mardi 29 septembre 2015

Slapstick



Il arrive parfois que l'on éprouve le besoin pressant de visionner ce genre d'extrait.
Du point de vue des puristes, il est vraiment regrettable que la fin de la scène, où Harpo se lave des pieds dans la bassine de limonade, faisant évidemment fuir les clients, soit coupée.
Du point de vue des spécialistes, il faut savoir que les Marx tournait ce film en entendant les discours de l'oncle Adolph à la radio et il n'est pas interdit d'imaginer que cette scène là, comme pas mal d'autres dans le film, soit le simple reflet de la pensée marxiste  vis à vis des événements de la grande histoire.
Du point de vue de l'inconditionnel du cinéma muet, il va de soi que cette scène passe en revue les éléments constitutifs de ce que l'on va appeler plus tard, le slapstick.
Enfin, du point de vue du spectateur, il faut admettre qu'il s'agit là d'une bonne poilade.
Julius Marx 


dimanche 27 septembre 2015

Je me souviens (encore)




Je me souviens de la Comacico, qui distribuait les films en Afrique de l’Ouest et de l’éléphant sur l'écran.

Je me souviens  du cinéma en plein air de Ouagadougou, et des cris que poussaient les premiers rangs  au moment ou Alain Delon ou Jean-Paul Belmondo apparaissait sur l’écran.

Je me souviens du cinéma climatisé de Ouagadougou avec son projectionniste qui inversait souvent les bobines et que tout le monde s’en moquait parce que nous venions seulement pour le froid polaire qui régnait dans la salle.

Je me souviens du cinéma en plein air de Ouagadougou et des cris hystériques que poussaient les premiers rangs lorsque Sean Connery embrassait une fille.

Je me souviens d’avoir recherché avec une grande attention l’apparition d’Alfred Hitchcock dans son film Lifeboat qui se passe entièrement sur un petit canot de sauvetage et de l’avoir trouvé.

Je me souviens du monolithe de 2001 l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick et que nous pensions tous, à cette époque, que ce n’était qu’un énorme bloc de Haschich.

Je me souviens du cinéma en plein air de Ouagadougou quand les spectateurs des premiers rangs (non-abrités) venaient se réfugier sous les tôles ondulées des rangées privilégiées lorsqu’une tornade s'invitait à la projection.

Je me souviens d’avoir lu une page du script de La Maison Tellier de Max Ophuls, à la cinémathèque de Beaubourg et d’avoir pensé longtemps au nombre effarant de détails inscrits dans la marge.

Je me souviens d’avoir vu La Ronde, du même Max Ophuls, au cinéma en plein air de Ouagadougou et de la pluie qui dégringolait sur les tôles ondulées, nous empêchant d’entendre les dialogues.


Julius Marx

samedi 26 septembre 2015

Je me souviens




A la manière de Georges Perec ; je me souviens.

Je me souviens des cinémas permanents et puis, du Brady, Boulevard de Strasbourg, qui passait deux films. Sexe et horreur au même programme.

Je me souviens  des caramels Dupont d’Isigny et puis de l’anorak blanc avec capuche de fourrure du petit esquimau sur l’emballage des bâtonnets de crème glacée Miko.

Je me souviens d’avoir vu Les Damnés de Luchino Visconti, un après-midi, dans un cinéma de Lausanne et puis, de la salle qui se vidait petit à petit de ses spectateurs.

Je me souviens toujours du numéro de téléphone de Jean Mineur.

Je me souviens encore du cinéma permanent de Picadilly Circus  qui ne diffusait uniquement des courts-métrages de 20 minutes et d’être resté des heures avec Chaplin, Keaton et Langdon.

Je me souviens d’un autre cinéma permanent, celui de la gare de Victoria Station. Des heures passées, encore, avec des dessins animés de Tom et Jerry, Bug’s Bunny et les autres en attendant le train de nuit pour Paris.

Je me souviens du cinéma des Trois Luxembourg et puis, d’avoir fait la queue juste derrière Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni.

Je me souviens d’avoir vu une soixantaine de fois Une Nuit à l’opéra des Marx Brothers, et puis, d’avoir cessé de compter.

Je me souviens des cinémas Action et du Faces de John Cassavetes.

Je me souviens d’avoir vu  Jour de fête au Champollion  et Playtime sur un écran de 70mn, rue de Rennes.

Je me souviens d’une séance de nuit pour le premier film de Woody Allen What’s up tiger Lily, assis à côté de Pierre Richard.

Je me souviens que l’on entrait dans la Cinémathèque du Palais de Chaillot comme dans une grotte.
(A suivre)

Julius Marx

lundi 21 septembre 2015

Ennio



"Mesdames et messieurs, j’ai tiré des images la parcelle de morale qui m’aide à vivre. Le cinématographe m’a été d’une aide précieuse. Sur la pellicule, j’ai vu triompher la justice, récompenser l’orphelin, protéger la veuve, tandis que le mal était châtié. Ceci ne serait cependant qu’un détail insignifiant si je n’y avais également vu la vie acquérir un ordre formel étroitement encadré par les lois de la vision. En conséquence, ma vie véritable se déroule sur les écrans- et dans les tableaux. Là, actions et réactions se condensent, sous l’aspect d’ombres et de lumières, les philosophies sont éclairées par des compositions, et tout se déroule comme dans un songe préétabli. A l’inverse, la vie quotidienne est à tel point fondée sur le hasard que cela m’effraie, me donne même la chair de poule."
Ennio Flaiano
Autobiographie du Bleu de Prusse
Flaiano, qui a travaillé sur un bon nombre de films fellinens comme I Vittelloni, La Strada, et tant d'autres, est plutôt connu pour ses chroniques douces et amères. Mais c' est aussi et surtout un auteur remarquable. Son  unique roman Tempo di Uccidere vous ravira probablement et vous hantera bien longtemps. Pour d'autres textes aussi savoureux traduits de l'italien  Fine Stagione@blogspot.com.
Si vous ne connaissez pas encore cet homme, je vous envie. Ne me remerciez pas, c'est tout naturel, j'aime beaucoup faire plaisir à mes amis.
Julius Marx

mardi 1 septembre 2015

Kane !



"La maison de la Reine Rouge est magnifique et remplie de personnalités très en vue venues savourer leur propre célébrité. Les fenêtres sont masquées par des rideaux de velours achetés spécialement pour les soirées données pendant le black-out. L’éclairage lui-même a été conçu pour cette unique soirée. Nous folâtrons parmi des faisceaux de lumière mobiles ; nous sommes des figurants dans un film expressionniste allemand sur les captifs du blitz de Beverly Hills. Cette maison, c’est un bunker ! Et ces gens-là sont les invités conviés pour la fin du monde !
Les effets de lumière ont été conçus par Gregg Toland, le directeur de la photographie qui a travaillé sur Citizen Kane, ce film récent que Hearst a tout fait pour couler. Toland est parti prendre une cuite gigantesque  lorsque Citizen Kane a capoté. Il a fini par échouer dans un bordel de Tijuana ; Claire De Haven et Orson Welles sont allés le tirer de là. Ils l’ont emmené au centre de désintoxication de Terry Lux pour qu’il redescende sur terre. L’élaboration de ce dispositif d’éclairage, pour lui, c’est de l’ergothérapie."


Savoureux petit extrait du journal de Kay Lake, daté du mercredi 10 décembre 1941, extrait  du chapitre 38 de Perfidia du grand James Ellroy.
Le Citizen Kane de Wells. Un vrai monument, une pièce de musée à la forme aussi puissante et cohérente que le contenu.. Toland a avalé  l'expressionnisme allemand pendant que Wells digérait toutes les formes de culture ; théâtre, opéra etc.
Comme la plupart des chefs d'oeuvre, le film est aussi nimbé d'histoires extraordinaires, d'affaires; bien réelles ( l'obstination de Hearst à vouloir couler le film) ou simplement inventées.
Ellroy a bien senti que ce Citizen là, c'est la quasi totalité du cinéma hollywoodien.
A revoir impérativement pour bien débuter notre année cinématographique avant de se pencher sans beaucoup de conviction sur d'autres petites choses sans grandes conséquences. 
Julius Marx