qui n'ont pas encore eu la chance de voir le film.
Texas, près de la frontière mexicaine, de nos jours. Un jeune garde-frontière tue par erreur Melquiades Estrada (Julio Cedillo), un vaquero. Après une rapide enquête, son ami, Pete Perkins (Tommy Lee Jones) décide de rapporter son corps dans son village, au Mexique, en obligeant son meurtrier à l'accompagner.

 Dans le western classique, le personnage principal se sert du Mexique ou de ses habitants  comme d'une base de repli, un abri salutaire où des braves paysans le soigne sans poser de questions, pendant que de très belles filles à la longue chevelure brune et bouclée confectionnent des petits pains à la farine de maïs. Mais, les belles filles savent que l'hombre repartira un jour vers ses pâturages, et qu'il  les abandonnera, les deux mains dans le pétrin, après le traditionnel  et chaste baiser  sur leurs fronts brûlants.
Dans Three Burials, c'est du Mexique et de ses habitants que viendra la rédemption. Le jeune garde- frontière va devoir, dans un premier temps, faire lui aussi le voyage dans les mêmes conditions que ceux qu'il avait  le devoir de poursuivre et qu'il brutalisait. Puis, à la fin de son parcours initiatique, son aîné lui accordera le pardon avant de disparaître.
Dans la plupart des westerns le gardien de la morale est un personnage fort, puissant et expérimenté. Son expérience vient du fait qu'il a du traverser un bon nombre d'épreuves. Il se présente comme un des derniers hommes intègres.Sa marginalisation est inévitable puisqu'il survit dans une société qui avance inexorablement vers ce satané progrès qui, on le sait, va rendre les hommes libres et égaux.
Dans le film, si le personnage n'échappe pas à cette règle, il  se présente pourtant comme un homme en fin de parcours (voir le très beau personnage de William Munny de l'allégorique Impitoyable de Clint Eastwood).  C'est un fait ; Pete Perkins n'est pas aussi fort que John Wayne, aussi intelligent que Jimmy Stewart, aussi roublard que Burt Lancaster et aussi bon que Gary Cooper. Bref, il fait partie de la famille de Rooster Cogburn , le Marshall de True Grit des frères Coen (2), et ne sera jamais invité dans celle d' Ethan Edwards  à partager le gâteau à la citrouille, un bel après-midi ensoleillé de printemps.
Voyons aussi le rôle important des femmes dans ce film. Dans une structure classique, ces dames sont bien souvent cantonnées au rôle ingrat de  destinataire ou destinatrice. C'est à dire qu'elles provoquent ou recueillent la réaction du héros. Dans Three Burials, elles agissent et leur parole compte. Nous remarquons également qu'elles sont émancipées (l'une d'elle va même jusqu'à vivre trois aventures avec trois hommes de la même ville).
Achevons ce brillant exposé avec un simple constat : le monde  où vit  Pete Perkins est  un monde d'obèses,vulgaire et affreusement individualiste. Dans celui d'Estrada, de l'autre côté de la frontière, il subsiste encore quelques valeurs comme la solidarité, la compassion  ou le partage.
 Bref, l'un rêve encore, l'autre plus du tout. C'est peut-être pour cette unique raison  que l'image "Texas" est volontairement laide et  la partie "Mexique" beaucoup plus léchée?  Nous ne pouvons l'affirmer.
Bien, je vous avais promis de m'occuper de films intéressants, c'est fait.
Julius Marx
(1) Nous devrions tous nous exercer quotidiennement à garder en tête d'intéressantes dualités, ceci éviterait, à n'en pas douter, de nombreux fiascos comme les campagnes électorales, par exemple.
(2) Voir article sur ce blog. Je pense aussi au film Lone Star de l'excellent et fort méconnu John Sayles.

mercredi 5 juin 2013

Noir



38 témoins est un film noir intéressant, même si on peut relever çà et là quelques touches psychologiques post-nouvelle vague irritantes.
Oui, intéressant et noir tout d'abord grâce à l'image de Monsieur Pierric Gantelmi d'Ille dont à ma grande honte je ne sais rien.
L'un des éléments important d'un film noir c'est d'abord son atmosphère particulière, ses décors, son ambiance générale (mais, si, vous le savez bien, la nuit, les pavés mouillés, les réverbères cassés etc.)
Dans ce film, le réalisateur Lucas Belvaux ( sur lui,  je sais pas mal de choses, notamment qu'il est l'auteur de la très originale trilogie composée d'Un couple épatant , Cavale et Après la vie ; trois films au départ indépendants et de genre dramatique différent  mais dont les actions s'entrecoupent pourtant. On peut même assister à la rencontre de plusieurs personnages, un peu à la manière du grand USA de Dos Passos, côté roman) a donc choisi de situer son histoire dans une rue du Havre, ville cinématographique s'il en est (voir article sur Le Havre de Kaurismäki dans ce blog) et le moins que l'on puisse dire c'est que ça fonctionne magnifiquement bien.
Dans ce décor ouvert sur la rue principale où un crime vient d'être commis , chacun observe chacun dans l'ombre ou dans la lumière. Mais, personne ne parle. On se contente seulement de déposer quelques bouquets sur les lieux même du crime en regrettant ce monde si injuste et cruel.
Tout ceci est magnifiquement noir.  Les deux protagonistes du drame ( un homme qui finit par témoigner, rongé par la culpabilité, et sa compagne) tentent désespérément d'échapper à leur destin. Mais, on le sait ( mais si, vous le savez) dans un film noir personne n'échappe à son destin.
C'est triste. Très triste.
Julius Marx

vendredi 31 mai 2013

La recette du bon thriller



Pour faire un bon thriller à la française, il est très important de travailler à partir d'une histoire vraie, d'un fait-divers lu dans la presse ou déniché sur le net. Pour mettre le maximum de chance de votre côté, vous pouvez également vous procurer le Vu à la télé américaine, qui apportera, à n'en pas douter, une certaine classe à votre recette ainsi qu'une touche exotique.
Ensuite, vient le temps du choix des acteurs. Pour l'actrice principale, veillez bien à engager une femme ordinaire, reconnue pour ses qualités de femme ordinaire. Nous conseillons Catherine Frot, par exemple, car, à l'évidence, elle n'est pas Gene Tierney. Pour les rôles secondaires (ceux du mari, du père, de la mère et de la copine de la femme ordinaire)  vous trouverez certainement votre bonheur dans tous les bons super-marchés.
Il est temps maintenant de passer à la mise en scène.
La règle dans le genre c'est de ne surtout pas laisser le chef opérateur s'exprimer. Rappelez-vous que vous fabriquez un produit standard qui doit plaire à la ménagère, au mari de la ménagère , à son père, sa mère et à sa bonne copine. Alors, pas de plans compliqués trop ou pas assez exposés, ni de gros plans et jamais de profondeur de champ (trop complexe). Le cadre  doit être toujours large. Privilégiez, par exemple, les aller-retour en voiture en ville : la femme ordinaire sort du parking , la femme ordinaire rentre chez elle, la femme ordinaire va chercher son fils à l'école etc..
Attention surtout à ne pas enchaîner les plans trop vite; l'ensemble doit être long... Très long.
Pour la touche finale, nappez le tout d'une épaisse couche musicale (violoncelle, par exemple, qui renforce le contenu dramatique et angoissant.)
Bon, maintenant il est grand temps de passer à la dernière étape de la recette : la promotion et la  vente.
Pour la promotion, assurez-vous le concours de critiques qui ne manquerons pas de comparer votre produit à un film d'Hitchcock (faites l'étonné et assurez que vous n'êtes qu'un petit artisan à côté du maître du suspens.)
Enfin, avant la diffusion à la télévision , engagez un présentateur zélé (tête de gondole) qui doit être capable d' expliquer la définition de l'adjectif thriller.
Servez. Dégustez.
Note : ne présentez jamais votre film à un vieux type très ronchon comme Julius. Il serait capable de le comparer à Péché Mortel de John Stahl ou les Diaboliques de HG Clouzot. Des films où les personnages ne sont pas ordinaires, un comble !
Julius Marx

vendredi 10 mai 2013

Franche rigolade


Vous connaissez tous, bien sûr,  L'éléphant qui se trompe de Paradis, ou l'inverse, je ne sais plus, ce film et sa suite, du talentueux Yves Robert (oui, je sais, tout ceci n'a pas vraiment l'air d'une syntaxe irréprochable, mais c'est l'éléphant qui me trouble.)
Si le scénariste Dabadie et son réalisateur choisissent la franche rigolade pour donner la possibilité à une bande de copains de zinc, d'échanger leurs impressions sur le fameux malaise des quadragénaires, il faut souligner que le même Dabadie, toujours lui, remettra le couvert avec Claude Sautet, mais cette fois dans le registre dramatique, et toujours entre copains de zinc. Les uns sont torturés et le montre, les autres préfèrent, jouer,s'esclaffer.
Evidemment, dans ces  belles années 80 profondément giscardiennes, celles de Danièle Gilbert, du Schmilblick et des épiciers Félix Potin,  le bon docteur viennois Sigmund  a  déjà installé nombre de succursales de son petit commerce  (tout comme Félix, voyez-vous, mais pas dans les mêmes quartiers, certes.)
Alors, chez les rigolos, le matériel est celui du théâtre dit "de boulevard". Le mari est trompé, ou se croit trompé, les quiproquos dégringolent, les placards s'ouvrent, se ferment, les dialogues claquent. Il faut noter au passage que ces dialogues sont beaucoup plus riches et travaillés que ceux d'un Audiard, par exemple, trop souvent loué et qui ne faisait "que" des bons mots. Je suis sûr que vous n'avez pas oublié le bon docteur de Vienne; les scénaristes non plus et c'est heureux. Le vaudeville s'enrichit d'un soupçon d'amour libre, d'un homosexuel qui se marie (déjà!) et d'un personnage féminin qui décide elle-même de congédier son amant d'un soir comme un mal-propre, un comble!
Et pendant ce temps-là, dans les ruelles du quartier Latin, les sérieux ont les mêmes problèmes, ah?, bah oui, forcément! Les femmes voluptueuses et philosophes s'en vont, puis reviennent et repartent.
Le social devient critique sociale. Les hommes souffrent, coupent du bois, et se demandent ce qu'ils ont bien pu faire de leurs jeunes années.
Dans les deux cas, on finit par se rassembler autour d'une bonne table (en ce temps-là, c'était encore possible.)
 Quand Yves Robert choisit de filmer le groupe avec le recul qui s'impose, en plaçant sa caméra, détachée de l'action, en position d'observateur privilégié, Sautet opte pour le rapprochement, pour mieux filmer l'inévitable l'affrontement.
Mais non, j'suis pas nostalgique, je fais juste un peu d'anthropologie.
Au secours ! Il est devenu fou.
Julius Marx


lundi 6 mai 2013

Poilade


Dans Night and Day , le réalisateur James Mangold s'amuse à empiler les clichés du film d'action comme un château de cartes. Cet homme dirige en véritable despote une belle entreprise de démolition avec, dans le rôle des cadres, Mr Cruise et Me Diaz. Le résultat est amusant, surprenant même. L'ensemble des salariés de la boite se montre à la hauteur de sa tâche et nous ne pouvons qu'applaudir (c'est si rare) en découvrant, par exemple, cette très belle poursuite entre voiture, moto et taureaux lâchés dans les ruelles d'une improbable ville espagnole.
Ce film dépasse de très loin les multiples expériences parodiques du genre déjà tournées et nous n'avons pas peur d'affirmer que cette camelote est de tout premier choix.
La raison de ce succès? Dans un premier temps, c'est bien entendu du côté de l'acteur principal qu'il faut la chercher. Cruise se situe à la fois dans son emploi et dans son contre-emploi (idem pour Diaz la blonde à grosse bouche). Le tandem passe son temps à détruire plus qu'à construire. De "sérieux", il ne subsiste tout au plus que des accroches de scènes  entièrement piquées dans les pages du catalogue action des grandes maisons de vente et diffusion par correspondance. Et pour le reste? demandez-vous, incrédules, en fronçant les sourcils . Hé bien, mes amis, sachez que tout n'est qu'énorme poilade. Par exemple cette intrigue construite (si on peut dire) à partir d'un Mac Guffin de référence. Ici, les bons et les méchants ne se battent pas pour une statuette ou un énorme diamant, mais pour un petit (un tout petit même) prototype de pile révolutionnaire mis au point par un ado boutonneux et  qui s'autodétruira de lui-même dans la désopilante scène du duel final!
La cerise sur le cheese-cake, c'est aussi les nombreuses références cinéphiliques que les auteurs s'amusent à glisser çà et là. Ainsi , le message laissé sur la vitre d'un compartiment qui ré-apparaît miraculeusement, parodiant le fameux The Lady vanishes de Sir Alfred, grand maître incontesté de la poilade.
Ironie destructrice donc dans cette parodie, qui n'est pas sans rappeler le magnifique et subversif 1941 de Spielberg.
Si vous préférez que le spectacle se prenne au sérieux, surtout,  ne lisez pas ces pages.
Sans rancune.
Julius Marx 

jeudi 2 mai 2013

La tête de l'emploi



Dans le cinéma français d'avant ( celui des scénaristes et du noir et blanc, bref, celui des années précédant la pénible révolte bourgeoise des années soixante) lorsque le réalisateur d'un film de cape et d'épée criait à ses assistants : "je veux un nain, là-bas, dans le coin gauche, près de la colonne et des trois ménestrels" les assistants envoyaient d'autres assistants, fissa, au domicile de Piéral , histoire de proposer au comédien un cachet ou deux. Si encore un autre exigeait que l'on remplace sur le champ le type qui jouait le rôle  du fourbe par un autre plus chevronné, c'est à la porte de l'ignoble Guy Delorme qu'ils allaient frapper. Et enfin, si un dernier demandait :" quel est l'imbécile qui a engagé cet aubergiste?", un stagiaire téléphonait à Robert Dalban ou Marcel Pérès en leur demandant de se pointer en quatrième vitesse au studio.
Ces hommes là avaient ce qu'on appelle "la tête de l'emploi" ou" une gueule" et les spectateurs devinaient tous à la seconde précise où ils apparaissaient sur l'écran le rôle et la fonction de ces personnages. Facilité. Dites-vous?  Eh bien oui, précisément. Mais, demandez-vous plutôt ce qui était important pour le réalisateur :  tenter de revaloriser la fonction d' aubergiste ou faire progresser son intrigue ?
Aujourd'hui, dans notre monde marchand où l'intrigue n'est plus qu'une petite flamme,  une flammèche qui dure à peine le temps d'une bande annonce, il semble qu'une grande partie des produits filmés ne se construise plus qu'avec  un ou deux personnages outrageusement caricaturés et pas grand chose d'autre.
Ainsi, lorsqu'il nous prend l'envie d'aller faire un petit tour De l'autre côté du périf  nous ne voyons s'agiter que deux prototypes de flics grotesques (l' un est de la banlieue, l'autre d'un beau quartier),  dans une histoire qui se décompose au fur et à mesure de la progression de leur enquête.
On devine pourtant qu'Omar Sy pourrait jouer autre chose et d'une autre façon et que son partenaire serait fort capable de lui donner la réplique.
Bref, après Omar pousse un fauteuil roulant, voici maintenant Omar devient flic.
Mais, tout ceci est évidemment de notre faute. Aller faire un tour en banlieue, je vous demande un peu !
Je propose  au réalisateur de ce produit sans aucun goût ni sel ajouté une reconversion, par exemple, dans le métier d'aubergiste.
Allez, on ferme.
Jullius Marx
Photo : Marcel Pérès et Louis Jouvet dans La charrette fantôme de Julien Duvivier. Remake d'un film de V.Sjöström dont on parlera un de ces jours. Mais, pour ça, il  ne faudrait pas que je passe mon temps à critiquer des films insignifiants. Quelle misère!




















lundi 22 avril 2013

Sanctification



En tournant Micmacs à tire-larigo l'élégant jean-Pierre Jeunet a réalisé un véritable film et une vraie fiction.
Ici, il n'est aucunement question de reproduire la réalité mais de mettre en scène une certaine idée, car l'image ne peut exister sans idée, sans contenu réel.
De ce contenu, nous allons parler plus tard. Mais, tout de suite, attardons-nous sur l'idée première du film qui est, il me semble, une sanctification d'un cinéma dit classique. Ainsi, nous assistons à une accumulation de clichés positifs. Dans le monde du cinéma, cliché n'est pas un mot aussi péjoratif que dans le monde réel. Il est  communément employé pour justifier l'emploi de  syntagmes visuels forts et efficaces qui permettent aux spectateurs de se glisser dans la fiction.  Grâce aux clichés, le spectateur va  se retrouver au centre du drame, sur les lieux même où les  différents personnages  vont devoir s'affronter. Il permettront  également de se faire une idée sur la psychologie des personnages, le genre dramatique choisi et bien entendu l'époque où se déroule l'action.
Sanctification donc, parce que l'auteur n'a pas cherché à dissimuler ses intentions, préférant attaquer de front  en présentant des décors et des personnages outrageusement caricaturés et colorisés.
Ainsi,  le personnage principal, un rêveur employé d'un vidéo-club, est occupé à visionner le Grand Sommeil dont il connait les répliques par coeur. Les personnages secondaires, tous échappés du cinéma des années trente,  remplissent merveilleusement leurs rôles et leurs fonctions et Paris nous est présenté  comme une ville tentaculaire proche de la Métropolis de Fritz Lang.
Enfin, tout ce joli petit monde trouve gîte et couvert dans une sorte de grotte, très proche de la maison de Vous ne l'emporterez pas avec vous, du gentil Frank Capra.
Dans cette  maison du bonheur, on retrouve un créateur d'automates, un homme-canon, un taulard gracié, une contorsionniste( une vraie comédienne, c'est si rare) , un écrivain débutant, une jeune et fraîche créature et une maîtresse de maison adepte de la vraie purée passée au moulin à légumes.
Côté contenu, les personnages vont tenter de mettre fin aux agissements de deux puissants ( et très méchants) marchands d'armes liés au pouvoir politique.
La critique d'un monde marchand voulant supprimer celui des rêveurs et des idéalistes est évidemment présente mais, on peut y deviner  aussi le combat incessant des empêcheurs de tourner en rond face aux représentants de la pensée unique.
Amusante, agréable, rythmée; la sanctification  est pleinement réussie.
Nous pouvons maintenant retourner aux affaires courantes.
Julius Marx

lundi 15 avril 2013

Populaire , vous dites?


Il semble que ce mois tout entier soit consacré à fêter les quatre-vingt ans de Jean-Paul Belmondo.
Après tout, c'est plutôt logique si on jette un coup d'oeil sur le nombre de personnages joués et le gros travail de production IN et OUT de la star française.
Je suis sûr que vous avez tous déjà vu cet extrait émouvant et drôle d'un jeune Belmondo, interrogé dans les années soixante, imitant le grand Michel Simon. En regardant  hier après-midi l'émission spéciale autour du magnifique je me suis dit que le jeune homme du passé avait maintenant la voix et la trogne de son illustre prédécesseur.
Impossible aujourd'hui d'y retrouver cet air frondeur si particulier et ce sourire à peine esquissé, véritable marque de fabrique de l'acteur que les plus chanceux d'entre nous avaient  pu découvrir, par exemple, quelques années plus tôt, chez le déjà bondissant  et merveilleux Gérard Philipe dans son Fanfan la Tulipe.
Cette subtile et moderne façon de faire inaugurée au tout début de sa carrière, promenée dans ses films italiens si séduisants et même dans un rôle de prêtre (Léon Morin), n'a jamais cessé de s'épaissir  pour s'achever en quasi-caricature dans les films à gros budgets formatés (jusque dans la typographie des affiches) des années quatre-vingt.
Un seul film échappe pourtant à la règle, je pense, il s'agit d'Un Singe en Hiver. Comme si le jeune homme d'alors, impressionné par la carrure de Gabin le Patriarche, avait inconsciemment  décidé de rester en retrait en laissant  de côté ses petites manies.
Dans cette émission le mot populaire est aussi revenu à maintes reprises.Et le présentateur zélé de citer les grands faiseurs du cinéma d'avant qui, on le sait, était vraiment du cinéma !
Quel plaisir également d'apprendre de la bouche du gentil Guillaume Canet son admiration pour le Professionnel. On comprend maintenant un peu mieux le sens caché de ses propres films.
Mais qu'est-ce qu'un acteur populaire: quelqu'un qui rassemble ? Certainement.
Je me rappelle avoir assisté à une formidable séance de cinéma dans une salle en plein air sur le continent africain. A cette époque, l'espace était divisé en trois parties bien compartimentées. On trouvait dans un premier temps, de simples bancs de pierre situés tout près de l'écran, puis  plusieurs rangées de bancs de bois et, enfin, des chaises (branlantes et quelquefois cassées, mais des chaises tout de même) abritées par un grand toit de tôle ondulée. Au début de la projection, les spectateurs étaient calmes, puis, à   l'apparition de Notre Jean-Paul national, les "rangs de pierre" sautaient de joie, criaient et se mettaient à danser, aussitôt imités par les "bancs de bois". Et, quand une subite tornade  s'invitait pendant la projection, avec son vent d'enfer et une pluie qui martelait la tôle dans une cadence infernale, l'ambiance atteignait des sommets! Qu'importe si le projectionniste se trompait souvent de bobine et qu'il nous arrivait  de voir le dénouement avant la troisième partie.
Un acteur populaire est bien celui qui rassemble les premiers rangs, les rangs intermédiaires et les rangs huppés.
En tout cas, c'est ma définition.
Allez, mon Jeannot, remet nous ça!
Julius Marx


vendredi 12 avril 2013

J'ai peur !



Après avoir inventé  l'adjectif hitchcockien la critique l'a employé, et l'emploie toujours, à tort et à travers.
Aujourd'hui, la moindre petite production de soupe en sachet, ou de pâté pour chats difficiles, sensé faire frissonner le consommateur reçoit illico  l'estampille du maître du suspens. Et puis, juste en dessous de la date limite de consommation, les mentions thriller, polar, shocker, ou que sais-je encore!
Bien entendu, tout ceci est ridicule. Il y a bien longtemps que la plupart des produits exposés en rayons  n'ont plus aucun goût, plus aucune saveur.
D'un film lyophilisé comme Double-jeu de Bruce Beresford, par exemple, nous ne pouvons retenir que quelques scènes d'action rondement menées ou deux ou trois paysages. Des scènes "chocs" écrites pour  faire passer le spectateur de vie à trépas, nous rions de bon coeur en nous frappant les cuisses.
Je pense particulièrement à cet admirable moment de cinéma ou l'héroïne, se retrouvant enfermée dans un cercueil parvient à en sortir grâce au  briquet et surtout au pistolet que son agresseur a laissé, dans un geste chevaleresque,  dans la poche de son pantalon!
Oui mais, alors, qu'est-ce qui fait la différence entre la camelote de luxe et celle d'un magasin low-cost?
C'est une grande question à laquelle nous tentons inlassablement de répondre dans ce blog.
Puisque nous avons évoqué Sir Alfred, parlons de son film Psycho. Dans un premier temps, rappelons-nous de la séquence d'exposition. La première scène nous fait découvrir une jeune femme assez séduisante dans une chambre d'hôtel de seconde zone, accompagnée d'un homme assez jeune lui aussi de type "représentant de commerce". Le couple vient de se livrer à l'acte charnel. Malheureusement, nous arrivons trop tard, et c'est bien dommage. Dans la conversation qui suit, nous comprenons tout de suite la situation; l'homme est divorcé et criblé de dettes. On devine aussi en l'entendant se justifier  qu'il se satisfait  bien de son petit commerce et de ces  cinq à sept coquins (mesdames, méfiez-vous des représentants de commerce et laissez-vous plutôt séduire par des hommes, certes un  peu rêveurs et idéalistes, qui tentent d'expliquer les séquences des grands classiques.)
Notre héroïne a bien évidemment elle aussi compris que son Roméo ne pourra jamais lui apporter le bonheur, c'est triste, mais c'est ainsi.
Ensuite, elle quitte l'hôtel et se rend à son travail. Sa collègue est une sotte qui, si elle vivait aujourd'hui, serait probablement une grande fan de chanteuses canadiennes et de lasagnes surgelées.
Et puis, il y a son boss, un homme pas méchant pour deux sous, se montrant même prévenant, mais qui lui verse un salaire minimum pour un maximum de responsabilités.
Vous croyez que la coupe est pleine, et bien non, notre charmante demoiselle s'occupe également avec une dévotion rare de sa pauvre mère!
Alors, lorsque le patron demande à son employée d'aller déposer une grosse somme d'argent en liquide à la banque à sa place, nous savons qu'elle va profiter de cette situation pour changer radicalement d'existence.
Nous entendons ricaner les ouvriers du film qui se bornent  à enregistrer du vécu  et nous rions d'eux.
Ici, le personnage de fiction fait exactement ce qu'on attend de lui, et si nous participons à sa quête, c'est bien pour le soutenir.
Vous connaissez évidemment la suite. Pour satisfaire les rats de cinémathèque, les critiques, les bénévoles de ciné-clubs et autres rédacteurs de thèses, notre héroïne désespérée va ressentir le besoin de prendre une douche.
Pendant ce temps-là, les personnages des films low-cost cassent des voitures, enfilent les poncifs en attendant avec impatience l'ambulance avec ses jolis phares de toutes les couleurs qui viendra clore leur   palpitante aventure.Mais,de toute façon, on se fiche pas mal de ce qui peut leur arriver.
Je vous embrasse tous, surtout les demoiselles.
Julius Marx

mardi 9 avril 2013

This is England



Il semble que c'est au tour de Maggie de descendre maintenant sous terre. Remarquez comme les choses sont bien faites, l'alternance etc..
Aussitôt, je me suis souvenu ( c'est entièrement faux. En fait, je me suis réveillé dans la nuit) du film de Shane Meadows  This is England.
Nous sommes in England, dans les années 8O. Et l'Angleterre dans les années 8O, c'est l'Age de Fer.
L'intrigue s'articule autour de Shaun, un gamin de 12 ans dont le père soldat vient de perdre la vie aux Malouines. Désemparé, le gosse va chercher un autre père  chez les Skinheads ou même les membres du national front ( je suis parfaitement conscient d'avoir oublié la majuscule, mais je me refuse à "honorer" ces types, voilà. )
 Dans This is England  on remarque le social de Ken Loach ou Mike Leigh  et la violence de Clockwork Orange. Bref, c'est un bon mélange, bien explosif, comme nous les aimons sur ce blog.
Mais, ce qui attire plus particulièrement l'attention ce sont ces personnages si justes et si  subtilement désespérés qui nous refilent un cafard d'enfer.
Il y avait là tous les ingrédients indispensables pour une bonne série bien "réaliste", c'est fait.
Signalons aussi au passage le très bon polar London to Brighton de Paul Andrew Williams ( relevez la subtile allusion à Margaret)  qui , contrairement à d'autres est un réel film noir. Nous en reparlerons ensemble, peut-être.
Je vous laisse. Je dois approvisionner mon compte Suisse.
Julius Marx

lundi 8 avril 2013

LOVE



Le nouveau Woody Allen est comme tous les nouveaux Woody Allen :  référentiel, sympathique, avec un goût prononcé de fruits rouges et de banane. Cette fois-ci, l'appellation d'origine contrôlée est italienne et se nomme To Rome with Love. De love, il en est évidemment beaucoup question. L'intrigue s'articule autour de quatre couples vraiment très chic qui vivent ou sont simplement de passage  dans la ville éternelle. Après une introduction toute fellinienne (un flic maladroit  s'adressant directement à la caméra pour nous présenter les couples en question) nous suivons un étudiant qui hésite entre une brune et une blonde, des retraités américains (Woody et sa compagne) et deux couples d'autochtones. Nous suivons, nous sourions, mais nous n'avons pas vraiment de réelles surprises. Nous rions tout de même au gag du chanteur d'opéra qui ne peut s'exprimer pleinement  qu'en chantant sous la douche.
Côté références, on remarque l'emprunt du prétexte du Sceicco Bianco, premier film de Fellini  (dont nous avons déjà parlé dans ce blog; cherchez, cherchez.) et sa modernisation.
Bon, c'est à peu près tout. Woody poursuit son tour d'Europe des villes. Après Barcelone, Paris et Rome, nous attendons avec une impatience légitime Grozny et Chisinau.

American Gangster de Ridley Scott ne parle pas d'amour et a été tourné à New-York.
Sur le schéma classique des deux trajectoires qui se rencontrent à la fin, nous suivons les aventures mouvementées d'un inspecteur des stups et d'un trafiquant. Ce film brille beaucoup plus par son habillage extrêmement soigné, ses cadres et sa lumière précis et son montage d'une justesse étonnante,  que par son intrigue. Nous sommes à la fin des années soixante et l'Amérique s'enflamme. Le Vietnam, bien entendu, toujours présent dans le cadre sous toutes les formes, monopolise les écrans et les esprits. Mais, impossible de ne pas y voir également une critique révolutionnaire de la société capitaliste en général qui, particulièrement dans ces années là, s'effondre pour renaître plus tard sous une forme encore plus sauvage et destructrice. Ainsi, le personnage symbolisant l'ordre du droit ( le flic qui n'accepte pas la corruption) va dans un premier temps lutter contre le Mal (le gangster) et finira par s'en faire un bon copain, une fois sa peine purgée et le pardon accordé.

Puisque nous parlons du Bien et du Mal, en ce 8 avril,  impossible de ne pas se souvenir du jour anniversaire de la mort de Jim Thompson, un maître du roman noir. Je reproduis donc ici un des nombreux articles que j'ai pu écrire sur le magnifique Série Noire d'Alain Corneau adapté par le facétieux poète Georges Perec. Rarement une adaptation aura été aussi réussie et intelligente.

En 1979 le cinéaste Alain Corneau décide d'adapter sous le titre de "Série Noire", "A Hell of a Woman" de Jim Thompson, paru dans la Série Noire sous le titre "Des cliques et des cloaques". Le roman contient tous les ingrédients de l'univers Thompson : le manque d' identité, de réussite sociale, d'amour. C'est un roman  sur le destin contrarié d'un homme trop tendre pour s'imposer dans le monde implacable qui l'entoure. A peu près tous les romans de Thompson ont la même ligne dramatique.
La première bonne pioche d'Alain Corneau c'est d'avoir confié l'adaptation  et les dialogues du film au talentueux poète Georges Perec.
Bien loin des faiseurs qui tentent sans succès de singer les productions américaines, Perec transforme l'oeuvre tout en gardant les éléments constitutifs qui font sa noirceur originelle.
Dans un premier temps, il transpose l'action dans une banlieue incertaine peuplée par des exploités et des marginaux. Dans ce décor sinistre sans aucune couleur ni relief, les personnages ne luttent plus, la lutte des classes étant remplacée par l'action individuelle forcément désespérée. Pour exemple, voyons la scène d'introduction du film. Franck, le personnage principal, apparaît au centre d'un terrain vague ou flottent les divers résidus de la société. Autour de cette arène, on peut voir l'autre société (celle qui avance en broyant tout sur son passage) : les grues de construction et l'enseigne du centre commercial voisin.Puis,  Perec  met en place le personnage du méchant  (le patron, et son adjuvant l'inspecteur de police ) qui exploite sans scrupules les minorités :immigrés, chômeurs, vagabonds et personnels serviles dont  Franck est l'archétype.
Ensuite, il adapte le langage en donnant au personnage et à ceux qui l'entourent un parlé stéréotypé, sans aucune âme, composé d'expressions populaires, de locutions et de paroles de chansons populaires elles-aussi. Ces chansons forment l'insupportable  bande-son du film. Il faut noter aussi que le patron (exploiteur) ne parle pas comme les exploités. Son langage est soutenu et il emploie même des expressions comme "c'est vraiment coquet chez vous".
Enfin, il ne se substitue pas à la tradition de la femme fatale dont le rôle consiste à sauver le héros mais, vous l'avez deviné,  contribue plus à  sa chute.
Le travail d'adaptation est brillant. Nous ne sommes pas en Amérique pourtant  les  points forts du roman noir sont bien présents, bien loin des poncifs rebattus  des séries sensées nous faire frissonner.
La seconde bonne pioche du réalisateur c'est bien entendu d'avoir choisi Patrick Dewaere pour incarner le personnage principal. Nous l'aimons d'un indicible amour;
Peace and Love
Julius Marx

vendredi 5 avril 2013

Une histoire vraie


Qu'est-ce qu'un bon scénario?
En visionnant Argo de Ben Affleck, qui a récolté une ribambelle de récompense, entre autre pour son script, on peut se poser la question.
Je pense qu'un bon scénario  s'écrit à partir d'une situation initiale prometteuse et se joue inévitablement sur la continuité. L'intrigue ne doit jamais cesser de progresser jusqu'au dénouement, qu'il soit surprenant ou pas. Et puis, bien entendu, le personnage principal  doit "épaissir" au fur et à mesure de sa quête.
Enfin, le script doit être au service d'un contenu, d'un parti-pris, d'une cause à défendre. La nature même de ce contenu, même si elle peut se révéler discutable, reste le choix de son auteur.
La situation initiale du film Argo est plutôt prometteuse. En 1979, en pleine affaire des otages de l'ambassade US en Iran, un agent spécialiste des filtrations de la CIA doit se rendre sur place pour faire sortir  six otages échappés de l'ambassade avant l'assaut des révolutionnaires iraniens, et réfugiés dans la maison de l'ambassadeur du Canada. On se frotte les mains ! Surtout en découvrant les suggestions des pontes du ministère des affaires étrangères qui pensent sérieusement  faire sortir le groupe  en vélo de Téhéran...
On ne se frotte plus les mains mais on applaudit en visionnant cette scène d'un réalisme rare où les dirigeants américains nous montrent leur vrais visages et leur réel degré d'intelligence. En replaçant cette scène dans notre contexte actuel, on jurerait qu'il s'agit d'une réunion de décideurs tous employés de diverses organisations humanitaires, grands spécialistes des peuples opprimés.
Et puis, on applaudit encore quand l'option choisie s'avère être le montage du faux tournage d'un film de science-fiction. L'agent spécial se rend donc dans la Mecque du cinéma pour rencontrer des producteurs aussi zinzins que ses chefs de service.
On pense ( et on a raison de le faire) que ce film courageux va venir dénoncer toutes ces magouilles en unissant dans un projet farfelu le cirque politique et le cirque hollywoodien.
Mais, hélas, on s'aperçoit que l'on a eu tort de s'emballer de la sorte et on se frappe les joues de dépit.
Après ces efficaces et très drôles séquences de préparation, le film devient  d'un conventionnel désuet.
Le voyage iranien ne réserve plus aucune surprise. Les bons sont tous TRES bons et les méchants sont tous TRES méchants. De plus, le personnage principal apparaît nettement moins fringant que dans les premières séquences. Bref, on cherche le parti-pris, mais on ne voit qu'un film d'action au suspens bien monté sans Stallone ni Steven Seagal.
Je vous rassure, tous le monde rentre chez soi sain et sauf et puis, il y a de la musique et des buffets.
La phrase clé de ce script ( et d'une grande partie des scripts actuels)  reste " a partir d'une histoire vraie" . On ne  magnifie pas, on ne travaille pas  l'extra-ordinaire, on se contente d'enregistrer du vécu.
Si vous aimez le vécu, je vous conseille plutôt d'aller voir les fantastiques photos de Tim Page sur son site dans la rubrique "agent Orange".
A côté de ces photos, mes ratiocinations semblent bien dérisoires.
A plus tard.
Julius Marx
timepageimage.com.au

samedi 30 mars 2013

Saint John



Jours fériés ou pas, urbi or not orbi, faisons-nous plaisir encore une fois, mes frères. Cette scène de Point Blank réalisé en 1967 par  Saint John Boorman est une des scènes que l'on aurait bien aimé avoir écrite, tournée et  aussi bien réussie.
Remarquons le  fil conducteur musical de la structure et les cris primitifs venant admirablement ponctuer les éléments constitutifs.
Grâce au choix d'une narration éclatée et d'un point of view omniscient  pour l'ensemble des séquences, la caméra du prophète garde la grande liberté de se positionner aussi bien IN que OUT.
Et puis, mes bien chers frères, saluons ensemble l'excellente chute référentielle (Hitch).


Dans ce second extrait, Saint Boorman nous rappelle que  pendant que nous avons le privilège de  partager l'agneau pascal, confortablement installés autour de la table familiale,d'autres souffrent et  se déchirent. Prions pour eux.

Une petite minute mes frères. Ne partez pas si vite. Il est de mon devoir de vous apprendre également que ce film est une adaptation du roman de Donald Westlake (que nous vénérons ici-bas, paix a son âme) intitulé The Hunter (Comme une fleur en français).
Seigneur, prend pitié de nous.
Allez en paix, mes frères.
Julius Marx