L’une des toutes premières règles de la narration cinématographique c’est
de présenter son personnage principal le plus rapidement possible, dans sa fonction,
son caractère et son environnement. L’exercice est plutôt logique si l’on sait
que ce personnage a pour mission de nous accompagner (via les éléments
constitutifs de l’intrigue) de la naissance du conflit jusqu’à sa résolution.
La plupart des ouvriers spécialisés du ciné d’aujourd’hui nous collent
un type dans son lit dès la première scène. Et puis voilà que le réveil sonne
et notre homme, après avoir appuyé sur
le bouton pour faire cesser ce lancinant et diabolique rappel à la réalité (la
façon d’appuyer variant, bien entendu, suivant son humeur du jour) (1) se lève et
plonge illico tête baissée dans l’histoire comme un consommateur moyen à qui l’on
a promis une portion de lasagnes surgelées. Ce travail syndical ayant donné jusqu’ici
toute satisfaction, nos ouvriers ne voient pourquoi ils remettraient en cause
ce choix. C’est évidemment la grande différence qui existe entre la portion de
lasagnes surgelées et celle que l’on peut déguster chez un de mes amis, après
que le bougre soit resté trois jours complets dans sa cuisine, ne sortant que
pour choisir le vin et satisfaire à des besoins
bien naturels. Vous me suivez ?
Voyons ensemble quelques exemples plus inspirés, vous mangerez plus
tard. La présentation qui me vient tout de suite à l’esprit est celle de La prisonnière du désert ou tout,
ou presque est clairement annoncé dès l’apparition
d’Ethan et de quelle façon ! Visionnez ! (2) Et puis,
un autre western
Le train sifflera
trois fois ou des habitants du village nous présentent celui qui va arriver en nous
parlant de son passé, de son caractère etc... Astuce utilisée également dans le
subtil et parfait People will talk revu hier soir grâce à Youtoube. Plus proche de notre époque mouvementée, citons
aussi la fameuse voix off de No
country for old men des Coen Bros sur de magnifiques plans de désert.
Le but, vous l’aurez compris, reste de nous faire plonger nous aussi
tête la première dans l’intrigue pour s’occuper au plus vite des « choses
sérieuses ». Pendant ce temps-là, les O.S. qui n’ont pas sélectionné « le
coup du réveil », pensant posséder des prétentions artistiques sans en
avoir les moyens, s’emmêle les pinceaux. Dans combien de chefs-d’œuvre nous
demandons-nous, en suçant frénétiquement le bâtonnet de notre esquimau, (3) qui est
ce type et qu’est-ce qu’il peut bien faire dans cet endroit non identifié qui
pourrait à la fois ressembler à l’atelier d’un bricoleur forcené ou à un
amateur de plongée sous-marine ? Tenez, en attendant que le type sorte de
son atelier, reparlons un peu de People will talk (On murmure
dans la ville-Joseph L. Mankiewicz-1951)
qui n’a pas comme unique qualité qu’une introduction efficace et
astucieuse. Découvrez aussi ce montage « musical », ces recadrages
subtils sur les personnages au moment même où il leur appartient de nous livrer
la raison de leur trouble, de leur bonheur. Remarquons, sans aucune retenue l' humour parfois
grinçant qui pointe sous cette forme-comédie.
Bon, le type n’est toujours pas sorti de son atelier. Et puis, de toute
façon, comment pourrait-on l’apercevoir, tout est si sombre sur l’écran. On s’en
moque, il reste encore tellement de films sur Youtoube ! A l’assaut !
Je vous embrasse, surtout les femmes voluptueuses et philosophes.
Julius Marx
( (1) La sonnerie ou le message du réveil variant eux
aussi, bien entendu, selon le pays, l’époque, et la sensibilité musicale du
type allongé. Sont-ils futés tout de même !
( (2) Il existe un post sur cette intro dans ce blog,
cherchez !
( (3) Je suce toujours un esquimau en visionnant. Je
préfère nettement les esquimaux aux caramels mous qui collent aux dents.
Image: un plan de la scène d'introduction de People will talk.
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