C’est
amusant de voir comment la grande
majorité des auteurs-réalisateurs
contemporains en voulant jouer la modernité se cassent les dents sur les mêmes écueils,
se rongent les ongles sur des problèmes apparus dès la naissance du cinéma
et finissent tous par perdre la tête
pour ne pondre, finalement, qu’un
téléfilm aux structures éculées.
La nouvelle
tendance (gardez tout de même en tête, amis lecteurs, que ce qui est nouveau
pour moi, ne l’est peut-être pas pour vous, nantis occidentaux) semble bien
être la présentation du personnage principal par lui-même. C’est à l’évidence
avec cette autre mode du biopic qu’est apparue cette fâcheuse manie.
Grâce à une voix off, voici notre héros qui raconte tout ou presque sur son
auguste personne. Son enfance dans un quartier « mal choisi pour mourir et
encore moins pour vivre » (celle-ci, je l’ai piqué à Prudon. Si vous
n’avez pas encore lu Hervé Prudon, lisez, lisez…) de sa scarlatine à huit ans aux dérives
lubriques de sa fougueuse première petite copine. Tout ceci, bien entendu, dans
un souci d’efficacité que seuls les
aigris, les grincheux, les rabat-joie ou les sourds s’obstinent encore à
contester, même si le réalisateur prévoyant a, bien entendu, pensé à illustrer
l’ensemble avec de bien belles images comme on en voit dans les sujets du
journal télévisé. Mais pour son malheur, et le nôtre, ce procédé ne peut
remplacer le travail d’écriture d’une vraie exposition. Vous l’avez compris,
cette prise de contact avec le personnage et son univers est primordiale. Sans
la présentation, le spectateur ne participe pas à la quête du personnage
et il n’est plus qu’un type seul, assis
sur le banc d’une gare de banlieue, regardant défiler les contingents de voyageurs
las, abrutis par leur journée de labeur, en mastiquant son sandwich sncf.
Mais, je ne
m’étonne guère du travail bâclé de ces auteurs. Ils ne sont que les tristes rejetons d’un monde où l’émotion est
bannie au profit du langage de la communication et de la publicité. Il faut
être productif, rendre sa copie avant les autres, c’est ça la concurrence, mon
bon monsieur, la mondialisation : vous avez bien dû en
entendre parler, non ?
Ainsi, dans
le Mr Nice de Bernard Rose (2011) le personnage se présente puis,
nous abandonne à notre triste sort. Le film raconte l’incroyable histoire de
Howard Marks un dealer des années soixante-dix. La vie de cet homme a
probablement été incroyable, je l’admets volontiers, mais, le film lui, ne l’est
pas du tout. C’est ainsi, quand le
cinéma s’empare d’un livre aux multiples rebondissements, il doit à tout prix faire
des ellipses, couper sans remords dans le texte. Un exemple ? Bien
volontiers. Dans son bouquin, le vrai
Marks avoue avoir endossé pas loin de 43 identités pour exercer son art. Dans
le film nous n’en comptons que trois. Le cinéma se doit d’être plus grand que
la vie, alors, pourquoi vouloir absolument adapter ce type de récit ? Simplement
par paresse ? Peut-être bien, mais aussi par manque cruel de talent. Un
vrai scénariste va tenter de dénicher un contenu et une personnalité pour
adapter le texte en fonction et non pas se contenter de cette succession de séquences, si laborieuse et
conventionnelle que nous avons hâte de voir les bouledogues de la police
parvenir enfin à coincer l’hurluberlu. Au passage, notre tendance à l’anarchie en
prend un sacré coup dans le buffet et nous sommes très énervés.
Dans le Crimen
Ferpecto Le Crime Farpait (Alex de la Iglesia-2005) (vous voyez
bien que mon actualité n’est pas la vôtre) le personnage principal se présente
également. Dans toute la séquence, il s’adresse directement aux spectateurs en
allant même jusqu’à livrer sa quête. Le réalisateur
fripon qui a probablement imaginé ce
stratagème en visionnant un épisode d’une émission de télé-réalité (dont il se
moque quelques séquences plus loin) pense certainement que ce petit tour de
magie vient de lui faire gagner un temps précieux. Il a tort, bien entendu. Le
reste du film hésite entre une comédie burlesque, un thriller et une critique
sociale. Ce que va faire et devenir son personnage, nous nous en moquons comme
de ce foutu Colonel Moutarde qui se fait trucider dans la bibliothèque.
Mais oui, chérie,
je me calme.
Tiens, sers moi donc un Campari avec des glaçons. S'il te plaît.
Julius
Marx
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