Puis les manine reprennent leur voyage et arrivent à la gare. Elles évoluent dans l'air immobile qui pèse sur les voies de garage. Finalement les voici sur les toits de la petite ville. Elles s'abaissent sur les espaces vides dans les rues, le Corso principal et se balancent devant les rectangles des fenêtres.
Des gamins, sur le chemin de l'école, bondissent pour s'emparer des mystérieuses petites boules. Ils poussent des cris de joie : " Las maninas, les manine du printemps."
Un vieillard veut les emprisonner dans son chapeau qu'il brandit comme un filet à papillons.
L'essaim des manine est maintenant parvenu au bord de la mer. Il s'enroule autour des mille fenêtres du Grand Hôtel, encore endormi dans ses stucs. Sur la plage, il survole, à deux pas d'un side-car noir, le premier bivouac de touristes allemands qui vont de temps en temps se jeter à l'eau comme des phoques, en poussant des exclamations gutturales et excitées. Il gagne ensuite le môle où l'attend un homme d'une soixantaine d'années, d'aspect distingué: longue chevelure neigeuse dépassant du vaste chapeau à large bord et pinces à linge aux chevilles, pour resserrer les pantalons. Les gens d'ici l'appellent "l'Avocat".
Il tient à la main une bicyclette neuve, équipée de tout l'attirail nécessaire. L'autre main est tendue en avant , dans l'espoir qu'une manina viendra s'y poser. Et voici en effet l'une des innombrables petites boules blanches doucement, tout doucement, descend sur la paume de l'Avocat, qui la referme, tout satisfait.
Scénario Amarcord (Federico Fellini et Tonino Guerra)
Les Manine, ce n'est pas seulement un instant de poésie, c'est aussi l'occasion d'une présentation de l'arène, des lieux où va se dérouler la majeure partie de l'intrigue du film. C'est encore la découverte des différents protagonistes animateurs ou observateurs de chaque séquence. On peut aussi s'apercevoir que l'auteur, à partir de la version poétique du script initial a choisi de faire parler un des observateurs pour cette présentation (un autre va venir dans la séquence suivante donner lui aussi sa version.)
En choisissant de donner ce point de vue extérieur, Fellini opte pour un récit éclaté, une sorte de mosaïque avec une myriade d'instantanés scintillants, en vrac, tout comme la vie et les souvenirs...
Quelle beauté, quel talent!
Vous ne pouvez pas me voir, mais j'en chiale de plaisir.
Julius Marx
(L'imbécile qui donne son avis)
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