Ici, nous sommes dans l'Ouest et quand la légende dépasse la réalité, on filme la légende.
dimanche 1 décembre 2019
Autrefois
Gloria Mundi, le dernier film de Robert Guédiguian n'est pas un film de Robert Guédiguian. Autrefois, un film de Robert Guédiguian, c'était une promesse d'amour, de poésie, de partage : bref, une chaleur magnifique qui nous tenait au corps bien longtemps après la sortie du ciné.
Aujourd'hui, l'amour est devenu pornographique, la poésie n'a plus sa place et le "chacun pour soi" de notre belle société libérale règne en maître.
Les personnages sont tous (ou presque) négatifs. Plus d'amitiés frivoles ou sincères, mais des êtres toujours réalistes et matérialistes, sans aucun rêve. Le seul qui s'essaie encore à la poésie est un taulard qui a "manqué" les vingt dernières années de cette histoire de famille.
Pour le décor, c'est un peu la même chose. Autrefois, une baraque fraîchement repeinte devenait un douillet nid d'amour. Il suffisait d'y croire. Aujourd'hui les immeubles froids et autres centres commerciaux s'alignent en lieu et place de ce qui nous faisait tant rêver. Ce Marseille là est très loin de nous faire rêver. Fort heureusement, il reste la mer et "l'appel du large".
Enfin, les acteurs sont tous très bons, c'est presque une évidence dans un film de Guédiguian et je mettrais tout de même une petite piécette sur le jeune Grégoire Le Prince-Ringuet, pour sa folie très juste et réservée.
Pour terminer, écoutons ce magnifique échange dans le foyer de l'hôtel
Le travailleur immigré
Mais toi, qu'est-ce que tu fais ici?
Daniel
Comme vous, parce que c'est pas cher
travailleur immigré
Mais toi, t'es d'ici.
Daniel
Je sors de prison
Travailleur
Tu as de la chance, nous, on en sortira jamais.
Allez en paix et tâchez de survivre.
Julius Marx
jeudi 14 novembre 2019
Docus !
C'est un fait; le cinéma a définitivement sombré. Les films de fictions ne sont plus que des documentaires sur le quotidien, les malaises et autres misères relationnelles. Alors, comment faire pour s'adonner à ce plaisir solitaire unique? Regardez des documentaires!
Jadis ennuyeux , souvent pompeux et presque toujours mal foutus, par manque d'argent ou de talent, que sais-je encore? Ils sont aujourd'hui passionnants. Beaucoup mieux écrits, montés et filmés que les longs-métrages, ils apportent à leurs spectateurs un magnifique regard sur notre monde qui s'effondre (oui, comme le ciné, décidemment !) Nous avons déjà parlé ici du magnifique et spectaculaire Wenders consacré au photographe Sebastiao Salgado, alors, occupons-nous sans plus attendre d'autres belles réussites comme "Le funeste destin du docteur Frankenstein"
Documentaire de Jean Froment (France, 2017, 52mn). Ce "thriller-romantique" admirablement bien construit s'occupe tout d'abord du roman de la jeune Mary Shelley écrit en 1816, ce Prométhée moderne qui n'a cessé d'influencer et de terrifier. C'est donc à partir de ce chef-d'oeuvre que le doc
dénoue les thématiques philosophiques et littéraires pour finir par s'interroger sur une science devenue folle, osant toutes les manipulations pour sa quête de l'immortalité. Avec malice et intelligence,les auteurs ne laissent pas passer l'opportunité de mettre notre époque en perspective. Tout ceci est très brillant, bien habillé et filmé ( les intertitres d'inspiration gothique sont magnifiques) et très intelligent . Et puis, on apprend tellement de choses surprenantes, notamment sur l'auteur et sa créature que le plaisir est complet. Visionnez et régalez-vous. Nazis, espions simple ou double, politiciens corrompus, banquiers véreux et autres magiciens de la finance, se croisent et se recroisent dans la passionnante enquête "Le système Octogon" de Jean-Michel Meurice (2011).Il semble même que la production de ce doc "dérangeant" fût, elle aussi, une histoire d'influence et de lutte interne au sein de la télé franco-allemande Arte. Raison de plus pour découvrir cet excellent boulot d'investigation. Visionnez et indignez-vous. Très belles images d'archive ( Ford et Dorothéa Lange, entre autre !) et commentaires pertinents également pour le roman de la colère (Priscillia Pizzato-2018) bâti autour du chef d'oeuvre de Steinbeck qui débute par cette phrase " Il ne peuvent pas m'abattre maintenant, parce que ce serait trop flagrant". Visionnez et lisez. Allez, on se retrouve plus tard. Julius Marx
"Ils ne peuvent pas m’abattre maintenant, parce que ce serait trop flagrant
"Ils ne peuvent pas m’abattre maintenant, parce que ce serait trop flagrant
"Ils ne peuvent pas m’abattre maintenant, parce que ce serait trop flagrant
mercredi 15 mai 2019
Métre-Etalon
(Article paru dans l'indispensable revue "L'Indic")
Allez, ne soyons pas
pusillanimes et attaquons-nous tout de go à l’un des classiques
du film noir avec The Big
Sleep ( Le Grand Sommeil)
d’Howard Hawks (1948). Le même Hawks a déjà réalisé LE
classique du Noir avec son Scarface en 1933.
Pour parler d’un
film comme celui-là, il est souhaitable d’oublier volontairement
les nombreux poncifs rebattus par nombre de critiques chevronnés (
le couple mythique Bogart-Bacall, l’histoire impossible à
comprendre (même pour le réalisateur parait-il), le grand Faulkner
à l’écriture du scénario etc) pour nous concentrer sur une seule
vraie question : Pourquoi ce film reste-t-il, après toutes ces
années, un indiscutable classique du Noir ?
A mon sens, l’un
de ses premiers atouts, c’est son mode de récit. Ce qui frappe en
revoyant le film c’est cette rare et délicieuse sensation d’ouvrir
un roman et de faire dérouler l’histoire, soi-même, chapitre par
chapitre, sans jamais utiliser de marque-page. On peut juste
regretter de n’être pas allongé dans son lit douillet, mais
recroquevillé dans un des ces fauteuils inconfortables qui font la
réputation des salles d’art et d’essai. Bon, revenons à cette
sensation qui n’est généralement possible qu’avec un Point
of wiew -With, c’est à dire, en français
« avec le personnage-principal ».Pour résumer
simplement, imaginons que le spectateur découvre les éléments
constitutifs de l’intrigue en même temps que le personnage
principal. Il n’est donc jamais en avance (ni en retard, bien
entendu) sur lui. Ce mode de récit est clairement annoncé dès le
premier plan du film (et vous connaissez maintenant l’importance du
premier plan dans un film) avec la main de Marlowe qui frappe à la
porte de la maison Sherwood. Ce plan subjectif marquant le début de
l’enquête du privé et du même coup notre entrée dans le récit.
Si l’on adopte ce point de vue, il est indispensable
évidemment que le personnage principal (ici Marlowe) participe à
la plus grande partie des scènes dans le but évident de ne pas
perdre le spectateur en route.
Bon, ceci étant
dit, le récit se poursuit. Le subjectif abandonné (1)
nous avons droit à une description très complète de Marlowe par
des tiers (le valet qui le fait entrer dans la maison, les filles du
général Sherwood, le général lui-même ,etc). Et puis, pour
terminer sur le script et le mode de récit, disons que l’univers
diégétique est accompli. Nous avons là, réunis et en parfaite
symbiose , les nombreux codes et clichés (2)
du Noir.
En analysant le
contenu, nous trouvons une deuxième raison de nous réjouir.
Vous le savez, pour
faire un bon noir il faut de la corruption, des meurtres et du vice.
A l’évidence, ce film ne manque pas de toutes ces jolies choses.
Les personnages Chandlériens étant tous plus on moins corrompus à
des degrés divers.Un riche général à la retraite condamné à
ne plus boire que par procuration, ses filles, qui se chargent de
dilapider l’héritage sans aucun états d’âme, des pauvres,
prêts à tuer pour des sommes dérisoires, des représentants de
l’ordre corrompus, et enfin , des malfrats qui agissent comme de
véritables bêtes sauvages.
De toute évidence,
l’intrigue témoigne bien du trouble, du dérèglement, qui agitait
ce monde-là.
Bref, ne serais-ce
que pour ces deux raisons principales, ce chef-d’oeuvre du cinéma
Noir reste un des mètres-étalon du
genre. Ajoutons simplement que la violence contenue de Bogart
convient parfaitement au personnage crée par Chandler.
Alors,
vous comprendrez aisément, je pense, que même si le réalisateur
lui-même, révèle qu’il n’a pas compris l’intrigue, cela n’a
vraiment aucune importance.
Julius
Marx
(1)
Le lymphatique blondinet Alan Ladd réalisera lui aussi un Marlowe
entièrement tourné en subjectif. Une curiosité.
(2)
Pour ceux qui arrive seulement maintenant, je rappelle une fois de
plus que le mot « cliché » dans l’univers codé du
scénario n’a évidemment pas la même signification que dans la
vraie vie. Il s’agit là d’indispensables codes de narration.
vendredi 12 avril 2019
lundi 1 avril 2019
Cahiers de Cinéma (8)
Youtoube
bien-aimé
Je
suis tombé par hasard (n’en déplaise au barbu viennois) sur une
interview de Maurice Pialat. Cet homme respectable a visiblement
souffert de la fameuse réplique lancée à ses détracteurs au
festival de Cannes : « Si vous ne n’aimez pas »...etc.
Oui, souffert, parce que le public et les médias lui ont
immédiatement collé sur sa veste en tweed de réalisateur
l’étiquette « Méchant-grincheux » comme les enfants
espiègles vous collent un poisson dans le dos le jour du premier
avril. Sur mon Youtoube bien-aimé, les vidéos ne manquent pas !
Maurice dit du mal de la nouvelle vague, Maurice se moque des
réalisateurs finlandais, Maurice n’aime pas la plage et les
barbecues...Bref, tout ceci n’est pas très sérieux. Si l’on
prend la peine de bien écouter, il y a évidemment matière à
réflexion. Dans la séquence que j’ai donc visionnée, Maurice
s’en prends à Jean Renoir et plus particulièrement à l’un de
ses derniers chef-d’oeuvre : French-Cancan.
Si l’ensemble de son argumentation est plutôt cohérent,
l’une de ses remarques, pourtant, m’a bien fait rire. Pialat
pense que la jeune demoiselle à qui Renoir a confié le premier rôle
ne lève pas la jambe assez haut ! Pour lui, tout ceci reste
assez factice et pour tout dire irréel. Voilà bien la fameuse
réalité qui pointe le bout de son nez. Je me demande aussi pourquoi
il n’a pas parlé des décors de Montmartre ou des différents
tableaux peints tout aussi factices. Nous comprenons grâce à cette
simple remarque que Maurice (je me permet de l’appeler Maurice
pour éviter les répétitions) a donc délibérément mis de côté
la notion de spectacle en préférant orienter ses films (ou
devrais-je dire ses expériences?) vers le concret, le réel. Le fait
qu’il dénonce ainsi ce film de faux-semblant dédié au
monde du spectacle et aux saltimbanques est donc totalement justifié
et nous rempli d’une joie immense.
Franco
Lecca
« En
Sicile, la lumière est, comment vous dire, crépusculaire. C’est
une sorte de lumière que l’on pourrait qualifier d’excessive et
qui appelle à la solitude. »
Franco
Lecca (chef-opérateur
de la série des Montalbano, d’après l’oeuvre de Camilleri).
Cette
phrase est extraite d’une interview de ce chef-opérateur pour un
média américain. Le documentaire sur l’univers
Montalbano fait
une vingtaine de minutes et ce qui est frappant, c’est l’ordre de
narration voulu par les auteurs de ce doc.
Tout
d’abord, place au seigneur des lieux, le commissaire ( Luca
Zingaretti) puis, vient le réalisateur et enfin le chef-opérateur
sus-nommé. Pour le reste, nous découvrons les autres acteurs de la
série, les lieux si particuliers etc. Nous avons donc la
confirmation évidente que pour nos amis ricains, la
sainte trilogie d’un film se compose bien du personnage principal,
du réalisateur et de son chef-opérateur (celui qui supporte
l’intrigue/ Celui qui la met en forme/ celui qui l’éclaire et la
cadre.) Voici comment un simple petit docu peut se révéler très
instructif.
Sujets
et contenus
Si
ces deux-là s’entendent généralement assez bien, il y a pourtant
de petites tensions dans ce couple. Tensions que nous allons tenter
de régler illico.
Le
sujet , c’est le fond du scénario. Par exemple : la guerre.
Nul besoin de vous énumérer les nombreux films avec ce même sujet
brûlant de Deer Hunter à La septième compagnie
au clair de lune. Quant au contenu, c’est ce
que l’auteur va pouvoir faire avec ce sujet.
S’il
y a des sujets qui sont aujourd’hui devenus quasiment des
« clichés » comme, par exemple, celui du seigneur qui ne
comprends plus le monde dans lequel il vit (Le Guépard-
Le Salon de Musique ou même le magnifique The
Gunfighter de Henry King )
le contenu lui, reste et restera (espérons-le mes amis) un point de
vue, une opinion clairement exprimée.
Fascination
Etrange
et fascinant de revoir Stagecoach. De découvrir
encore des détails, des plans que l’on avait oubliés ou
simplement occultés. Et puis, cette fascination pour les différents
personnages travaillés à l’extrême (cherchez donc ce qu’on ne
sait pas où ce que l’on apprends pas sur eux ) même s’ils ont
aussi leur fameuse zone d’ombre. Bref, des personnages plus
grands que la vie pourtant très imprégnés de la réalité
de cette époque. Tiens, revoilà la réalité !
L’Indic
Dans
le dernier numéro de cet excellent magazine, je vous parle du Big
Sleep d’Howard Hawks. Il est évidemment question de polar,
de personnages corrompus dans un monde qui s’écroule. Oui, je
sais, c’est une véritable obsession. Bisous mes chéris.
Julius Marx
mercredi 27 février 2019
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