Période des
fêtes, temps des cadeaux.
Ce qui suit,
est pour vous ; cinéphiles.
Que l’année
qui s’annonce nous apporte émotion et bonheur, ou bien seulement l’impression.
Et surtout,
prions pour ne pas devenir aveugles.
Julius
Oui, c’est
bien Henri Butron qui s’exprime dans ces lignes. Haineux, terriblement haineux.
« Au
bout d’un moment, entre l’Amiral.
Je n’ai
jamais pu l’appeler autrement, ce doit être l’ambiance des bateaux dans les
litrons, en plus il porte une sorte de costume croisé à boutons dorés, j’ai l’impression
qu’il est amiral voilà tout.
C’est un Nègre
énorme, la corpulence et la morbidesse de Welles dans « Touch of
Devil », une grosse belle tête cylindrique à cheveux crépus blancs et
barbe idem, de gros yeux, à la Welles jeune dans « Macbeth » cette
fois. Montagne de chair. Très haute. Bien plus grand que moi qui suis pas
petit. On vit en contre-plongée perpétuelle avec ce gustave.
Je n’ai
jamais su l’histoire de l’Amiral. A vue de nez, il approchait la cinquantaine,
encore qu’avec les Nègres, c’est difficile à chiffrer. Donc il avait dû avoir
une vie, qui était encore derrière lui à présent. Je le voyais pas militant, il
avait trop l’air amiral. En même temps, pas chefferie traditionnelle, il
semblait tellement occidentalisé. Ce qu’il évoquait le plus, négritude mise à
part, c’était un révolutionnaire sud-américain revu et corrigé par Hollywood
avant que les Amerloques fassent des complexes au sujet de Cuba. Ceux qui ont
vu « Bandido » de Richard Fleisher me comprendront, il avait, l’Amiral,
un style à la Gilbert Roland, multiplié par plusieurs quintaux de viande, et
noir, et quinquagénaire, avec un zeste d’El Supremo dans « Capitaine Sans
peur » de Walsh. Bon, ça évoque pas grand-chose qu’un sacré bordel. J’ai
dû mal m’expliquer.
En tous les
cas, bref, j’ai jamais cherché à savoir sa vie. Faut laisser sa part au rêve,
pas vrai ? quand ça risque pas de vous coûter de l’argent.
L’Amiral s’avance
vers moi. Sa démarche évoque le vacillement des temples en proie aux premières
trémulations séismiques, dans quelque début de cataclysme antique. Ses gros
yeux roulent et me jaugent. Les deux faux tueurs l’encadrent, prêts à le
soutenir et à l’approuver, me regardant fixement d’une façon vitreuse.
-Anicet
Goyésmith n’est point là, dit-il.
-Je
reviendrai, dis-je.
Mais je ne
bouge pas.
-C’était à
quel sujet ? demande l’Amiral. »
Jean-Patrick
Manchette
L’affaire
N’Gustro
(Série
Noire)
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