samedi 8 décembre 2012

Full sentimental



Dans la petite  liste des authentiques auteurs-rêveurs in celluloïd , celui qu'on oublie le plus souvent  de citer c'est le grand  Chaplin .
Recueillons-nous. Baissons légèrement la tête et laissons doucement  nos rêves flotter jusqu'à  l'écran. Générique.
Tout ce qui va suivre n'est en aucun cas parole d'universitaire zélé, ni extrait de savants manuels blancs et noirs . Non, tout ceci n'est que mémoire ; instantanés scintillants en vrac, car tout comme la vie, l'oeuvre de Chaplin n'est pas un continuum.


Dans la grandeur de Chaplin , le personnage du vagabond occupe à l'évidence une place prépondérante. Ce personnage crée de manière tout à fait fortuite (Flash / vision : un livre de Mack Sennett . Un passage cocasse où l'homme explique que  Chaplin , jusque la coiffé d'un haut de forme , est devenu Charlot, juste avant un de ses tournages, en enfilant simplement un pantalon  beaucoup trop grand pour lui, un gilet trop petit et en se coiffant d'un chapeau melon. ) Bien entendu ce personnage de vagabond est un éclair de génie. Mais, plus qu'un attrait vestimentaire, même symbolique, c'est bien la fonction du vagabond qui est importante. Le vagabond va visiter le monde d'en bas . Il a le pouvoir de jouer les médiateurs entre les différentes classes sociales.Il est  l'adjuvant  (quelquefois même contre son gré) des petits, des sans grade. Il est l'opposant de toutes formes de pouvoir : les flics bien sûr, mais aussi les riches sans scrupules et les bandes de malfrats. Dans la première partie de la vie du vagabond, celle des films muets à une bobine, le personnage  ne donne jamais l'impression de prendre en charge le récit et encore moins de véhiculer le moindre message.Il est simplement un ange tombé du ciel , un Deus ex-machina  spécialement chargé par le tout puissant de venir dénouer les fils du récitC'est à mon sens ce qui fait sa force et sa gloire. Il est vierge, sans passé et sans avenir précis, sans d'autre nom que celui du vagabond. 
Dans la deuxième époque du personnage, celle des longs métrages plus personnels, il est toujours le vagabond. On le découvre le plus souvent dans un endroit insolite (  Flash / vision : Le vagabond  dormant dans les bras d'une statue ,  scène d'introduction de City lights). Et puis, une fois sa "mission" achevée , il reprend la route ou disparaît. Evidemment, on ne peut nier que Chaplin fût un mime extraordinaire avec une invraisemblable force comique, des mimiques et une gestuelle inimaginable. Je défie quiconque de visionner par exemple (The Circus) sans rire une seule fois. De n'esquisser le moindre sourire en visionnant le combat du Charlot policeman avec la terreur du quartier. Ce serait impensable et pour tout dire, cette expérience serait d'une stupidité rare.
Si le personnage  et sa fonction  font l'unanimité , le message ou "contenu " du Chaplin-auteur divise. Certains esprits chagrin reprochent au grand homme  son côté trop moralisateur, d'autres son penchant évident pour le trop  sentimental. Le trop, justement est l'allié de la fiction, du rêve, de la poésie.Il faut savoir filmer les choses en grand : la GRANDE violence, le GRAND amour, le personnage PLUS GRAND que la vie. Chaplin a certainement le pouvoir de se situer au-dessus de nous, de  jouer avec les sentiments sans devenir bêtement sentimental, il savait probablement  que sans les sentiments , comme l'écrit  Jim Harrison : " nous ne serions que des morceaux de barbaques sur le plancher."
Amen .
Musique /
NOIR
Julius Marx

mercredi 5 décembre 2012

Une partie de plaisir




vous propose un petit test.

Regardons ensemble ce soir le télé-film sur France 2 La maison Tellier . Ensuite, prenons un peu de bon temps et visionnons l'adaptation d'Ophuls dans son film "Le Plaisir" réalisée en 1952



Il y a trois parties dans cette oeuvre (trois adaptations de nouvelles de Maupassant) et celle qui nous intéresse donc plus particulièrement s’appelle " La Maison Tellier" . Pour les petits veinards (oui, car ils ont la chance de ne pas avoir encore vu un chef-d’oeuvre, ce qui n’est pas si fréquent par les temps qui courent ) résumons donc la ligne dramatique. L’action débute dans une ville de province un soir. Mais, cette soirée n’est pas une soirée comme les autres,elle est entièrement dédiée aux plaisirs interdits. Ainsi les bourgeois de la ville se retrouvent pour goûter à ces fameux plaisirs. Mais, ce soir là, la maison est close ( quel sens de l’ humour, non? ) Mais Pourquoi cette fermeture? Nous apprendrons plus tard que ces dames se sont rendues à la communion de la nièce de leur patronne! 


Entrons donc dans la première séquence : découverte de la maison. L’auteur a décidé de placer la maison en personnage principal de son récit. Il nous présente donc les lieux comme il le ferait avec un personnage. Fi de bavardages ! Nous apprenons tout (ou presque) sur cette maison grâce à une voix off et à des plans composés avec brio. L’auteur a choisi d’être à l’extérieur. La caméra s’arrête toujours sur le seuil (porte ou fenêtre). Les spectateurs sont en quelque sorte placés dans la position de voyeurs, en retrait. De cette façon, et grâce à l’appui de la voix off, l’auteur a la possibilité de se déplacer beaucoup plus facilement dans le récit. Le narrateur omniscient dirige. Le récit prend d’ailleurs son véritable départ avec l’extinction de la lanterne rouge au-dessus de la porte (commandée par le narrateur) qui nous expédie illico dans la séquence 2: / Flash-back / le voyage en chemin de fer des demoiselles vers la campagne où va avoir lieu la communion. Il faut noter que l’auteur va se servir de la même lanterne pour revenir vers la maison dans l’ultime séquence (ces dames sont de retour, les bourgeois également et la vie reprend son cours « normal ».) Nous avons un autre exemple de ce parti-pris « en retrait » avec ( toujours dans la première séquence) une scène cocasse où les bourgeois sont tous assis sur un banc, face au port. Nous les découvrons de dos , comme si la caméra, après les avoir cherché dans la ville, les trouvait enfin.

Le séquences ont donc toutes leur propre identité. Pour la première et la dernière (maison) le choix d’être en retrait est visible. Pour la séquence de la communion, nous suivons (de très près) une des dames (Me Rosa-Danielle Darrieux) qui est , en quelque sorte, « touchée » par la grâce. Si pour les séquences ville et maison, le cadre est serré et la lumière plutôt sombre, à la campagne, au contraire, tout explose ! Nous suivons, nous précédons même parfois les personnages, c’est une envolée permanente. La scène de la grande messe avec toutes ces dames est simplement magnifique. A ce propos, il faut aussi lire le texte originel de Maupassant et sa savoureuse description des petits communiants (certains passages sont repris par la voix off.)


On vérifie donc une fois de plus qu’un véritable auteur (Ophüls) avec l’aide d’un véritable chef-opérateur (Matras, opérateur aussi des films de Clouzot dont nous causerons bientôt) compose totalement son film (je devrais dire décompose) Il en donne sa propre vision sans se contenter d'enfiler les scènes une à une comme des perles en toc . Pour finir, parlons de ce script . Il y a déjà pas mal d’années, j’ai eu la grande chance de l’admirer. Admiration, oui, je dis bien, car l’épaisseur en était étonnante (le plus du double d’un script classique) et puis surtout, un déroutant sens des détails. Par exemple, pour ceux qui on vu le film, dans la scène où Madame Rosa pénètre dans la chambre de la jeune communiante pour la consoler, remarquez l’étagère de la petite fille avec quelques jouets et des livres. Tout ceci est inscrit dans le script !

Ah ! Quelle époque ! J'en frémis encore...

Julius Marx

lundi 3 décembre 2012

Cause toujours... tu m'interresses


Il fait froid.
Le petit lopin de nature à côté de chez vous ressemble au Sud-Vietnam après que l'oncle Sam a balançé son  agent Orange. Votre femme n'est pas encore rentrée de son séminaire bouddhiste  " Avancer sur la voie de la délivrance". Vous avez pris la précaution de sortir le chien pendant le 2O heures et le fils révise sagement ses devoirs.
Rien d'autre à faire que de se taper le film du dimanche soir sur France 2.
Pour cette soirée la chaîne de la culture a choisi de ressortir  un vieux truc en noir et blanc, histoire de faire un peu d'Audimat. On pourrait d'ailleurs se demander pourquoi ces distingués serviteurs de l'Etat et de l'exception culturelle française n'ont pas opté pour l'une de ces productions  subventionnées avec vôtre redevance. Mais, ne cherchons pas le mal partout et asseyons-nous plutôt dans vôtre canapé Ikéa.
Vous regardez donc Les tontons flingueurs du gentil organisateur Lautner.
Mal foutu, mal cadré (quelquefois même tremblotant, si... si) mais, tellement pittoresque.
Le coup de génie du film, ce n'est pas son scénario hésitant et brouillon, ni son unique thème musical développé à l'extrême, mais bien ses personnages.
Ces gentils gangsters, arrières grands-parents de Tony Montana, qui , foulant des deux pieds le code de déontologie  de leur profession , n'hésitent pas à  déblatérer, vitupérer, fulminer ou invectiver.
Et les porte-flingues, les demi-sel ou les caïds de balancer  thèses , synthèses anti-thèses et conclusions comme des immortels du Quai  Conti ou des sommités de la Sorbonne.
C'est bien cet évident  décalage qui surprend dans un premier temps et qui finit par provoquer l'hilarité tant il est anachronique.
Personne ne venant jamais s'interposer pour leur demander de penser un peu plus à l'action et moins à la parlotte,  les bavards remettent même plusieurs couches d'un épais crépi sur l'édifice.
Qu'importe, on se poile, et c'est bien là l'essentiel. Et puis, le noir et blanc, c'est l'époque de l'unique chaîne, de Madame Mado, du carré blanc, des speakerines à fortes poitrines et choucroutes capillaires, un monde sans exception culturelle, sans ordinateurs, sans problèmes de couples, sans violoncelles !
Allons bon, voilà votre moitié qui revient de son séminaire !
Alors, qu'allez-vous lui répondre lorsqu'elle posera la sempiternelle question : "tu regardes encore ce film?"
Comment lui expliquer ?
Surtout, ne changez pas de chaîne. Ne faites pas semblant de regarder le débat sur les chances d'un compromis à l'UMP...Assumez !
Il vaut mieux passer pour un nostalgique que pour un con.
Julius Marx

mardi 27 novembre 2012

Film cochon



Le prétexte du film Le cochon de Gaza  est un habile prétexte. Habile parce que le spectateur attentif va s'apercevoir tout au long de ce film ( je le qualifie de film grâce à son image proprette et à son contenu un peu plus épais)  que ce  cochon va venir  rassembler les deux communautés. Ainsi, c'est l' impur, le mal, le représentant du Diable sur terre, qui finira par unir les deux parties... un comble!
Un comble, peut-être pas, après tout. Le Mal a peut-être plus d'avenir...
La force de ce film, c'est d'abord le lieu.  
Pour celui qui n'a pas encore visité la fameuse bande de Gaza, l'info est largement supérieure à Trip-machin ou autres petits guides futés.
Grâce au maître  et  à son cochon  nous découvrons un monde clos avec dans l'image l'omniprésence de barrières, de grillages, de murs. Dans cette prison à ciel ouvert, les deux communautés ne cessent de se jauger, de s'observer.De cette promiscuité permanente (des soldats campent sur le toit de notre personnage principal et utilisent  même ses toilettes) naît aussi un monde de survie, fait de transgressions, de combines ou  autres rapines.
Ainsi, les grillages sont parfois troués et sous les murs, des passages secrets permettent de se rendre de l'autre côté.
Quant au contenu, il se résume avec une simple phrase :  la haine est l'âme des partis. Mais ça, petits futés que vous êtes, je suis sûr que vous le saviez déjà!
Le film méritait peut-être une autre fin, plus allégorique encore, dans le genre de celle d'Underground ,par exemple, avec ce morceau de cette terre qui se désolidarise de sa base pour flotter... mais qu'importe.
Une idée très répandue affirme que les films cochons n'ont pratiquement pas de scénario, il est temps maintenant de réviser notre jugement.
Allez, à  très bientôt....Inch'Allah.
Julius Marx

jeudi 22 novembre 2012

Point of view



Un plan séquence d'anthologie pour une destruction annoncée
Le plan-séquence qui ouvre le film est l'un des plus virtuoses qui soient. Jacques Lourcelles en fait un élément à charge contre le film : "Welles utilise le plan-séquence dans une optique opposée à celle de Preminger qui voulait par là faire oublier le découpage et le montage, dans ce rêve idéalement classique d'un film qui serait composé d'un seul plan. Le plan-séquence de Welles se revendique comme tel dans chacune de ses secondes. Le plan-séquence (le premier notamment) est une prouesse destinée à couper le souffle et à engendrer un suspens interne qui concerne moins l'action proprement dite que la virtuosité du metteur en scène."

Bon, nous parlons de  Touch of Evil (La soif du mal) du grand Orson Welles et de son très fameux  plan-séquence  d'une bonne dizaine de minutes ouvrant le film. Un virtuose, l'ami Orson, sans aucun doute possible, mais ; doit-on pour autant parler d'acte gratuit?
Non, pas du tout, car à mon sens ce plan est sensé nous donner le Point of view c'est à dire, en quelque sorte la place du narrateur dans le récit qui  débute.
Dans le cas présent, nous sommes en présence d'un narrateur omniscient placé volontairement au-dessus des évènements, de l'action et des personnages.
Ainsi positionné, cet observateur privilégié a le pouvoir magique de se déplacer avec les personnages mais aussi de précéder l'action, de la devancer (voir la très fameuse scène du motel).
Il y a aussi cette autre scène dont on parle un peu moins où l'on voit l'agression d'un personnage dans une rue sombre. L'homme  reçoit de l'acide en pleine figure et la scène est merveilleusement filmée avec deux visions  différentes : côté agresseur et côté agressé. C'est bien le point of view choisi par l'auteur qui permet une telle liberté. 
Sans cet avertissement judicieux  au tout début du film, le spectateur serait évidemment  en droit de se demander : qui regarde la scène? 
Ce point of view est régulièrement utilisé ( et avec brio) aujourd'hui par le duo Coen, par exemple. 
Vous avez remarqué mon sérieux lorsque je parle de classiques?
Julius Marx


La première partie du texte est extraite d'un article du site du très fameux ciné-club de Caen 


jeudi 8 novembre 2012

F. U. C. K


La série de William Karel " Dans les coulisses de la maison Blanche"  est passionnante et surtout  bien plus  angoissante qu'un  banal thriller. L'auteur a choisit de faire défiler devant sa caméra la plus belle bande de gros salopards  jamais réunie. Salinger, Helms, Haig et les autres font admirer leurs dentiers, ajustent une dernière fois leurs moumoutes et nous racontent  comment et pourquoi ils ont fait larguer quelques millions de tonnes de bombes sur le Sud-est asiatique en 8 années. Après un petit sourire complice et un ré-ajustement rapide de leur belle cravate rayée, ils expliquent aussi comment ils ont  eut la géniale idée d'emprunter la panoplie du parfait petit chimiste de leurs rejetons pour balancer du défoliant dans la jungle ou du napalm sur les villages de cahutes.
Voila du vrai cinéma d'action, bien plus puissant et évocateur que Rambo, de la vraie série américaine ! Après visionnage des six épisodes, on sort de chez soi avec avec ce qui nous tombe dans  les pognes, prêts à frapper sur tout ce qui bouge ; le premier gros à lunettes venu, le nonagénaire donneur de leçon ou autre   politicard qui se présente.
Ensuite, après ce salutaire défoulement , nous visionnons Dear Hunter et nous nous posons inévitablement la  même question :  pourquoi les ouvriers ne refusent-ils pas d'aller au casse-pipe?
Mais oui, cher monsieur, là est la question, l'unique question.
Côté divertissements coûteux, j'ai visionné une production Arcady (le joli logo "A" doré qui  ouvre le film est d'un chic!) qui s'appelle Comme les 5 doigts de la main.  Que le réalisateur du dit produit se prenne pour l'auteur du Parrain , nous n'en avons jamais douté .Nos derniers doutes se sont envolés après avoir visionné la totalité de la première séquence du Grand Pardon, totalement pompée sur l'original américain. Remplacer la famille Corleone par la tribu Zeitoun, après tout pourquoi pas, certains se sont permis d'autres improvisations bien plus périlleuses.
Mais, Alger n'est pas New-York, Roger n'est pas Marlon et la tragédie initiale se transforme vite en opéra de quatre sous.
A l'évidence, ce que  A  production a  mis de côté pour les acteurs, les costumes, les décors ou les cascades   manque cruellement à l'équipe de scénaristes.
Vu aussi un téléfilm sur la vie et l'oeuvre d' Albert Camus réalisé par un certain Djaoui.
 Monsieur D semble avoir des prétentions artistiques, c'est dommage. Ici, point de récit linéaire, c'est beaucoup trop simple, mais un montage maladroit et une caméra qui flotte constamment autour et au-dessus des personnages qui font ce qu'ils peuvent pour se retrouver dans le champ sur leur meilleur profil.
Certains pensent qu'il est proprement scandaleux que des hommes comme ceux-là puissent encore trouver les millions d'euros nécessaires à la bonne marche de leur entreprise; ils ont sûrement  raison. Mais le monde, mon bon monsieur, le monde ! Eh bien, il semble satisfait le monde... Il tourne.
 Mais alors, que font les policiers? Ils font des films, mon bon monsieur.
Je vous assure mon cousin que vous avez dit bizarre.
Mal de coeur. Coupe coco !
Julius Marx